La restriction des communications entre l’avocat et l’accusé pour des raisons de secret d’État est contraire à la CEDH (fr)

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Auteur : Thierry Vallat, avocat au Barreau de Paris
25 juillet 2017



La restriction des communications entre l’avocat et un accusé pour des raisons de secret d’État est contraire à la Convention des droits de l'homme: tel est le sens de la décision rendue ce 25 juillet 2017 par la CEDH...


L’affaire M c. Pays-Bas (requête no 2156/10) concernait un ancien membre des services secrets néerlandais inculpé de divulgation de secrets d’État.


Il s'agissait d'un ancien membre des services secrets néerlandais, l’AIVD (Algemene Inlichtingen- enVeiligheidsdienst, ou Renseignements généraux et service de sécurité). Il y travaillait en qualité d’ingénieur du son et d’interprète. En cette qualité, il avait accès à des informations classifiées qu’il avait pour instruction stricte de ne pas divulguer. Ce devoir de silence se perpétuait même après la cessation de ses fonctions.


En 2004, il fut accusé d’avoir révélé des secrets d’État à des personnes non autorisées, dont certaines étaient soupçonnées de terrorisme. Avant de passer en jugement, il fut avisé par l’AIVD que discuter d’informations relevant de son devoir de silence avec quiconque, y compris avec son avocat, serait constitutif d’une infraction pénale distincte. L’accès de la défense aux documents fit également l’objet de restrictions, certains n’ayant été communiqués que sous une forme caviardée.


En première instance, les avocats du requérant contestèrent les restrictions touchant la défense, en particulier s’agissant des communications entre eux et leur client. Une exemption sous condition fut alors accordée par l’AIVD, qui permettait à M. M. de ne révéler qu’à ses avocats les informations strictement nécessaires à la défense de leur client.

En appel, le requérant se plaignit également, en vain, de ne pas avoir été autorisé à livrer les noms des membres de l’AIVD qu’il souhaitait convoquer en qualité de témoins devant la cour d’appel.


Tous les membres de l’AIVD qui comparurent en qualité de témoins furent autorisés à refuser de répondre aux questions de la défense susceptibles de compromettre le secret des renseignements de l’AIVD. De plus, leur voix et leur apparence étaient déguisées de manière à dissimuler leur identité.


Le requérant fut reconnu coupable par le tribunal d’arrondissement hollandais et condamné à quatre ans et six mois d’emprisonnement, peine réduite à quatre ans par la cour d’appel puis à trois ans et dix mois par la Cour suprême.


Il soutenait devant la Cour européenne des droits de l’homme que son procès pénal ultérieur avait été inéquitable.


Dans son arrêt de chambre rendu le 25 juillet 2017, la CEDH reconnait à l’unanimité la violation de l’article 6 §§ 1 (droit à un procès équitable) et 3 c) (droit à l’assistance d’un défenseur de son choix) de la Convention européenne des droits de l’homme.


Elle juge que, parce que l'ancien espion était menacé de poursuites s’il venait à révéler des secrets d’État à ses avocats, la communication entre lui et ces derniers n’était pas libre et sans restriction quant à sa teneur, ce qui a irrémédiablement nui à l’équité de la procédure dirigée contre lui.


La Cour fait observer qu’un nouveau procès ou la réouverture de la procédure interne à la demande du requérant représente un moyen approprié de redresser la violation.