Influence des associations de protection des consommateurs sur l'évolution du droit de la consommation en matière de télécommunications (fr)

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Le développement et la généralisation des outils de communications électroniques et des réseaux a conduit à de véritables problèmes juridiques notamment pour les consommateurs. Ceux-ci se sont trouvés parfois désemparés face aux incidents techniques (nombreux il y a quelques années) et aux pratiques commerciales des sociétés commercialisant l'accès aux réseaux juridiquement critiquables sur certains points. C'est dans ce contexte que l'action des associations de défense des consommateur a pris une ampleur certaine.

Définitions

La notion de consommateur

Le code de la consommation n'apporte aucune définition de la notion de consommateur. La directive n 93-13 du 5 avril 1993 répond à cette interrogation. Elle vise comme bénéficiaire de la protection du droit de la consommation « toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle ». Cependant la doctrine tend généralement à considérer le consommateur comme la personne physique qui se procure ou qui utilise un bien ou service pour un usage non professionnel. Une personne physique faisant l'acquisition d'un bien dans le cadre de son activité professionnelle ne pourra bénéficier de la qualité de consommateur. Une appréciation extensive de la notion de consommateur a été un temps adoptée par la cour de cassation qui a parfois reconnu la qualité de consommateur à des professionnels faisant l'acquisition d'un bien dans le cadre de leur activité professionnelle. Mais uniquement lorsque l'objet acquis n'entrait pas dans le domaine de compétence du consommateur (ex : un plombier faisant l'acquisition d'un photocopieur). Certaines décisions de première ou deuxième instance ont tendu à reconnaître la qualité de consommateur à des personnes morales.[1] Cette position très discutée, a aujourd'hui été abandonnée notamment en raison de l'infirmation de ce principe par la cour de cassation dans une décision en date du 4 avril 2009.

Les associations de consommateurs

Les associations, d'une manière générale, sont régies par la loi du 1er juillet 1901, loi qui prévoit le fonctionnement de ce type de groupement. L'article 1 de cette même loi prévoit que l'association « est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d'une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices. »

Les associations de consommateurs dispensant des conseils juridiques ne peuvent intervenir pour la défense des consommateurs uniquement si ceux-ci sont membres de l'association du fait de la loi. Cette adhésion peut être conditionnée au paiement d'une cotisation.

Droit de la consommation des télécoms

Le droit de la consommation est un droit qui tend à régir les rapports contractuels ou pré-contractuels entre professionnels et consommateurs. Ces règles ont pour but de rééquilibrer ces relations à travers l'élaboration de règles protectrices favorables aux consommateurs.

Les services de télécommunications peuvent être entendus comme les services consistant « en tout ou partie, en la transmission de et l'acheminement de signaux sur un réseau de télécommunications par des procédés de télécommunications, à l'exception de la radiodiffusion et de lé télévision ».[2]

Le développement est la multiplication des usages des communications électroniques a conduit à l'élaboration d'un corps de règles spécifique en la matière. Le droit de la consommation des télécoms sera ici entendu de façon vaste et comprendra tous les domaines touchant les consommateurs en tant qu'usager. Ainsi sera concernée la téléphonie mobile, les fournisseurs d'accès internet mais aussi le commerce électronique, internet devenant outre un bien de consommation, un moyen de consommation.

Les services de téléphonie

Il s'agit ici de « l'exploitation commerciale du transfert direct de la voix en temps réel entre des utilisateurs raccordés aux points de terminaison d'un réseau de télécommunications ».[3] En pratique les services de téléphonie peuvent être fixes ou mobiles.

Les fournisseurs d'accès internet

Les fournisseurs d'accès sont des structures fournissant à des client un accès à internet.


Le commerce électronique

Le commerce électronique peut se définir comme « l'activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par voix électronique la fourniture de biens ou de services ».[4]

Problématique

Il est donc utile d'étudier brièvement les moyens d'actions dont disposent les associations de consommateurs et d'analyser en dernier lieu l'impact et l'influence de ces actions sur le droit de la consommation des télécoms et les évolutions qui en découlent.

Les différentes catégories d'associations de consommateurs

Les associations généralistes

Certaines associations sont à vocation généraliste et traitent de manière large tous les secteurs touchant les consommateurs. Il s'agit ici d'une vision extensive du droit de la consommation prenant en compte le droit de l'immobilier, des assurances des télécoms, de la banque … Il convient de citer ici L’A.F.O.C ( Association Force Ouvrière Consommateurs), Confédération Syndicale des Familles, l'UFC que choisir (Union Fédérale des Consommateurs Que Choisir) ou encore l'AFF (association des familles de France) à titre d'exemple.


Les associations spécialisées

Il peut s'agir ici d'association créées dans un but très spécifique et visant à défendre les intérêts d'un groupe de consommateurs très ciblé comme la défense des locataires, défense des usagers des services publics... Il existe un certain nombre d'associations de consommateurs spécialisées telles que l'AFUB (association française des usagers des banques) ou en matière de télécoms l'AFUTT (association française de utilisateurs des télécoms).

L'information des consommateurs

Les associations de défense des consommateurs informent généralement ceux-ci par l'édition de plaquettes, brochures, études ou critiques et peuvent conseiller les consommateurs avant la conclusion d'un quelconque contrat.

Le conseil juridique

La plupart des associations de défense des consommateurs assurent une sorte de médiation entre les consommateurs et les professionnels lors de litiges ponctuels que peuvent rencontrer les consommateurs. Il agissent en vue de la résolution des litiges. En cas d'échec de la médiation, l'action en justice peut parfois être nécessaire.

L'action en justice

Les associations de consommateurs ont la possibilité d'assister les consommateurs en justice et ce conformément au code de la consommation prévoyant différents types d'actions. L'article L421-1 du code de la consommation prévoit que ces associations peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs. Dans ce cadre la validité de l'action des association est conditionnée à ce qu'il y soit question d'une infraction pénale, l'infraction pénale devant également causer un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs. Les associations de consommateurs peuvent également mener une action en cessation des agissements cités à l'article L121-6 visant les pratiques commerciales trompeuses. Elles ont également la faculté d'intervenir dans une action en défense de l'intérêt individuel d'un ou plusieurs consommateurs. Cette possibilité est prévue à l'article L421-7. Mais dans ce cas l'association peut seulement se joindre à l'action individuelle exercée par le consommateur L'article L422-1 du code de la consommation prévoit que « lorsque plusieurs consommateurs, personnes physiques, identifiés ont subi des préjudices individuels qui ont été causés par le fait d'un même professionnel, et qui ont une origine commune, toute association agréée et reconnue représentative sur le plan national peut, si elle a été mandatée par au moins deux des consommateurs concernés, agir en réparation devant toute juridiction au nom de ces consommateurs. » L'article L421-6 prévoit également la possibilité pour les association de consommateurs de mener une action en suppression des clauses abusives. Cette demande devra être formulée devant la juridiction civile et tendra à la suppression de ces clauses dans les modèles de contrat proposés aux consommateurs.

L'influence pratique des associations de consommateurs

Une analyse exhaustive de tous les arrêts rendus dans les domaines précités n'ayant qu'un intérêt minime, le but sera ici de faire état des jurisprudences les plus marquantes ainsi que des actions hybrides engagées (telles que les négociations) par les associations de défense des consommateurs.


Services de téléphonie et accès internet

De nombreux contrats proposés par les opérateurs de télécommunications ont fait l'objet d'actions en suppression des clauses abusives et cela concernait principalement les contrats de téléphonie mobile ainsi que les contrats régissant la fourniture d'un accès à internet (avec ou sans offre groupée). Les opérateurs ont aussi été condamnés parfois pour publicité mensongère ou trompeuse.


Les offres commerciales

L'opérateur AOL avait lancé une offre commerciale consistant en un forfait tout illimité avec engagement de 24 mois. Or l'opérateur, victime du succès de son offre, n'a pas pu assurer le service proposé et interrompait certaines connexions. La Cour de cassation, dans un arrêt en date du 9 mars 2004 a condamné l'opérateur pour publicité mensongère en établissant « l’existence d’un trouble illicite tenant au non-respect des promesses publicitaires et des contrats conclus à la suite de la publicité litigieuse. »


Modifications des conditions contractuelles et droit de résiliation

Conformément à l'article L121-84 du code de la consommation en cas de modification des conditions contractuelles de la fourniture d'un service de communications électroniques, l'opérateur doit informer ses abonnés de la possibilité qu'ils leur ait offerte de résilier le contrat sans pénalités et dans les délais impartis par la loi. Or Free, avait inséré dans ses conditions générales de vente de nombreuses clauses autorisant l'opérateur à modifier ces conditions ainsi que les tarifs proposés sans qu'aucune information ne soit délivrée au consommateur et sans que celui-ci ne soit mis en mesure de résilier son abonnement. L'AFF ainsi que l'UFC Que Choisir ont introduit un action en suppression des clauses abusives. La Cour d'Appel de Paris, dans une décision en date du 13 févr. 2009, a déclaré abusives plusieurs de ces clauses ainsi que bon nombre d'autres concernant entre autre la communication des données personnelles ou l'exonération de la responsabilité de Free en cas d'interruption du service ou de communication des données personnelles à des fins de marketing.


Obligation de résultat à la charge de l'opérateur

Orange avait inséré dans les conditions générales de vente de fourniture des services mobiles une clause réputant de moyen l'obligation de fourniture à la charge de la société. L'UFC Que Choisir a introduit une cation en suppression des clauses abusives et la Cour d'Appel de Versailles a déclaré, dans un arrêt daté du 2 février 2004, que l'opérateur était tenu d'une obligation de résultat. Cette jurisprudence majeure a permis d'éclaircir le flou qui pesait jusqu'alors sur la portée de l'obligation à la charge de l'opérateur.

De même, l'arrêt précité rendu par la cour de Cassation le 9 mars 2004 a dégagé le même raisonnement en ce qui concerne les fournisseurs d'accès internet. Cette consécration de l'obligation de résultat incombant aux opérateurs a constitué une avancée majeure pour les consommateurs en matière de fourniture d'accès internet.


Commerce électronique

La vente à distance est prévue par le code de la consommation aux article L121-16 et suivants. Ainsi, certaines règles sont prévues par le code de la consommation. Néanmoins, nombreuses sont les actions en suppression des clauses abusives.


Étendue de l'acceptation de l'offre par le consommateur

L'association des famille de France (AFF) avait introduit une action en suppression des clauses abusives contenues dans les conditions générales de vente du site Père Noël.fr devant le Tribunal de Grande Instance de Paris. Dans un arrêt en date du 4 février 2003, le TGI a déclaré plusieurs clauses abusives et notamment celle autorisant la modification unilatérale des conditions générales de vente proposées par le professionnel, celle réduisant l'obligation légale d'information pré-contractuelle due par le professionnel.


Obligation de conformité et retour des produits non-conformes

Le TGI de paris dans l'arrêt précité opposant l'AFF au site Père Noël.fr a, à ce titre, déclarée abusive la clause réduisant l'obligation de conformité en obligeant le consommateur à formuler des réserves au moment de la livraison pour prendre en compte la demande de remboursement pour non-conformité. En effet cette dernière clause a été jugée contraire à l'article L133-3 du code de commerce qui prévoit un délai de trois jours au consommateur pour effectuer lesdites démarches. La clause, très fréquemment retrouvée, indiquant que les délais de livraisons sont des délais moyens a également été annulée en l'espèce.


Responsabilité du professionnel et réparation du préjudice subi

Dans une affaire opposant l'UFC Que Choisir au site de vente à distance CDISCOUNT, le TGI de Bordeaux, dans une décision en date du 11 mars 2008, a déclaré abusives différents clauses insérées dans les conditions générales de vente dudit site. Ont ainsi été supprimées différents clauses limitant le droit d’annulation de la commande à défaut de livraison ou imposant au consommateur des diligences précises à l’égard du transporteur, en cas de livraison défectueuse, ou exonérant le professionnel de son obligation de livraison après un délai de six mois.

Dans un autre contexte, L'UFC Que Choisir avait également introduit une action suppression des clauses abusives à l'encontre d'Amazon. Le TGI de Paris a statué le 28 octobre 2008 et a ordonné à Amazon le retrait de clauses abusives ainsi qu'au paiement de 30000 euros de dommages et intérêts à l'UFC, en réparation du préjudice subi par l’intérêt collectif des consommateurs.

En l'espèce, conformément à l’article L. 121-20-3 du Code de la consommation « le professionnel est responsable de plein droit à l’égard du consommateur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat conclu à distance » et aux termes de l’article R. 132-1 de ce même code, « (...) est interdite comme abusive au sens de l’alinéa 1er de l’article L. 132-1 la clause ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou de réduire le droit à réparation du non-professionnel ou consommateur en cas de manquement par le professionnel à l’une quelconque de ses obligations ». Amazon a été donc été condamnée en l'espèce pour s'être déchargé totalement de sa responsabilité d'hébergeur et pour avoir imputé automatiquement et sans distinction possible tout préjudice ou dommage résultant des annonces mises en ligne par le consommateur. En effet, le site, en sa qualité d'hébergeur, ne peut être exonéré de sa responsabilité s'il avait connaissance du caractère illicite de l'annonce. La clause prévoyant l'exonération totale de la responsabilité d'Amazon a donc été déclarée abusive.


La délivrance du bien

Dans l'arrêt précité, le TGI de Bordeaux a également décidé que la clause exonérant le professionnel de son obligation de livraison après un délai de six mois ainsi que celle indiquant que les délias de livraison sont des délais moyens étaient abusives. Cette solution avait également été dégagée dans l'arrêt rendu le 4 février 2003.


Modalités de retour

L'affaire opposant Cdiscount à l'UFC Que Choisir a également conduit à ce que la clause imposant des pénalités pour le retour des produits en cas d'exercice par le consommateur de son droit de rétractation était abusive et de nature à dissuader celui-ci d'exercer ce droit.


Protection des données personnelles

L'apport principal de l'arrêt du 28 octobre 2008 concerne la suppression des clauses abusives des conditions générales de vente d'Amazon notamment quant à la question de la protection des données personnelles des consommateurs. En effet Amazon a été condamné pour l'usage des données personnelles qui était prévu dans les conditions générales de vente proposées au consommateur. En effet Amazon se réservait le droit de transmettre lesdites données à ses partenaires commerciaux en vue de l'envoi d'offres promotionnelles et messages publicitaires et ce sans possibilité pour le consommateur de s'opposer à cette communication.

L'impact des négociations

Les actions en justice sont nombreuses mais sont généralement précédées de négociations avec les opérateurs, négociations qui peuvent aboutir ou non. À titre d'exemple il convient de citer les négociations infructueuses qui ont été menées entre l'UFC Que Choisir et SFR et qui ont conduit à l'arrêt du 30 septembre 2008 précité. Cependant ce constat est à nuancer, car l'AFUTT avait notamment demandé en 1993 à ce que la CNIL (Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés) s'engage en faveur de la facturation détaillée. Ce fut chose faite et la facturation détaillée est aujourd'hui très facilement accessible au consommateur. Les concertations des associations de consommateurs ou d'usagers qu'elles aient lieu entre les ministres et ces mêmes associations ou avec les opérateurs peuvent également avoir un impact bénéfique sur le droit de la consommation des télécoms.

L'impact relatif des associations de consommateurs

Les associations de consommateur œuvrent de manière continue afin de rééquilibrer les contrats présentés aux consommateurs par les professionnels. Cependant cette action est d'une portée relative. En effet, bon nombre de clauses déclarées abusives à maintes reprises peuvent encore être aujourd'hui retrouvées dans les contrats.[5] A titre d'exemple, la clause déclarant que l'accès aux services souscrits auprès d'un opérateur ne met à la charge de celui-ci qu'une simple obligation de moyen a été déclarée abusive depuis la jurisprudence Orange du février 2004. Pourtant SFR a récemment été condamné pour avoir introduit cette même clause abusive dans ses conditions générales de vente.[6] La disparition des clauses déclarées abusives par la loi ainsi que par la jurisprudence semble donc une tâche fastidieuse.

Liens externes


Sources

  • Collectif, Lamy droit de l'informatique et des réseaux, Éd. Guide Lamy, 2009, p.132.
  • Catalina CHATELLIER, « L’interdiction des clauses abusives ou illicites : pratique et perspectives », RLDI n° 45, Janvier 2009.

Notes et Références

  1. CA,Aix-en-Provence,2008.
  2. Directive 90/387/CEE du Conseil, du 28 juin 1990, relative à l'établissement du marché intérieur des services de télécommunication par la mise en oeuvre d'un service de fourniture d'un réseau ouvert de télécommunication.
  3. Article 2 de la loi n°90-1170 du 29 décembre 1990.
  4. Loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique.
  5. Voir en ce sens Catalina CHANTELLIER, "L'interdiction des clauses abusives ou illicites : pratique et perspectives".
  6. TGI de Paris, 30 septembre 2008.