La preuve numérique à l'épreuve du litige (fr)

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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CNEJITA (Conseil Nationale des experts de justice en informatique et techniques associées)
Colloque du 13 avril 2010



SOMMAIRE

I/ Ouverture du colloque
II/ De l'information numérique à la preuve numérique
III/ Constituer une preuve numérique
IV/ Exploiter une preuve numérique
V/ Clôture du colloque


> Intégralité des Actes du Colloque : La preuve numérique à l'épreuve du litige


INTRODUCTION

Monsieur Patrick MATET : Président de la 1ère Chambre, Pôle 1, de la Cour d’Appel de Paris

Je me réjouis de vous accueillir dans ce lieu, symbolique où tant de procès retentissants se sont déroulés. Le contraste est saisissant entre ce lieu qui témoigne de la permanence de la justice et le sujet d’une actualité brûlante que vous avez choisi pour ce colloque. Avec l’avènement de l’ère du numérique et de la révolution numérique, l’information et la communication se sont accélérés et simplifiés. Chacun d’entre nous serait devenu un homo numericus, selon l’expression consacrée et employée par les auteurs d’un savant rapport remis au Sénat. Comme nous le savons tous, nos activités laissent des traces enregistrées et conservées. Même si nous n’en avons qu’une conscience diffuse, nos activités sont suivies par les caméras de vidéosurveillance, par les téléphones portables, par les cartes bancaires, par les cartes de transport en commun, par Internet… Depuis les années 2000, l’écrit sous forme électronique est admis en preuve en droit civil comme en droit pénal. Pourquoi alors consacrer un colloque à la question subtile de la preuve numérique à l’épreuve du litige ? Dans un procès, des questions de fait et de droit doivent être tranchés. Quand ces questions sont complexes, l’administration de la preuve requiert le plus souvent le recours à l’expertise judiciaire. Or l’expertise judiciaire est multiple dans la mesure où elle est régie, selon le cas, par les règles de procédure civile, de procédure pénale ou de procédure administrative et qu’à ces règles générales s’ajoutent des spécificités liées à certaines expertises particulières, comme les expertises immobilières, financières ou de responsabilité médicale. Je crois qu’il convient d’ajouter à cette liste non exhaustive l’expertise numérique.

Dans le maquis du droit de la preuve, je discerne un trait saillant de la preuve numérique : elle entre souvent en tension avec d’autres droits de nature différente, notamment les libertés publiques. Fréquemment, une des parties à l’expertise diligentée dans le cadre de la preuve numérique opposera au recueil des données informatiques le droit à la vie privée, au secret des correspondances ou au secret des affaires. Certes la justice est souvent confrontée à ces choix antagonistes entre preuve et liberté mais la question devient réellement aigue avec la preuve numérique. Le fait que le Sénat ait récemment adopté une proposition de loi visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique, en mettant en avant un nouveau droit à l’oubli illustre bien l’existence d’une confrontation entre droits de nature différente.

Par ailleurs, la fugacité des données informatiques et numériques multiplie les difficultés de recueil et de conservation de la preuve et la nature immatérielle de ces données entraîne un effacement problématique des frontières entre sphère privée et sphère professionnelle notamment dans l’activité des salariés. Cette nature immatérielle oblige aussi à reconsidérer les notions de souveraineté étatique, face à l’extraterritorialité des données qui ne sont pas toujours constituées dans le pays de commission de l’infraction : la cybercriminalité s’épanouit dans des réseaux numériques complexes et pose des questions juridiques nouvelles pour les pénalistes. Confrontés à toutes ces difficultés, nous pourrions être tentés de conclure que le droit s’épuise à poursuivre la preuve numérique dont les frontières s’échappent toujours plus loin. La justice est-elle condamnée, comme Sisyphe, à faire un travail inutile et vain en matière de preuve ? Sur ce point, nous pouvons affirmer que la preuve numérique est effectivement en perpétuelle construction et que, même si elle s’élabore moins rapidement que la technique qui évolue à grande vitesse, le cadre juridique de la preuve numérique dans le litige est le droit de la preuve. Or, les attentes des justiciables, des avocats et des juges sont les mêmes pour la preuve numérique et les autres preuves : cette preuve doit être fiable et crédible. Pour que la preuve numérique soit fiable, ou solide comme disent les Anglo-saxons à propos de l’admissibilité de la preuve recueillie lors de la discovery, il est impératif que les données soient réunies selon une méthodologie acceptée par tous. Pour qu’elle soit crédible, elle doit résister à la discussion : l’expert doit alors tout mettre en oeuvre pour que les parties puissent débattre de toutes les questions posées par cette preuve numérique. La convention signée en 2009 par la Cour d’appel de Paris, les barreaux des neuf tribunaux du ressort et l'Union des compagnies d'experts près la cour d'appel de Paris demande aux experts de remettre aux parties un document de synthèse avant qu’elles n’émettent leurs observations, afin de favoriser la discussion et épuiser le débat technique lors du temps de l’expertise. C’est à l’aune de cette discussion contradictoire que le juge se convaincra de la pertinence des conclusions expertales. Les débats de cet après-midi feront progresser notre réflexion et je remercie tous ceux qui vont oeuvrer en ce sens. Sur ces questions techniques, n’est-ce pas le propre des experts, comme le dit l’article 232 du Code de procédure civile, d’apporter à la Justice ces lumières ?


Monsieur Nathan HATTAB : Président de la Compagnie Nationale des Experts de Justice en Informatique et Techniques Associées

J’ai le plaisir de vous accueillir dans ce colloque de la Compagnie Nationale des Experts de Justice en Informatique et Techniques Associées pour une réflexion sur le thème de la preuve numérique à l’épreuve du litige. Je remercie le Premier Président de la cour d’appel de Paris d’avoir accepté de nous accueillir dans cette superbe salle ainsi que le laboratoire DANTE de l’université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines pour sa contribution à ce colloque.

Lorsque les experts sont amenés à expertiser un objet comportant des éléments d’information numérique, ils se posent de nombreuses questions, notamment sur le processus de collecte de ces informations, sur leur conservation, sur les vérifications et sur les précautions à prendre. Ce colloque voudrait répondre au moins en partie à ces questions. Il est organisé en quatre étapes avec une présentation du cadre juridique de la preuve et des critères d’appréciation de la preuve numérique puis deux tables rondes consacrées respectivement à la constitution de la preuve numérique et à l’exploitation de la preuve numérique. Enfin, nous terminerons ce colloque par une synthèse. La Compagnie nationale des experts de justice en informatique et techniques associées (CNEJITA) dispose d’un site (www.cnejita.org) sur lequel vous pourrez trouver les actes du colloque de l’année dernière et ceux de cette année.



Autres travaux

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