Les fins de non-recevoir dans le cadre du divorce (fr)

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Compte rendu de la réunion du 2 février 2016 de la Commission Famille du barreau de Paris
par Anne-Lise Lonné-Clément, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo — édition privée


La Commission "Droit de la famille" du barreau de Paris, sous la responsabilité de Madame Hélène PoiveyLeclercq, ancien membre du conseil de l'Ordre, organisait, le 15 février 2016, une réunion sur le thème "création artistique et régimes matrimoniaux", animée par Francis Tissot et Adrien Saporito, avocats à la Cour, et Brigitte Roman, notaire assistant, docteur en droit. Présentes à cette occasion, les éditions juridiques Lexbase vous proposent de retrouver le compte-rendu de cette réunion.



La question de la procédure est assez rarement évoquée en droit de la famille, alors que cette matière intéresse les praticiens au premier plan. Tout particulièrement dans le cadre du divorce, où le contentieux reste important, malgré la volonté croissante du législateur de recourir en priorité à la voie négociée. A l'ère de la promotion des modes de règlement amiable des litiges, le sujet traité peut sembler à contre-courant, mais il n'est pas sans intérêt. On le sait, le non-respect des règles procédurales peut engager la responsabilité des avocats. En défense, quatre voies sont ouvertes au plaidant : la défense au fond ; la demande reconventionnelle ; l'exception de procédure, qui permet de discuter de la régularité de la procédure ; la fin de non-recevoir, qui vise à contester l'action elle-même. Ces deux derniers moyens de défense constituent le cœur du sujet ici traité.

Il convient avant tout de définir brièvement ces notions procédurales. Concernant l'exception de procédure, l'article 73 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1290H4K) la définit comme "tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours". Le Code de procédure civile en énonce cinq catégories : l'exception d'incompétence ; l'exception de litispendance ; l'exception de connexité ; l'exception dilatoire et l'exception de nullité. A priori, cette liste donnée par le code n'est pas limitative, mais la présente intervention se limitera à celle-ci, à quelques exceptions près. Il est important de souligner que les exceptions de procédure doivent en principe être invoquées toutes simultanément, et in limine litis, soit avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. A défaut, le moyen est irrecevable. Il existe toutefois des tempéraments à cette règle.

Quant à la fin de non-recevoir, elle constitue un autre moyen d'éluder le débat au fond. L'article 122 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1414H47) précise que "constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée". Là encore, l'énumération du législateur n'est pas limitative et n'épuise pas la liste des fins de non-recevoir, dont on trouve des exemples importants dans le droit de la famille. Les fins de non-recevoir peuvent en principe être soulevées en tout état de cause, contrairement aux exceptions de procédure.

Il ne s'agit pas ici de traiter de manière exhaustive de l'ensemble des exceptions de procédure et fins de nonrecevoir, tant la matière est vaste et souvent confuse, mais avant tout de rappeler des règles procédurales et d'en donner des applications concrètes en matière de divorce.

S'agissant de la première partie se rapportant aux exceptions de procédure dans le cadre du divorce, lire Les exceptions de procédure dans le cadre du divorce (1/2) : les exceptions d'incompétence et de litispendance (N° Lexbase : N1777BWQ) et Les exceptions de procédure dans le cadre du divorce (2/2) : les exceptions dilatoires et de nullité (N° Lexbase : N1781BWU).

Seconde partie : les fins de non-recevoir (C. pr. civ., art. 122 à 126)


Rappel des règles procédurales

La fin de non-recevoir est tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir... Il n'est pas facile de distinguer celle-ci de l'exception de nullité. La nullité affecte la validité de la procédure pour inobservation des formes ou irrégularité de fond ; la fin de non-recevoir affecte l'action elle-même, elle est relative au droit de faire le procès. Mais, la jurisprudence, souvent incertaine, ne facilite pas l'exercice du devoir de conseil de l'avocat, et la confusion est également entretenue par le législateur. Il convient de retenir deux règles principales : l'absence d'exigence d'un grief ; la possibilité de soulever la fin de non-recevoir en tout état de cause.

A noter que le juge doit relever d'office la fin de non-recevoir lorsqu'elle a un caractère d'ordre public, notamment en cas d'inobservation des délais d'exercice d'une voie de recours ou de l'absence d'ouverture d'une voie de recours.

Une fois l'irrecevabilité déclarée, le juge ne peut plus examiner le fond de l'affaire.

= Conseils pratiques =

S'agissant de l'avocat du plaideur qui soulève une fin de non-recevoir, là encore, dans les écritures, il faut présenter au juge la fin de non-recevoir de telle façon qu'elle puisse être examinée de manière efficace. Il faut donc exclure des conclusions les formules types qui demandent à ce que l'adversaire soit déclaré irrecevable en sa demande, sans motiver le défaut de droit d'agir. On a parfois tendance à abuser à tort du terme "irrecevable".

Par ailleurs, la fin de non-recevoir peut être soulevée en tout état de cause. Dans le cadre d'une procédure orale, l'avocat peut présenter valablement une fin de non-recevoir au cours de l'audience. Mais le juge pourra condamner à des dommages-intérêts le plaideur qui se serait abstenu de la soulever plus tôt dans une intention dilatoire.

S'agissant de l'avocat de la partie frappée du défaut de droit d'agir, la régularisation est possible, mais il faut déjà que la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir puisse être régularisée (ex. : impossible en cas de décès de l'époux). Mais, en cas de régularisation, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue. Cette régularisation peut intervenir à tout moment, même en cause d'appel, sauf disposition contraire. Elle doit être faite avant la clôture des débats ou le prononcé de l'ordonnance de clôture, selon que la procédure est orale ou écrite.

Applications : panorama de fins de non-recevoir

La fin de non-recevoir peut empêcher l'exercice de l'action en divorce, au début ou en cours d'instance. On en recense un certain nombre dans le cadre du divorce et il n'est pas facile de faire un classement très cohérent.

Cas généraux de fins de non-recevoir constituant des obstacles à l'action en divorce

Nullité du mariage

Un jugement prononçant la nullité du mariage constitue une fin de non-recevoir à l'action en divorce. Mais la jurisprudence a précisé que la nullité du mariage ne pouvait être invoquée sous forme de fin de non-recevoir tant qu'elle n'avait pas été prononcée (CA Paris, 12 janvier 1966, D., 1966. Somm. 82). Il faut entamer une procédure différente fondée sur ce moyen. La cour d'appel de Paris a considéré que l'action en nullité du mariage par un époux avait une incidence sur la demande en divorce formée par l'autre et qu'il convenait donc de surseoir à statuer sur les demandes en appel des parties dans l'attente du jugement sur la nullité du mariage. Autrement dit, l'action en nullité du mariage peut paralyser la procédure de divorce (CA Paris, 6 décembre 2001, n˚ 2000/14 794).

Existence d'un divorce antérieur (chose jugée)

Cette hypothèse se présente en droit international privé. La dissolution antérieure du mariage à l'étranger peut constituer une fin de non-recevoir à l'action en divorce en France. Mais la Cour de cassation a précisé que le jugement de divorce étranger ne pouvait faire obstacle à l'introduction en France d'une demande en divorce que s'il était internationalement régulier et passé en force de chose jugée (Cass. civ. 1, 10 juillet 1984, n˚ 83-10.738 N° Lexbase : A0718AAT). Le juge doit contrôler d'office la régularité de la décision étrangère lorsque l'autorité de la chose jugée est invoquée comme fin de non-recevoir ou lorsqu'est demandée l'exécution en France de la décision. La Cour de cassation censure systématiquement les arrêts qui ne procèdent pas à ce contrôle ou le font de manière insuffisante (Cass. civ. 1, 17 février 2004, deux arrêts, n˚ 02-15.766 FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3074DBH et n˚ 02-10.755, FS-P+B+R N° Lexbase : A3199DB4 ; Cass. civ. 1, 14 janvier 2009, n˚ 08-10.205, F-P+B N° Lexbase : A3534ECU ; Cass. civ. 1, 10 mai 2007, n˚ 06-11.323, FS-P+B+I N° Lexbase : A0927DWA ; Cass. civ. 1, 12 septembre 2012, n˚ 11-17.023, F-P+B+I N° Lexbase : A5540ISY). Exemples De nombreux arrêts ont été rendus dans le cas des répudiations unilatérales, concernant des époux domiciliés sur le territoire français ou vivant à l'étranger de nationalité française (Cass. civ. 1, 17 février 2004, deux arrêts, n˚ 01-11.549, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3072DBE et n˚ 02-11.618 , FS-P+B+R+I N° Lexbase : A3073DBG ; Cass. civ. 1, 25 octobre 2005, n˚ 03-20.845, F-P+B N° Lexbase : A1483DLI ; Cass. civ. 1, 3 janvier 2006, n˚ 04-15.231 , F-P+B N° Lexbase : A1727DMW ; Cass. civ. 1, 10 mai 2006, n˚ 04-19.444, F-P+B N° Lexbase : A3510DPP ; Cass. civ. 1, 19 septembre 2007, n˚ 06-19.577, F-P+B N° Lexbase : A4333DY7 ; Cass. civ. 1, 6 février 2008, n˚ 06-21.870, F-D N° Lexbase : A7238D4T ; Cass. civ. 1, 4 novembre 2009, n˚ 08-20.574, FS-P+B+I N° Lexbase : A7846EMK). S'agissant d'un jugement déclaré régulier (Cass. civ. 1, 6 mars 1979, n˚ 77-13.179 N° Lexbase : A2975CGB), la Cour de cassation a considéré que le fait qu'une procédure de divorce suivie à l'étranger (en l'espèce, au Liban) ne comporte pas de tentative de conciliation, ne porte atteinte ni à la conception française de l'ordre public international, ni aux droits de la défense et ne fait pas obstacle à l'exequatur de la décision étrangère rendue dans ces conditions. Deux questions se sont posées. La première est de savoir si le juge conciliateur peut statuer lorsque le défendeur oppose une fin de non recevoir tiré du jugement de divorce prononcé à l'étranger. La réponse est positive (cf. Cass. civ. 1, 9 juillet 1991, n˚ 89-13.940 N° Lexbase : A4471AH3 ; Cass. civ. 1, 10 mai 2007, n˚ 06-12.476, FS-P+B+I N° Lexbase : A0928DWB et n˚ 06-11.323, FS-P+B+I N° Lexbase : A0927DWA ; à noter, toutefois, contra : Cass. civ. 2, 9 janvier 2003, n˚ 00-19.221, FP-P+B N° Lexbase : A6066A4G ayant déclaré le juge conciliateur incompétent). La seconde question est celle de savoir si la décision du juge conciliateur, qui a par essence un "caractère provisoire", lie le juge du fond sur la régularité de la décision étrangère. La deuxième chambre civile de la Cour de cassation avait considéré, en 1998, qu'en raison de son caractère provisoire, l'ordonnance qui statue sur la recevabilité de la requête en divorce à laquelle est opposée une fin de non-recevoir ne lie pas le juge du fond saisi de ce moyen de défense (Cass. civ. 2, 4 mars 1998, n˚ 96-14.230 N° Lexbase : A2699ACX). Mais dans un arrêt du 19 septembre 2007 (Cass. civ. 1, 19 septembre. 2007, n˚ 06-14.506, FS-D N° Lexbase : A4238DYM) la première chambre civile a retenu que le rejet par le JAF de l'exception de litispendance par une décision passée en force de chose jugée faisait obstacle à ce que cette exception soit à nouveau soulevée devant le juge du fond (mais cas différent, car il ne s'agissait pas d'une fin de non-recevoir)

Décès d'un époux

Le décès de l'un des époux avant ou pendant l'instance est une fin de non-recevoir absolue (Cass. civ. 1, 23 novembre 1988, n˚ 87-11.707 N° Lexbase : A7643CIW). L'action en divorce s'éteint par le décès d'un époux intervenu avant le prononcé définitif du divorce. Le mariage est donc dissous par le décès et non par le divorce (Cass. civ. 1, 20 juin 2006, n˚ 05-16.150, F-P+B N° Lexbase : A9999DPZ).

Défaut de qualité à agir

L'action en divorce n'appartient qu'aux époux. A ainsi été déclarée irrecevable une action initiée indirectement par la concubine du mari (TGI Seine, 4 janvier 1960, D., 1961. 636, note Cornu). Les héritiers du défunt ne peuvent pas non plus agir à sa place même pour poursuivre une action déjà engagée (si un époux décède pendant l'action en divorce, celle-ci est éteinte, cf. supra). Cette règle est cependant écartée dans un cas particulier, celui où le décès de l'époux intervient alors que le divorce est passé en force de chose jugée mais après que le défunt a interjeté appel des dispositions relatives à la prestation compensatoire. La Cour de cassation admet alors que les héritiers continuent l'instance relative à la fixation de cette prestation compensatoire (Cass. civ. 2, 25 mai 1993, n˚ 91-21.950 N° Lexbase : A5963ABH).

Cas particuliers de fins de non recevoir prévus par les textes ou forgés par la jurisprudence

Divorce contentieux

Au stade de la conciliation

– Motivation de la requête contentieuse
Depuis la réforme de 2004, marquée par un souci du législateur de pacifier la procédure de divorce, les articles 251 du Code civil (N° Lexbase : L2810DZ4) et 1106 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1610H4E) prévoient respectivement que la requête ne doit pas mentionner "les motifs du divorce", et qu'elle n'indique "ni le fondement juridique de la demande en divorce ni les faits à l'origine de celle-ci". Ce dispositif est toutefois grevé d'une aberration flagrante car aucun des textes ne prévoit expressément de sanction en cas de violation. La jurisprudence est donc venue préciser que la requête motivée constituait une fin de non-recevoir sanctionnée par une irrecevabilité (CA Bordeaux, 22 septembre 2009, n˚ 09/01 146 N° Lexbase : A6537GG9 ; également, TGI Paris, ordonnance d'irrecevabilité du 16 avril 2012, n˚ 12/32 784).

Au stade de l'instance au fond

– Fins de non recevoir liées au fondement de la demande en divorce L'article 1077, alinéa 1er, du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1498H4A) prévoit, tout d'abord, que "la demande ne peut être fondée que sur un seul des cas prévus à l'article 229 du Code civil. Toute demande formée à titre subsidiaire sur un autre cas est irrecevable". Cette prohibition de cumul a pour vocation d'inciter les époux à choisir le cas de divorce le plus adapté à leur situation et de pacifier les relations. Il faut donc veiller à n'indiquer qu'un seul fondement dans l'assignation en divorce. Il convient de mentionner un cas particulier, celui dans lequel un époux fait délivrer une assignation en divorce pour altération définitive du lien conjugal ; son conjoint formule une demande reconventionnelle en divorce pour faute ; l'époux demandeur maintient sa demande pour altération définitive du lien conjugal mais sollicite le prononcé du divorce aux torts partagés pour le cas où la demande reconventionnelle de son conjoint pour faute serait admise. Cette dernière demande constitue-t-elle une demande subsidiaire irrecevable ? La Cour de cassation a répondu par la négative en se fondant sur l'article 247-2 du Code civil (N° Lexbase : L2802DZS). La demande qui tend au prononcé du divorce aux torts partagés en cas d'admission de la demande reconventionnelle de divorce pour faute n'est pas une demande subsidiaire au sens de l'article 1077, alinéa 1er, du Code de procédure civile (Cass. civ. 1, 11 septembre 2013, n˚ 11-26.751, FS-P+B+I N° Lexbase : A9608KK3). Il convient de préciser, également, que le juge ne peut examiner la demande reconventionnelle qu'autant qu'est recevable la demande principale, ces demandes étant indivisibles (Cass. civ. 1, 19 avril 2005, n˚ 02-19.881, FSP+B N° Lexbase : A9534DHL). A signaler que sous l'empire de la loi antérieure au décret du 29 octobre 2004, la Cour de cassation avait précisé que l'article 1077 du Code de procédure civile était une règle de fond du divorce (inapplication à un divorce relevant d'une loi étrangère, en l'espèce loi allemande) (Cass. civ. 1, 12 décembre 2006, n˚ 04-18.424, FS-P+B N° Lexbase : A8978DSC). Il résulte, ensuite, de l'article 1077, alinéa 2, du Code de procédure civile que, outre qu'une demande en divorce formée à titre subsidiaire est irrecevable, on ne peut pas en cours d'instance substituer un cas de divorce à un autre cas, sauf passerelles prévues par le Code civil (C. civ., art. 247 N° Lexbase : L2800DZQ à 247-2) (cf. Cass. civ. 1, 19 mars 2014, n˚ 12-17.646, F-P+B N° Lexbase : A7367MHC ; un époux avait assigné son conjoint en divorce pour faute. L'épouse avait alors formé une demande reconventionnelle en divorce aux torts exclusifs de celui-ci. Voilà que les deux demandes sont rejetées par le tribunal... L'époux interjette appel et sollicite cette fois-ci le divorce sur le fondement des articles 237 (N° Lexbase : L2793DZH) et 238 (N° Lexbase : L2794DZI) du Code civil, se prévalant d'attestations qui établissent une séparation de fait depuis plus de deux ans. La cour d'appel a fait droit à sa demande. Mais l'arrêt est censuré par la Cour de cassation qui rappelle, au visa de l'article 1077 du Code de procédure civile, que cette nouvelle demande était irrecevable. L'avocat doit donc par exemple veiller à ne pas conseiller le divorce pour faute à un client qui n'aurait pas suffisamment de preuves ; la stratégie procédurale peut en effet engager la responsabilité de l'avocat. Enfin, s'agissant de la séparation de corps, l'article 1076 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1489H4W) prévoit que l'époux qui présente une demande en divorce peut toujours, même en appel, lui substituer une demande en séparation de corps ; en revanche, la substitution inverse est interdite. A noter que dans un avis du 10 février 2014, la Cour de cassation a admis la recevabilité de l'assignation en divorce délivrée par un époux à la suite d'une ONC rendue sur une requête en séparation de corps. Il faut juste vérifier que les époux n'ont pas accepté le principe de la séparation de corps (Cass. avis, 10 février 2014, n˚ 15 001P N° Lexbase : A0673MEN).

– Exception de réconciliation des époux

L'article 244 du Code civil (N° Lexbase : L2796DZL), non modifié par la réforme de 2004, prévoit l'irrecevabilité de la demande en divorce pour faute en cas de réconciliation des époux. Le moyen tiré de la réconciliation est d'ordre public. Il peut être invoqué en tout état de cause et doit être relevé d'office (Cass. civ. 2, 30 novembre 1962, n˚ 61-13.848 N° Lexbase : A4065MIE, Bull. civ. II, n˚ 765). Mais la réconciliation est une fin de non-recevoir qui doit être soulevée par voie d'exception au cours de l'instance en divorce et qui ne peut être invoquée par voie principale après le prononcé définitif du divorce (Cass. civ. 2, 22 avril 1970, n˚ 69-12.089 N° Lexbase : A5408CI7). Pour un exemple de réconciliation : le fait pour un époux, depuis les faits reprochés à sa femme, de passer chaque fin de semaine au domicile de celle-ci, de reconnaître avoir eu des relations intimes avec elle, qui se trouve enceinte, et de ne pas contester être le père de l'enfant à naître (Cass. civ. 2, 29 avril 1994, n˚ 92-16.318 N° Lexbase : A9661C4L) ; pour un exemple en sens inverse, retenant l'absence de réconciliation dès lors que, s'il y avait eu une tentative de rapprochement entre les époux, l'épouse avait manifesté l'intention de continuer l'instance et le fait pour le couple d'avoir passé quelques jours ensemble n'entraînait pas une reprise de la vie commune (Cass. civ. 2, 3 décembre 1997, n˚ 95-10.854 N° Lexbase : A1089CMB).

– Proposition de règlement des intérêts pécuniaires des époux

Selon l'article 257-2 du Code civil (N° Lexbase : L2822DZK), à peine d'irrecevabilité, la demande introductive d'instance comporte une proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux. L'article 1115 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1644H4N) prévoit que l'irrecevabilité prévue par l'article 257-2 du Code civil doit être invoquée avant toute défense au fond. Le législateur a créé un régime procédural original pour cette fin de non-recevoir car en principe, l'irrecevabilité peut être soulevée en tout état de cause. Le Code de procédure civile institue une fin de non-recevoir qu'il faudra soulever in limine litis, sous peine d'irrecevabilité. La jurisprudence a précisé plusieurs points. Tout d'abord, cette irrecevabilité, d'intérêt privé, n'est pas une exception d'ordre public et ne peut donc pas être soulevée d'office par le juge (CA Reims, 18 mai 2006, n˚ 05/01 904). Ensuite, la Cour de cassation s'est prononcée sur la régularisation de cette fin de non-recevoir. L'irrecevabilité est écartée dès lors que le mari a formulé la proposition de règlement des intérêts pécuniaires dans des conclusions postérieures à l'assignation (Cass. civ. 2, 6 janvier 2012, n˚ 10-17.824, FS-P+B N° Lexbase : A0335H9B). A noter, enfin, que la régularisation est ouverte jusqu'à ce que le juge statue sur l'irrecevabilité (Cass. civ. 2, 25 juin 2014, n˚ 13-19.564, F-D N° Lexbase : A1620MSS).

Au stade de l'appel du jugement du divorce

La procédure d'appel est un véritable "nid à fins de non-recevoir". Il existe tout d'abord des obstacles au droit d'appel : la renonciation au recours et le défaut d'intérêt (C. pr. civ., art. 546 N° Lexbase : L6697H78). Mais la procédure d'appel en elle-même est très encadrée et un certain nombre de dispositions doivent être respectées sous peine d'irrecevabilité.

– Premier obstacle au droit d'appel : acquiescement au jugement

L'acquiescement des parties au jugement de divorce rend l'appel irrecevable. Rappelons que l'acquiescement est en principe exprès mais qu'il peut être tacite et résulter d'actes incompatibles avec la volonté d'interjeter appel. Ainsi, par exemple, en limitant leurs appels respectifs aux chefs du jugement concernant la prestation compensatoire, les époux ont implicitement mais nécessairement acquiescé aux autres dispositions du jugement (Cass. civ. 2, 24 février 1993, n˚ 91-18.213 N° Lexbase : A5947AHQ) ; de même, a été censuré un arrêt qui avait retenu le dé- faut d'acquiescement de l'épouse au jugement de divorce, faute de preuve de son intention maintenue de divorcer, alors que celle-ci s'était comportée ouvertement comme étant divorcée (Cass. civ. 1, 19 mars 2008, n˚ 06-21.250, FS-P+B N° Lexbase : A4759D7E). Toutefois, la Cour de cassation rappelle que l'acquiescement tacite doit résulter d'actes incompatibles avec la volonté d'interjeter appel ; ainsi, après avoir constaté que l'époux n'avait pas exécuté les dispositions du jugement relatives aux dommages et intérêts et à la prestation compensatoire, la cour d'appel a pu en déduire, nonobstant certaines circonstances, que la preuve d'un acquiescement au jugement n'était pas rapportée (Cass. civ. 2, 14 janvier 1999, n˚ 97-11.782 N° Lexbase : A3889CHI) ; de même, il a été considéré qu'il n'y avait pas d'acquiescement dans le cas d'une épouse qui, d'une part, avait accepté d'être réglée par trois acomptes des sommes dues par son mari en vertu du jugement de divorce, et d'autre part, avait interjeté appel général à un moment où elle n'avait pas encore encaissé le deuxième acompte ni reçu le troisième (Cass. civ. 2, 11 janvier 1989, n˚ 87-15.952 N° Lexbase : A2023CRD). Compte tenu de la gravité de ses conséquences, la jurisprudence interprète donc restrictivement la portée de l'acquiescement tacite.

– Deuxième obstacle au droit d'appel : défaut d'intérêt à agir

Un époux ne peut faire appel que dans la mesure où le premier jugement le déboute partiellement ou en totalité de ses demandes. S'il a obtenu le bénéfice intégral de ses conclusions, son appel est irrecevable, faute d'intérêt à agir, même s'il tend au prononcé d'une mesure qu'il avait omis de solliciter en première instance (cf. Cass. civ. 2, 10 décembre 1998, n˚ 97-12.843 N° Lexbase : A1902CRU ; Cass. civ. 2, 20 mars 1991, n˚ 89-15.297 N° Lexbase : A4558AHB ; pour un exemple en sens contraire, cf. Cass. civ. 1, 25 avril 2007, n˚ 06-16.380, FS-P+B N° Lexbase : A0357DW7, l'épouse ayant saisi le tribunal d'une demande en divorce aux torts exclusifs de son mari et le premier juge ayant prononcé le divorce aux torts partagés, il en résulte qu'elle avait un intérêt à contester l'attribution des torts, peu important l'existence de conclusions concordantes des époux sur la dispense d'énonciation des motifs et griefs). Il faut préciser qu'en vertu de l'article 125 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1421H4E), la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt doit être relevée d'office par le juge, puisqu'elle résulte notamment de l'absence d'ouverture d'une voie de recours.

– Délais et formalisme en appel sanctionnés par la fin de non recevoir

— Sur les délais

L'écoulement d'un délai fait perdre le droit d'agir et constitue une cause d'irrecevabilité sanctionnée par une fin de non recevoir.

Les délais pour interjeter appel sont de quinze jours pour l'ONC (C. pr. civ., art. 1112 N° Lexbase : L1634H4B) et d'un mois pour le jugement de divorce (C. pr. civ., art. 538 N° Lexbase : L6688H7T) à compter de la notification des décisions (C. pr. civ., art. 528 N° Lexbase : L6676H7E). L'expiration de ces délais entraîne l'irrecevabilité de l'appel. Par application de l'article 125 du Code de procédure civile, la fin de non-recevoir doit être relevée d'office lorsqu'elle a un caractère d'ordre public, notamment lorsqu'elle résulte de l'inobservation des délais d'exercice des voies de recours.

Outre les délais pour interjeter appel, il a été prévu, dans un souci de faire accélérer la procédure des délais pour conclure dans le cadre d'une procédure avec représentation obligatoire. Ainsi, l'appelant dispose de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour conclure à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office (C. pr. civ., art. 908 N° Lexbase : L0390IGK) ; l'intimé a deux mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour conclure et former éventuellement appel incident, à peine d'irrecevabilité relevée d'office (C. pr. civ., art. 909 N° Lexbase : L0416IGI) ; l'intimé à un appel incident dispose d'un délai de deux mois à compter de la notification des écritures adverses pour conclure sur l'appel incident, à peine d'irrecevabilité relevée d'office (C. pr. civ., art. 910 N° Lexbase : L0412IGD).

Le conseiller de la mise en état est seul compétent pour déclarer l'appel ou les conclusions irrecevables (C. pr. civ., art. 914 N° Lexbase : L0393IGN). Les ordonnances du conseiller de la mise en état ont autorité de la chose jugée au principal. Mais elles peuvent être déférées dans les quinze jours de leur date lorsqu'elles statuent sur une exception de procédure, la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou des conclusions et la caducité de l'appel.

— Sur la forme

En vertu de l'article 930-1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0362ITL), les actes de procédure (déclaration d'appel, constitution, conclusions) doivent être remis à la cour par voie électronique à peine d'irrecevabilité relevée d'office. Il convient d'être vigilant quant à la communication des pièces qui, en principe, doit avoir lieu simultanément à la signification des écritures (Cass. avis, 25 juin 2012, n˚ 01 200 005 N° Lexbase : A8822IPG), même si la Cour de cassation semble avoir tempéré sa position (Cass. civ. 1, 30 janvier 2014, n˚ 12-24.145, FS-P+B N° Lexbase : A4197MDS).

Par ailleurs, les parties doivent justifier, à peine d'irrecevabilité, de l'acquittement du timbre fiscal (C. pr. civ., 963 N° Lexbase : L1244IZ4). L'irrecevabilité est constatée d'office par le magistrat et les parties n'ont pas qualité pour soulever cette irrecevabilité.

– Irrecevabilité des demandes nouvelles en appel et recevabilité des demandes accessoires

Les demandes nouvelles sont prohibées sur le fondement des dispositions de l'article 564 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0394IGP). Mais il faut rappeler que les dispositions de l'article 566 du même code (N° Lexbase : L6719H7Y) permettent aux parties d'ajouter aux prétentions de première instance celles qui en sont l'"accessoire, la conséquence ou le complément".

En matière de divorce, il ressort de la jurisprudence que ne constitue pas une demande nouvelle irrecevable la demande de prestation compensatoire formée par une épouse pour la première fois en appel, en ce qu'elle constitue une demande accessoire à la demande en divorce (Cass. civ. 2, 31 mai 2000, n˚ 97-16.589 N° Lexbase : A3445AU7) ; la même solution a été retenue pour la demande d'autorisation d'usage du nom du mari, formulée pour la première fois en appel (CA Paris, 16 avril 1991, n˚ 90/7975 N° Lexbase : A9232QDB) ; idem pour la demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par le divorce (Cass. civ. 2, 16 janvier 1980, n˚ 78-15.364 N° Lexbase : A6556CHB) ; n'est pas non plus nouvelle la demande de mesure d'instruction sollicitée par un époux pour la première fois en appel, à l'appui de sa demande de suppression de prestation compensatoire formulée devant le premier juge (Cass. civ. 2, 13 janvier 2000, n˚ 97-18.902 N° Lexbase : A3640CSM).

Au stade du pourvoi en cassation et des autres recours

– Pourvoi en cassation

Sauf acquiescement, le jugement de divorce est susceptible d'un pourvoi en cassation dans un délai de deux mois. En revanche, l'arrêt statuant sur l'appel d'une ONC n'est pas susceptible d'un pourvoi en cassation, indépendamment du jugement de divorce au fond. Il n'est dérogé à cette règle qu'en cas d'excès de pouvoir (solution constante au visa des articles 606 N° Lexbase : L6763H7M et 608 N° Lexbase : L7850I4I du Code de procédure civile : Cass. civ. 1, 12 octobre 2011, n˚ 10-30.868, F-D N° Lexbase : A7602HY9 ; Cass. civ. 1, 4 décembre 2013, n˚ 12-26.925, F-D N° Lexbase : A8422KQY ; Cass. civ. 1, 30 avril 2014, n˚ 13-12.080, F-D N° Lexbase : A6911MK8 ; Cass. civ. 1, 16 septembre 2014, n˚ 13-24.076, F-D N° Lexbase : A8556MWS). L'irrecevabilité a été étendue à une décision interprétative d'un arrêt statuant sur l'appel d'une ONC (Cass. civ. 1, 20 novembre 2013, n˚ 12-25.989, F-D N° Lexbase : A0334KQG).

– Recours en révision

Le recours en révision est recevable en cas de fraude. La jurisprudence concerne surtout la prestation compensatoire (ainsi, par exemple, Cass. civ. 1, 11 septembre 2013, n˚ 12-17.730, F-D N° Lexbase : A1580KL4, à propos de la dissimulation d'un patrimoine immobilier ; ou encore, Cass. civ. 2, 21 février 2013, n˚ 12-14.440, F-P+B N° Lexbase : A4372I8G, dans l'hypothèse d'une dissimulation de l'existence de revenus).

Dans un arrêt du 19 février 2015, la Cour de cassation a rappelé que les modalités procédurales devaient être respectées, notamment le délai pour agir (Cass. civ. 2, 19 février 2015, n˚ 14-19.223, F-D N° Lexbase : A0082NCZ). En l'espèce, la cour d'appel avait déclaré le recours en révision de l'épouse irrecevable comme tardif. En revanche, en matière de divorce, il faut savoir que le recours en révision n'est pas ouvert contre les décisions ayant prescrit des mesures provisoires qui sont susceptibles, jusqu'au dessaisissement de la juridiction d'être supprimées, modifiées ou complétées en cas de survenance d'un fait nouveau (Cass. civ. 2, 3 octobre 2002, n˚ 01-00.800, F-P+B N° Lexbase : A9068AZU).

– Tierce opposition

La tierce opposition n'est pas recevable sur le prononcé du divorce, ni sur ses conséquences légales (Cass. civ. 2, 7 mars 2002, n˚ 97-21.852, FP-P+B N° Lexbase : A1909AYD, irrecevabilité de la tierce opposition d'un créancier d'aliments ; à comparer avec Cass. civ. 1, 5 novembre 2008, n˚ 06-21.256, FS-P+B N° Lexbase : A1597EBR : si un créancier est irrecevable faute de qualité à former tierce opposition à un jugement, en ce qu'il prononce le divorce, aucune disposition légale ne lui interdit, sauf restrictions de l'article 1104 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1602H44 relatives au divorce sur demande conjointe, d'exercer cette voie de recours à l'encontre des dispositions du jugement de divorce portant sur ses conséquences patrimoniales dans les rapports entre époux).

Divorce par consentement mutuel

– Non-respect des prescriptions prévues par les articles 1090 (N° Lexbase : L1560H4K) et 1091 (N° Lexbase : L1565H4Q) du Code de procédure civile. Le défaut des mentions exigées dans la requête conjointe ou l'omission de la convention réglant les conséquences du divorce, avec le cas échéant l'état liquidatif en annexe de la requête conjointe, constituent des causes d'irrecevabilité de l'acte, sanctionnées par une fin de non-recevoir. La requête conjointe échappe donc au régime des nullités.

Bien évidemment, ces irrecevabilités ne pourront être relevées d'office que par le juge puisque la requête est commune aux deux parties.

– Recours irrecevables contre la convention homologuée

Sont irrecevables l'action en rescision pour lésion (Cass. civ. 1, 3 mars 2010, n˚ 08-70.214, FS-D N° Lexbase : A6528ESL et n˚ 08-12.395, FS-D N° Lexbase : A6473ESK) ; l'action paulienne (Cass. civ. 2, 25 novembre 1999, n˚ 97-16.488 N° Lexbase : A5222AWC) ; l'action en inopposabilité pour fraude (Cass. civ. 1, 23 novembre 2011, n˚ 10-26.802, FS-P+B+I N° Lexbase : A9913HZ8) ; l'action de in rem verso de l'époux qui avait renoncé à solliciter une prestation compensatoire dans la convention définitive homologuée (Cass. civ. 1, 10 février 1998, n˚ 96-11.845 N° Lexbase : A6801CQX, D. famille, 1998, n˚ 53, note Lécuyer). En revanche, si la convention définitive homologuée ne peut être remise en cause, un ex-époux reste recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs ou de dettes communes omis dans l'état liquidatif homologué (Cass. civ. 1, 13 décembre 2012, n˚ 11-19.098, FS-P+B+I N° Lexbase : A8294IYT).