Eolien : annulation de plusieurs refus de permis de construire, Cour administrative d'appel de Marseille, 26 septembre 2014, n°13MA00062 (fr)

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Auteur : Arnaud Gossement
Dossier instruit par : Anne-Laure Vigneron
Avocats au barreau de Paris
Publié le 06/10/2014 sur le blog du GOSSEMENT AVOCAT


Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème Chambre, 26 septembre 2014 n° 13MA00062

(Jurisprudence du cabinet Gossement Avocats)


Mots clefs : Urbanisme, environnement, énergie, éolien, permis de construire, refus



L'arrêt n°13MA00062 rendu ce 26 septembre 2014 par la Cour administrative d'appel de Marseille est intéressant à plusieurs titres et principalement en ce qui concerne la nature et l'étendue du contrôle par le Juge de l'appréciation par l'administration des risques induits par un projet de parc éolien.


L'arrêt démontre que le Juge administratif peut contrôle de manière précise et concrète l'appréciation des risques liés à l'exploitation d'un parc éolien et est en mesure de substituer son appréciation à celle réalisée par le Préfet.

Au cas présent, le tribunal administratif de Nîmes avait rejeté le recours tendant à l'annulation de refus de permis de construire un parc éolien. La société auteur des demandes de permis de construire avait alors interjeté appel de ce jugement.

La Cour administrative d'appel de Marseille fait droit à sa demande, annule le jugement frappé d'appel, annule les refus de permis de construire et enjoint le Préfet de statuer de nouveau sur les demandes de permis, dans un délai de deux mois.


Sur l'article R.111-2 du code de l'urbanisme

En premier lieu, la Cour administrative d'appel de Marseille a jugé, dans le présent dossier, que c'est à tort que le Préfet puis le Tribunal administratif de Nîmes ont pu conclure à la violation de l'article R.111- du code de l'urbanisme.

Rappelons que l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dispose : "Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

Dans la pratique, nombre de refus de permis de construire sont motivés sur le fondement de cet article au motif que tel ou tel risque ne serait pas complètement prévenu par le projet de parc éolien. Le niveau d'exigence en termes de risques est parfois très élevé et confine à celle du risque zéro.

Au cas présent, c'est le risque incendie qui était au coeur du litige. L'arrêt relève tout d'abord l'existence d'une étude poussée de ce risque et présentant un caractère global. Deux projets de parcs éoliens situés à proximité étaient en effet concernés par les refus de permis de construire :

"6. Considérant que l'ensemble des projets présentés par la société centrale éolienne des O., la société centrale éolienne de la S. et la SOCPE du Bois de L., a fait l'objet d'une élaboration commune et notamment, en ce qui concerne la sécurité, que l'appréciation a été portée au regard des caractéristiques d'ensemble des projets qui concernent une même zone de développement éolien arrêtée par le préfet du Gard ; qu'ainsi, d'une part, une seule étude d'impact a été réalisée pour les projets de la société centrale éolienne des Ombrens et de la société centrale éolienne de la S., et, d'autre part, tant l'avis du service départemental d'incendie et de secours que l'étude de sécurité réalisée par l'office national des forêts ou l'avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites ont été réalisés en examinant en commun les projets des trois sociétés ; que l'appréciation de ces projets en termes de sécurité publique, notamment en ce qui concerne les obstacles à la lutte contre les incendies de forêt qu'ils peuvent générer, doit par suite être effectuée en prenant en considération l'ensemble des ouvrages et installations projetés"

La Cour ne se borne pas à relever l'existence de l'étude du risque mais procède elle-même et concrètement à sa propre analyse du risque incendie, au regard des éléments du dossier :

"7. Considérant que les projets portent sur l'implantation dans le bois de Lens, de cinq groupes de trois ou quatre éoliennes alignées sur un axe est-ouest, échelonnées du nord au sud avec des intervalles variant entre un et trois kilomètres ; qu'il ressort des pièces du dossier que, premièrement, si ces groupes constituent des zones d'exclusion au survol des avions de lutte contre l'incendie dans un rayon de six cent mètres, leur implantation a été choisie en fonction des préconisations de l'étude de sécurité réalisée par l'office national des forêts et permet l'utilisation par les avions de lutte contre l'incendie sur le site concerné, de plusieurs axes de largage, tant au nord du groupe de dix éoliennes prévues par la SOCPE du Bois de L., qu'au sud des deux groupes de trois éoliennes projetés par les sociétés requérantes ainsi qu'entre ces deux sites d'implantation des éoliennes ;"

L'arrêt, particulièrement motivé, comporte en outre une analyse précise des moyens - conséquents - mis en oeuvre pour assurer la prévention et la maîtrise du risque :

"8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, deuxièmement, les projets ont intégré les recommandations formulées par l'étude du risque d'incendie réalisée par l'office national des forêts tendant à compenser les obstacles que les projets constituent pour la lutte aérienne contre les incendies par le déplacement ou la suppression de certaines éoliennes du projet global initial, en vue de dégager un axe de largage par voie aérienne au centre du dispositif et par le renforcement des moyens de défense au sol, se traduisant notamment par la mise en place d'une citerne sur chaque ligne d'éoliennes, par l'intégration des pistes d'accès techniques au réseau de lutte et par des opérations de débroussaillement ;"

En conclusion, la Cour juge que le projet ne procède pas "à une aggravation du risque incendie" et juge que c'est à tort que le Tribunal administratif de Nîmes a "confirmé" l'appréciation du risque réalisée par le Préfet :

"9. Considérant qu'il ressort ainsi des pièces du dossier, alors même que le bois de Lens, composé de chênes verts, de chênes kermès et de pins, comporte un boisement présentant un risque d'incendie élevé, que le projet d'implantation d'un parc éolien dans ce bois, qui n'entraîne pas par lui-même une aggravation du risque de déclenchement d'incendie, comporte un ensemble de mesures de prévention et de défense au sol compensant la gêne qui en résulte par ailleurs pour la défense aérienne du massif contre les incendies ; que, par suite, les sociétés requérantes sont fondées à soutenir que c'est à tort que, pour rejeter leurs demandes, le tribunal administratif s'est fondé sur le fait que le préfet n'avait pas fait une appréciation erronée de l'atteinte que les projets sont de nature à porter à la sécurité publique au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;"


Sur l'article R.111-21 du code de l'urbanisme


En deuxième lieu, la Cour administrative d'appel de Marseille a jugé, dans le présent dossier, que c'est à tort que le Préfet puis le Tribunal administratif de Nîmes ont pu conclure à la violation de l'article R.111- du code de l'urbanisme.

Rappelons que l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dispose :" Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. "

C'est de manière tout à fait claire et remarquable que la Cour rappelle que la seule "modification" d'un paysage n'est pas en soi irrégulière. On relèvera également que la Cour souligne l'existence d'une "concertation avec les acteurs locaux" :

"11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des cartes des milieux naturels et des sites sensibles en pages 9 et 10 du schéma régional énergie renouvelables du L. et des pages 69 et suivantes de l'étude d'impact et paysagère des projets en litige, que les implantations projetées des éoliennes ont été établies en position centrale dans le bois de L. en prenant en compte, en concertation avec les acteurs locaux, l'ensemble des perspectives des monuments classés ou d'importance architecturale reconnue existant dans la zone et qu'elles n'y portent pas d'atteinte ; qu'ainsi, à l'exception de la modification nécessairement apportée à un paysage naturel boisé par l'implantation d'un groupe d'une dizaine d'éoliennes de cent vingt mètres de hauteur, il ressort des pièces du dossier que les projets ne portent aucune atteinte à un site ou à un paysage naturel dont le caractère particulier, justifiant sa préservation, serait reconnu ; que les sociétés requérantes sont ainsi également fondées à soutenir que c'est à tort que le préfet s'est fondé sur cet autre motif pour rejeter leurs demandes ;"

Par voie de conséquence, c'est à tort que le Préfet a rejeté les demandes de permis de construire :

"12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société centrale éolienne des O. et la société centrale éolienne de la S. sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à l'annulation des quatre arrêtés du 10 novembre 2009 en litige par lesquels le préfet du G. a rejeté leurs demandes de permis de construire ;

En outre, la Cour a assorti cette annulation d'une injonction :

"13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre à l'autorité compétente de réexaminer les demandes de permis de construire de la société centrale éolienne des O. et de la société centrale éolienne de la S. et de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt".


Voir aussi

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