Obligation de loyauté (Cass. soc., 16 mai 2018, n° 16-22655) (fr)

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Auteur : Bruno Dondero, Avocat au barreau de Paris


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Date : Juin 2018





Cet arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation n’est pas destiné à publication au Bulletin des arrêts, mais il est intéressant en ce qu’il rappelle une règle peu connue: le maintien de l’obligation de loyauté pesant sur le salarié, pendant la suspension de son contrat de travail.


Cela fait longtemps que la Cour de cassation juge que si le salarié d’une société A devient dirigeant de la société A et qu’il ne se trouve plus en état de subordination, son contrat de travail est suspendu.


Cette solution résulte de la jurisprudence, les textes ne réglant pas cette question du cumul entre contrat de travail et mandat social.


Une alternative moins heureuse pour le salarié consisterait à voir dans l’acceptation de ses fonctions de dirigeant une démission implicite, mais cette solution n’est plus retenue aujourd’hui par les juges.


Le contrat de travail étant suspendu, le salarié le retrouvera lorsque son mandat social prendra fin.


Une fois le principe de la suspension reconnu, se pose cependant la question du régime du contrat de travail « suspendu ».


Le salarié ne devrait pas accumuler d’ancienneté pendant la suspension, et un arrêt rendu en 2013 avait jugé de manière cohérente que la période d’essai entamée avant la suspension reprenait son cours lorsque celle-ci n’avait plus lieu d’être (Cass. soc., 24 avril 2013, n° 12-11825, publié au Bull.)[1].


La décision commentée apporte une précision intéressante: « pendant la période de suspension de son contrat de travail, le salarié devenu mandataire social reste tenu envers son employeur d’une obligation de loyauté« .


En réalité, ce n’est pas la première fois que la Cour de cassation affirme ce maintien de l’obligation de loyauté pour un contrat suspendu, y compris lorsque la suspension résulte de l’acceptation par le salarié d’un mandat social (v. déjà Cass. soc., 30 mars 2011, n° 09-70444) [2].


On peut de prime abord être surpris de voir une obligation pesant sur le salarié prendre effet en dépit de la suspension.


Mais cette obligation présente une particularité, qui est d’être commune au salarié et au mandataire social.


On a déjà parlé sur ce blog [3] de la loyauté due par le dirigeant à la société et à l’actionnaire.


Reste l’hypothèse où le lien de subordination disparaîtra du fait de l’acceptation par le salarié d’un mandat social exercé dans une société distincte de son employeur (la société mère de la filiale employant le salarié, notamment).


Dans cette hypothèse, il n’est pas aussi sûr que l’obligation de loyauté « envers l’employeur » sera maintenue.


Un argument qui pourrait expliquer le maintien de l’obligation de loyauté pendant la suspension tient à ce que celle-ci est une solution protectrice pour le salarié, et que la contrepartie de cette conservation du contrat de travail peut être l’interdiction faite au salarié de servir les intérêts de sociétés concurrentes.