Absentéisme scolaire: les parents en prison (fr)

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Auteur: Thierry Vallat, Avocat au Barreau de Paris 

Mai 2017



Des parents en prison en raison de l'absentéisme scolaire de leurs enfants qui préfèrent l'école buissonnière et leurs jeux vidéo aux bancs du collège ?


On vient d'apprendre que le tribunal correctionnel de Montpellier a condamné ce 3 mai 2017, une mère de famille à trois mois de prison avec sursis en raison des absences répétées de son fils à l'école (France Bleu Hérault) L'enfant, âgé de 10 ans, a été absent 56 jours en 2015 et 2016. Sa mère n'a jamais répondu aux relances du rectorat et aux convocations des organismes sociaux.


En février 2015, la mère d’un élève du collège d'Escaudain (Nord), absent durant deux années scolaires avait été condamnée à quatre mois de prison avec sursis pour l’absentéisme de son fils. Ce dernier avait manqué 79 demi-journées d’école en 2013. Le jeune collégien n'était "presque jamais venu au collège" au cours de son année de sixième en 2012-2013, selon le principal du collège La mère n'a pas assisté à son procès - qui a été sanctionné. Alertée à plusieurs reprises, elle refuse tout contact avec l'école et l'Education nationale, ne se présente pas aux ateliers de parentalité vers lesquels elle est orientée, ne donne pas suite aux injonctions des services éducatifs


Le 20 mai 2010, une mère avait déjà été condamnée à de la prison avec sursis pour les 373 demi-journées d'absentéisme de ses deux filles », poursuivie pour "soustraction d'un parent à ses obligations légales" Cette mère habitant la ville de Chauny (Aisne), a été condamnée à deux mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Laon, alors que ses deux filles âgées de 14 et 15 ans, avaient manqué 279 demi-journées de cours pour l'une et 94 pour l'autre.


Le tribunal de Laon a appliqué les dispositions de l’article 227-17 du code pénal qui constitue l'outil répressif permettant de sanctionner les parents qui se soustraient à leurs obligations légales à l’égard de leur enfant mineur au point de compromettre leur santé, leur sécurité, leur mortalité ou leur éducation.


L'article 227-17 du Code pénal dispose que:


"Le fait, par le père ou la mère légitime, naturel ou adoptif, de se soustraire, sans motif légitime, à ses obligations légales au point de compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de son enfant mineur est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30000 euros d’amende. L’infraction prévue par le présent article est assimilée à un abandon de famille pour l’application du 3º de l’article 373 du code civil."


L’article 227-17 du code pénal avait été modifié par la loi du 9 septembre 2002 afin de pouvoir poursuivre les parents tenus pour responsables de la délinquance de leur enfant. Jusqu’alors il fallait en effet que l’attitude des père et mère ait « gravement » compromis la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation de l’enfant. Il avait été ainsi appliqué aux parents qui livraient leurs enfants à des sectes ( voir par exemple cet arrêt du 11 juillet 1994 pour un enfant de 6 ans et demi envoyé en Inde dans une école dirigée par les adeptes du Sahaja Yoga Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 11 juillet 1994, 93-81.881 ).


L'article 227-17 constitue le pendant pénal de l’article article 375 du code civil qui affirme pour sa part la fonction parentale et instaure son contrôle social et prévoit (dans sa dernière version de mars 2016):


"Si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l'un d'eux, de la personne ou du service à qui l'enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public. Dans les cas où le ministère public a été avisé par le président du conseil départemental, il s'assure que la situation du mineur entre dans le champ d'application de l'article L. 226-4 du code de l'action sociale et des familles. Le juge peut se saisir d'office à titre exceptionnel.


Elles peuvent être ordonnées en même temps pour plusieurs enfants relevant de la même autorité parentale.


La décision fixe la durée de la mesure sans que celle-ci puisse excéder deux ans. La mesure peut être renouvelée par décision motivée.


Cependant, lorsque les parents présentent des difficultés relationnelles et éducatives graves, sévères et chroniques, évaluées comme telles dans l'état actuel des connaissances, affectant durablement leurs compétences dans l'exercice de leur responsabilité parentale, une mesure d'accueil exercée par un service ou une institution peut être ordonnée pour une durée supérieure, afin de permettre à l'enfant de bénéficier d'une continuité relationnelle, affective et géographique dans son lieu de vie dès lors qu'il est adapté à ses besoins immédiats et à venir.


Un rapport concernant la situation de l'enfant doit être transmis annuellement, ou tous les six mois pour les enfants de moins de deux ans, au juge des enfants."


Ainsi, en cas d’absentéisme scolaire chronique révélateur d’un non exercice de l’autorité parentale la justice a deux voies à sa disposition:


- la saisine du juge des enfants sur la base des articles 375 et suivants du code civil. S’il y a lieu à « placement » dans une institution ou dans une famille d’accueil le juge des enfants peut compléter cette mesure par la versement à l’institution ou à la personne qui accueil le l’enfant mais il peut aussi mettre une contribution financière à charge du (ou des) parent(s) défaillant(s) ce qui a généralement pour effet de faire sortir celui de sa tanière devant le risque d’être soumis aux foudres du fisc. La vérité voulant de dire que certains parents n’en ont cure au regard des difficultés financières auxquelles ils sont déjà confrontés. Mais pas tous !

- mais aussi, il est envisageable de pouvoir engager des poursuites pénales contre les parents pour mise en péril de l’enfant par non-exercice de l’autorité parentale.


Rappelons que la loi Ciotti très contestée de septembre 2010 et entrée en vigueur en janvier 2011 permettait notamment de suspendre les allocations familiales en cas d'absentéisme de l'élève. Cette loi a été abrogée en janvier 2013 après plus de 600 suspensions d'allocations


Il y aurait quelque 300.000 élèves absentéistes et 80.000 signalements notifiés lors de la dernière année scolaire


La loi n° 2013-108 du 31 janvier 2013 a donc abrogé les dispositions législatives relatives à la suspension des allocations familiales et au contrat de responsabilité parentale. Le nouveau dispositif prévoit, en cas de persistance du défaut d'assiduité, une nouvelle procédure d'accompagnement des parents d'élèves centrée sur l'établissement d'enseignement scolaire. Les mesures d'accompagnement et de soutien des parents et des élèves sont renforcées, grâce, notamment, à la contractualisation de ces mesures et à la désignation d'un personnel d'éducation référent.


A partir de quatre demi-journées d’absence non justifiées ou sans excuses valables dans le mois, l’établissement réagit. Il peut engager différentes mesures en fonction de la situation : désignation d’un référent au sein de l’établissement pour accompagner la famille, mise en place de mesures pédagogiques et éducatives, orientation vers une structure spécialisée Article L. 131-8 du code de l'éducation


Cette démarche peut même aller jusqu’à la saisie des services sociaux et du directeur académique des services de l'Education nationale (Dasen). Ce dernier est habilité à adresser un avertissement à la famille, leur rappelant obligations légales et sanctions pénales encourues, voire même de les convoquer.


Le fait, pour les parents d'un enfant soumis à l'obligation scolaire, après avertissement donné par le Dasen, de ne pas imposer à l'enfant l'obligation d'assiduité scolaire sans faire connaître de motif légitime ou d'excuse valable ou en donnant des motifs d'absence inexacts est puni d'une amende prévue pour les contraventions de la 4e classe. Les parents encourent ainsi une amende pouvant aller jusqu’à 750 euros


Quand toutes les tentatives de médiation et de dialogue ont échoué, le Dasen saisit le procureur de la République ( Article L. 131-9 du code de l'éducation ) qui jugera des suites à donner et qui pourra, dans ce cadre, effectuer un rappel à la loi ou plus...


La mise en place d'une procédure de sanctions pénales constitue donc l'ultime recours pour mettre fin à une situation d'absentéisme persistant après épuisement de toutes les étapes de médiation.