Demande de précisions et rectification d’une offre incomplète : une approche souple, CAA Paris 17 juin 2014, req. n° 12PA03122 (fr)

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Auteur : Cabinet AdDen avocats
Avocats au barreau de Paris
Publié le 22/07/2014 sur le blog du cabinet AdDen avocats


CAA Paris 17 juin 2014 Ville de Paris, req. n° 12PA03122


Mots cléfs : Marchés publics, appel d'offre, rectificatif


La ville de Paris a lancé une procédure d’appel d’offres ouvert pour la passation d’un marché public de gestion des déchetteries et collecte des objets encombrants. Le lot n° 1 a été attribué à la société Polyurbaine et le lot n° 2 à la société EPES.

Cette dernière a contesté devant le tribunal administratif de Paris la régularité de son éviction du lot n° 1 et demandé à être indemnisée du préjudice résultant de cette éviction. La ville de Paris a relevé appel du jugement du tribunal administratif de Paris la condamnant à verser à la société EPES une somme de 572 189,80 euros. Par la voie de l’appel incident, la société EPES a demandé à la cour de condamner la ville de Paris à lui verser la somme de 3 616 613,12 euros.

Après avoir annulé le jugement attaqué en raison d’une irrégularité formelle tirée de la méconnaissance des articles R. 741-2 et R. 741-7 du code de justice administrative[1], la cour administrative d’appel a évoqué l’affaire et statué sur la demande présentée par la société EPES devant le tribunal administratif.

Le CCTP du marché prévoyait des obligations très détaillées en matière de moyens humains.

La conformité des offres a notamment été examinée au regard de ces obligations, pour le respect desquelles les services de la ville de Paris ont estimé que les candidats devaient mettre à disposition au moins 4,12 Equivalents Temps Plein (ETP). La ville a demandé à trois candidats, dont la société Polyurbaine, des précisions portant notamment sur l’estimation des dépenses de personnel et sur la répartition des horaires des agents affectés aux déchetteries.

La société EPES soutenait que cette demande de précision constituait en réalité une modification par la société Polyurbaine de son offre, intervenue en méconnaissance du I de l’article 59 du code des marchés publics, permettant ainsi à cette entreprise de rendre régulière une offre qui ne l’était pas[2], dès lors qu’elle méconnaissait les exigences des documents de la consultation et aurait dû, en conséquence, être écartée.

Pour mémoire, le I de l’article 59 du code des marchés publics prévoit qu’« il ne peut y avoir de négociation avec les candidats. Il est seulement possible de demander aux candidats de préciser ou de compléter la teneur de leur offre ».

Le Conseil d’Etat a déjà eu l’occasion de préciser que « si ces dispositions s’opposent en principe à toute modification du montant de l’offre à l’initiative du candidat ou du pouvoir adjudicateur, ce principe ne saurait recevoir application dans le cas exceptionnel où il s’agit de rectifier une erreur purement matérielle, d’une nature telle que nul ne pourrait s’en prévaloir de bonne foi dans l’hypothèse où le candidat verrait son offre retenue »[3].

Complétant ce considérant de principe, la cour administrative d’appel de Paris juge dans la décision commentée, après avoir rappelé la définition d’une offre irrégulière, l’obligation de l’éliminer et l’interdiction de tenir des négociations, que « ces dispositions interdisent au pouvoir adjudicateur de modifier ou de rectifier lui-même une offre irrégulière ; que, si le pouvoir adjudicateur n’est pas tenu d’inviter un candidat à préciser ou à compléter une offre irrégulière, il peut toutefois demander à un candidat des précisions sur son offre si celle-ci lui paraît ambiguë ou incertaine, ou l’inviter à rectifier ou à compléter cette offre sans que le candidat puisse alors en modifier la teneur, sauf dans le cas exceptionnel où il s’agit de rectifier une erreur purement matérielle, d’une nature telle que nul ne pourrait s’en prévaloir de bonne foi dans l’hypothèse où le candidat verrait son offre retenue ».

Faisant application de cette règle, la cour considère en l’espèce qu’à supposer même que la société Polyurbaine n’ait pas uniquement commis une erreur de report mais qu’elle ait également proposé un nombre total d’ETP inférieur au minimum exigé par le pouvoir adjudicateur, elle n’aurait en tout état de cause pas pu se prévaloir de cette erreur dans le cadre de l’exécution du marché. Elle ajoute que cette rectification s’est faite à effectif constant, n’a modifié ni le montant de l’offre ni ses caractéristiques techniques et financières et n’a eu aucune incidence sur son classement. Ainsi, la ville de Paris a pu inviter la société Polyurbaine à préciser son offre, et le cas échéant à la compléter ou à la rectifier sans commettre une irrégularité fautive de nature à engager sa responsabilité.



Notes et références

  1. Absence de mention dans la minute du jugement de l’ensemble des mémoires déposés par les parties ainsi que de l’ensemble des moyens soulevés à l’appui de ces mémoires
  2. D’après le rapport d’analyse des offres, l’offre de la société Polyurbaine présentait une incohérence dans son mémoire technique : elle garantissait les heures de présence imposées mais sous-estimait les ETP de gardiennage nécessaires.
  3. CE 21 septembre 2011 Département des Hauts-de-Seine, req. n° 349149 : publié au Rec. CE – CE 16 janvier 2012 Département de l’Essonne, req. n° 353629.


Voir aussi

« Erreur d’expression : opérateur / inattendu. » n’est pas un nombre.