L’inter-contrat, période à risque pour les salariés : Plus la durée de l'inter-contrat est longue, plus la situation du salarié en attente peut devenir périlleuse (fr)

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Franc Muller, Avocat au Barreau de Paris
Février 2018



La période d’inter-contrat est ce moment délicat, que de nombreux salariés travaillant en contrat à durée indéterminée pour une société de prestations de services, informatiques en particulier, ont eu à connaître ou connaîtront, qui s’écoule entre la fin d’une mission chez un client et une nouvelle affectation.


L’inter-contrat ne fait l’objet d’aucune disposition légale, et il n’en est traité que de façon incidente par la convention collective des bureaux d’études techniques, dite SYNTEC (dans l’article 2.4 de l’accord du 16 octobre 2013 relatif à l’activité à temps partiel des salariés).


Cette position d’attente est variable selon le carnet de commande de l’entreprise et sa capacité à repositionner, rapidement ou non, le salarié sur une mission relevant de sa compétence.


Lorsque la période d’inter-contrat vient à durer plusieurs mois, elle peut devenir une épreuve pour le salarié, dont l’employeur risque de développer différents stratagèmes pour tenter de le licencier, étant précisé que l’absence de mission ne constitue pas en soi un motif de licenciement.


Non content d’être en proie à l’incertitude que génère cette situation et aux doutes qu’elle peut faire naître, le salarié doit aussi composer avec la pression redoutable qu’exerce sur lui l’employeur, tout à sa quête d’alléger la charge financière que représente ce salarié qu’il considère improductif.


S’ensuivent alors des propositions de missions sans lien avec les compétences de l’intéressé, des demandes de justifications d’une recherche active de missions et un contrôle oppressant, voire même l’imposition d’un « plan d’amélioration des performances », qui, s’il n’est pas suivi d’effet, pourra opportunément servir de motif au licenciement du salarié.


On conseillera aux salariés dont l’inter-contrat vient à se prolonger de ne pas négliger les mails envoyés par leurs supérieurs hiérarchiques, leur demandant de justifier de leur activité, de réaliser une prospection ou d’assister à une présentation auprès d’un client…, et d’y répondre scrupuleusement.


Car des demandes restées lettre morte peuvent constituer autant d’éléments que l’employeur n’hésitera pas à utiliser, en cas de litige, après avoir licencié l’intéressé, pour tenter de démontrer que celui-ci n’avait pas répondu à ses directives et a manqué aux obligations découlant de son contrat de travail.


Il convient néanmoins de rappeler que la Chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que l’employeur a l’obligation de fournir du travail au salarié, et qu’il lui incombe, en cas de contentieux, de prouver que le salarié a refusé d’exécuter son travail ou ne s’est pas tenu à sa disposition (Cass. Soc. 23 oct. 2013 n° 12-14237).


Il importe en effet de préciser que l’employeur procéderait pas à une inversion des rôles en mettant à la charge du salarié l’obligation de trouver impérativement une affectation.


Celui-ci doit certes se tenir à sa disposition, mais n’est pas tenu par l’exigence d’accepter une mission qui ne relèverait pas de son contrat de travail.


C’est ainsi qu’a été considérée comme justifiée la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail d’un salarié, après que la décision de l’employeur de le placer en situation d’« inter-contrat » sans lui fournir de travail pendant une durée de quatre mois, ait été estimée irrégulière (Cass. Soc. 15 mai 2013 n° 11-18872).


L’Ordonnance Macron n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 a au demeurant imaginé un dispositif palliant la difficulté pour les employeurs, en instituant un contrat à durée indéterminée conclut pour la durée d’une opération, qui pourrait par exemple couvrir la durée d’une mission de longue durée chez un client.


Ses conditions de recours sont subordonnées à la conclusion d’une convention ou d’un accord collectif de branche étendu, ou à défaut, dans les secteurs où son usage est habituel et conforme à l’exercice régulier de la profession (article L 1223-8 du Code du travail).


Un tel mécanisme risque de précariser la situation du salarié, dont la relation de travail aura nécessairement une durée limitée ; en outre, il ne bénéficiera pas même des maigres garanties que lui aurait procuré un contrat à durée déterminée.