Blanchiment de capitaux, Secret professionnel de l’avocat, Rôle du Bâtonnier: directive 2015/849/UE

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Auteur : Délégation des Barreaux de France (Partenaire de la Grande Bibliothèque du Droit)
Date: Juillet 2015

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Mots clefs : Blanchiment de capitaux, Secret professionnel de l’avocat, Rôle du Bâtonnier, directive 2015/849/UE, transposition


La directive 2015/849/UE relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme a été publiée, le 5 juin 2015, au Journal Officiel de l’Union européenne (ci-après « la directive »). La directive est accompagnée du règlement 2015/847/UE sur les informations accompagnant les transferts de fonds.

Ce nouveau cadre européen a pour objectif de renforcer la lutte contre le blanchiment de capitaux et combattre le financement du terrorisme au moyen de mesures visant à faciliter le travail des cellules de renseignement financier de différents Etats membres, à instaurer une politique cohérente à l’égard des pays tiers mais, également, à garantir la traçabilité totale des virements de fonds au sein, à destination et en provenance de l’Union européenne. Les mesures prévues tiennent compte, en outre, des recommandations formulées en 2012 par le groupe d’action financière internationale et vont même plus loin sur un certain nombre de questions afin de promouvoir les normes les plus élevées en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et de combattre le financement du terrorisme.


Approche basée sur les risques et évaluation transnationale

L’approche basée sur les risques suppose le recours à la prise de décisions fondées sur des preuves, de façon à cibler de façon plus effective les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme menaçant l’Union et les acteurs qui opèrent en son sein.

Ainsi, la directive prévoit que les Etats membres prennent des mesures appropriées pour identifier, évaluer, comprendre et atténuer les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme auxquels ils sont exposés. Par ailleurs, chaque Etat membre doit désigner une autorité ou mettre en place un mécanisme pour coordonner la réponse nationale aux risques.


La directive indique, en outre, que la Commission est particulièrement bien placée pour étudier les menaces transfrontalières spécifiques qui pourraient affecter le marché intérieur. A cette fin, il est prévu que la Commission établit, au plus tard le 26 juin 2017, un rapport consacré à l’identification, à l’analyse et à l’évaluation de ces risques au niveau de l’Union et que ce dernier soit mis à jour tous les deux ans ou plus fréquemment si nécessaire. Sur la base de ce rapport, la Commission adressera aux Etats membres des recommandations sur les mesures qu’il convient de prendre pour faire face aux risques identifiés.


Mise en place de registres centraux dans les Etats membres conservant les informations relatives aux bénéficiaires effectifs

La directive prévoit des dispositions particulières sur les bénéficiaires effectifs d’entreprises. En effet, elle indique que les Etats membres doivent veiller à ce que les entités constituées sur leur territoire conformément au droit national recueillent et conservent des informations suffisantes, exactes et actuelles sur leurs bénéficiaires effectifs, outre les informations de base telles que le nom et l’adresse de la société, et la preuve de constitution et de propriété légale.


Par ailleurs, en vue de renforcer la transparence afin de lutter contre le détournement d’entités juridiques, les Etats membres doivent faire en sorte que les informations sur les bénéficiaires effectifs soient conservées dans un registre central tenu en dehors de la société.

A cet égard, la directive dispose que les Etats membres peuvent utiliser une base de données centrale qui collecte les informations sur les bénéficiaires effectifs, ou le registre du commerce et des sociétés ou un autre registre central. Dans tous les cas, ces informations doivent être mises à la disposition des autorités compétentes et sont communiquées aux entités assujetties lorsque ces dernières prennent des mesures de vigilance à l’égard de la clientèle. Les Etats membres doivent, également, s’assurer que l’accès aux informations sur les bénéficiaires effectifs est accordé à d’autres personnes pouvant justifier d’un intérêt légitime. Celles-ci doivent avoir accès aux informations concernant la nature et l’ampleur des intérêts effectifs détenus sous la forme de leur poids approximatif.


Mesures spécifiques pour les personnes politiquement exposées et concernant les jeux d’argent et de hasard

La directive clarifie les règles à propos des personnes politiquement exposées, à savoir celles qui présentent un risque de corruption plus élevé que d’habitude en raison des positions politiques qu’elles détiennent, tels que les chefs d’Etat, les membres de gouvernement, les juges de cour suprême et les membres du parlement, ainsi que les membres de leur famille. Dès lors, elle prévoit qu’en cas de relations d’affaires à haut risque avec de telles personnes, des mesures supplémentaires doivent être mises en place, par exemple, pour établir les sources de richesse et des fonds impliqués.


Concernant les services de jeux d’argent et de hasard qui présentent des risques plus élevés, la directive impose aux prestataires d’exercer une diligence raisonnable pour les transactions d’un montant égal ou supérieur à 2000 euros. Par ailleurs, en cas de faible risque avéré, les Etats membres peuvent exempter certains services de jeux d’argent et de hasard de certaines ou de toutes les obligations, dans des circonstances strictement limitées et justifiées. Ces exemptions feront alors l’objet d’une évaluation spécifique des risques.


Prise en compte du caractère spécifique de la profession d’avocat

Concernant, en particulier, la profession d’avocat, la directive souligne la nécessité de protéger le secret professionnel, la confidentialité et la vie privée. Ainsi, au considérant 9, elle précise que les membres des professions juridiques, telles qu’elles sont définies par les Etats membres, sont soumis à la directive lorsqu’ils participent à des transactions de nature financière ou pour le compte de sociétés, notamment lorsqu’ils fournissent des conseils en matière fiscale, car c’est là que le risque de détournement de leurs services à des fins de blanchiment des produits du crime ou de financement du terrorisme est le plus élevé. Toutefois, elle souligne que sont soustraites à toute obligation de déclaration les informations obtenues avant, pendant ou après une procédure judiciaire ou lors de l’évaluation de la situation juridique d’un client.Par conséquent, le conseil juridique reste soumis à l’obligation de secret professionnel, sauf si le membre d’une profession juridique prend part à des activités de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme, fournit des conseils juridiques à des fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme ou sait que son client le sollicite à de telles fins.


Par ailleurs, la directive consolide le rôle de « filtre » du Bâtonnier, tel qu’il a été validé par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Michaud c. France (requête no 12323/11). A cet égard, le considérant 39 et l’article 34 sont particulièrement explicites et précisent que les Etats membres devraient avoir la possibilité de désigner un organisme approprié d’autorégulation comme étant l’autorité à informer en premier lieu à la place de la cellule de renseignement financier et qu’un tel système de déclaration à un organisme d’autorégulation constitue une garantie importante de la protection des droits fondamentaux pour ce qui concerne les obligations de déclaration applicables aux avocats.


En outre, il est indiqué que les Etats membres devraient fournir les moyens et la méthode permettant de protéger le secret professionnel, la confidentialité et la vie privée. Enfin, le considérant 40 précise que lorsqu’un Etat membre décide de désigner un tel organisme d’autorégulation, il peut permettre ou faire obligation à cet organisme de ne pas transmettre les informations obtenues auprès de personnes représentées par cet organisme lorsque ces informations ont été reçues de l’un de leurs clients ou obtenues sur l’un de leurs clients, lors de l’évaluation de la situation juridique de ce client ou dans l’exercice de leur mission de défense ou de représentation de ce client dans une procédure judiciaire ou concernant une telle procédure, y compris dans le cadre de conseils relatifs à la manière d’engager ou d’éviter une telle procédure, que ces informations soient reçues ou obtenues avant, pendant ou après cette procédure.


La directive est entrée en vigueur le 25 juin 2015 et les Etats membres sont tenus de la transposer dans leur ordre juridique national au plus tard le 26 juin 2017.

(JO L 141 du 5 juin 2015)


Voir aussi

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