La Ligue du LOL: un cas d'école du cyberharcèlement de meute (fr)

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Thierry Vallat, Avocat au Barreau de Paris
Février 2019





Un groupe baptisé "Ligue du LOL", regroupant une trentaine de journalistes et communicants parisiens, est accusé d'avoir harcelé en bande d'autres journalistes et blogueurs, notamment des femmes et des militantes féministes, via un groupe Facebook particulièrement actif entre 2009 et 2012, et sur Twitter,


Suite aux révélations de ce dernier week-end, il leur est reproché d’avoir orchestré des campagnes de cyberharcèlement d'une rare violence, sur internet ou par des montages ou des canulars téléphoniques humiliants.


Ce lundi 11 février 2019, deux des principaux protagonistes de ces Alexandre Hervaud, numéro 3 du Web de Libération, et Vincent Glad, collaborateur pigiste du journal, ont été mis à pied "à titre conservatoire".


Encore plus troublant, les faits, désormais pour la plupart prescrits, étaient connus depuis des années des rédactions concernées et ont été pourtant couverts, alors qu'en août 2010, avait circulé une lettre de dénonciation que des victimes de la "Ligue du Lol" avaient rédigée pour alerter les rédactions dans lesquelles les journalistes accusés de harcèlement travaillaient.


Les auteurs, qui opéraient à partir de comptes à pseudonyme étaient donc parfaitement identifiés et connus de tous, et ont pourtant pu continuer à sévir en toute impunité, jusqu'à présent.


Le harcèlement se doublait de propos racistes, homophobes, sexistes ou même pornographiques...


La création d'un délit particulier sur le harcèlement numérique est intervenue en août 2014 avec l’article 222-33-2-2 du Code pénal.


Rappelons que la loi Schiappa du 3 août 2018 consacre la lutte contre le cyber-harcèlement de meute le compléte [1]désormais pour lutter contre les raids numériques en prévoyant que:


"Le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ont entraîné aucune incapacité de travail.


L'infraction est également constituée :


a) Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l'instigation de l'une d'elles, alors même que chacune de ces personnes n'a pas agi de façon répétée ;

b) Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l'absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition.

Les faits mentionnés aux premier à quatrième alinéas sont punis de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende :


1° Lorsqu'ils ont causé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours ;


2° Lorsqu'ils ont été commis sur un mineur de quinze ans ;


3° Lorsqu'ils ont été commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;


4° Lorsqu'ils ont été commis par l'utilisation d'un service de communication au public en ligne ou par le biais d'un support numérique ou électronique ;


5° Lorsqu'un mineur était présent et y a assisté."


Les faits mentionnés aux premier à quatrième alinéas sont punis de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende lorsqu'ils sont commis dans deux des circonstances mentionnées aux 1° à 5°."


L'idée est que même si vous n’avez participé à du cyber-harcèlement qu’avec quelques retweets, ou quelques messages sur des forums, vous pourrez être condamné comme l'auteur principal à des peines allant jusqu'à trois ans d’emprisonnement et de 45.000 € d’amende.


Cette loi ne peut cependant être appliquée aux méfaits de la Ligue du LOL, qui, par ailleurs, sont largement prescrits pour la plupart.


Me Thierry Vallat a analysé ces délits pour l'Express Sexisme, homophobie... Les ravages de la "ligue du LOL [2]" et pour Le Parisien Cyberharcèlement : la «Ligue du LOL» bientôt devant la justice [3] ?