Perte du statut Cadre par application d’une nouvelle convention collective (fr)

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Auteur : Franc Muller, Avocat droit du travail, Paris
Juin 2017


Le statut de cadre n'est pas automatiquement maintenu en cas de changement de convention collective.


Un salarié qui bénéficie du statut de cadre en application d’une convention collective peut en être dépossédé si, après une mutation, son emploi ne correspond plus à ce statut dans la nouvelle convention collective dont il relève désormais.


Cette affirmation, qui ressort d’un arrêt de la Cour de cassation, est susceptible d’avoir une incidence financière à l’égard du salarié concerné, qui est ainsi doublement lésé.


Rappelons tout d’abord que le Code du travail définit uniquement les Cadres dirigeants.


Pour les autres Cadres, les plus nombreux, c’est à la jurisprudence qu’est revenu le soin de préciser les critères permettant de les identifier.


Les juges retiennent habituellement que sont considérés comme Cadres les salariés qui détiennent des responsabilités par délégation de l’employeur, jouissent d’une autonomie de gestion, et disposent d’initiative.


Les juridictions prud’homales examineront en cas de litige si ces critères sont réunis en s’attachant aux fonctions réellement exercées par le salarié, indépendamment de la qualification qui lui est attribuée.


Dans l’affaire que nous évoquions, une salariée avait été nommée après plusieurs années d’ancienneté aux fonctions de responsable de groupe, ce qui lui avait permis d’accéder au statut de Cadre selon les termes de la convention collective nationale des télécommunications, qui lui était applicable.


Son contrat de travail avait été ensuite transféré à une autre société, au sein de laquelle son coefficient était minoré en application de la nouvelle convention collective dont elle relevait (celle des prestataires de service dans le domaine tertiaire), et le poste qu’elle occupait correspondait dorénavant à celui de superviseur, statut agent de maîtrise.


Elle perdait de la sorte non seulement le statut de cadre qu’elle avait acquis quelques années plus tôt, mais également une partie de sa rémunération variable ainsi qu’une prime de 13ème mois.


La salariée avait saisi le Conseil de prud’hommes pour solliciter le paiement d’un rappel de salaires et obtenir le maintien de sa classification professionnelle.


Les juges du fond lui avaient donné satisfaction, retenant que le transfert du contrat de travail dans la nouvelle entreprise avait eu pour effet sa poursuite dans les mêmes conditions où il était exécuté lors de la cession, la salariée conservant ainsi sa qualification et son statut cadre.


Cette analyse est censurée par la Cour de cassation qui juge que la salariée pouvait certes conserver ce statut pendant la durée de dénonciation et de préavis faisant suite à la remise en cause de la convention collective nationale des télécommunications, mais en l’absence d’un accord de substitution, elle ne pouvait prétendre au maintien pour l’avenir de ce statut, qui ne résultait pas du contrat de travail mais des dispositions de cette convention collective qui ne s’appliquait plus (Cass. Soc.20 avril 2017 n° 15-28789).


Cette solution résulte des termes de l’article L 2261-14 du Code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi Travail.


Ce texte, modifié par la loi Travail du 8 août 2016, prévoit désormais que lorsque la convention ou l’accord qui a été mis en cause n’a pas été remplacé par une nouvelle convention ou un nouvel accord dans un délai d’un an, les salariés des entreprises concernées conservent, en application de la convention ou de l’accord mis en cause, une rémunération dont le montant annuel, pour une durée de travail équivalente à celle prévue par leur contrat de travail, ne peut être inférieur à la rémunération versée lors des douze derniers mois.


Cela étant, pour parer toute difficulté, il est vivement recommandé aux salariés qui accèdent à la catégorie Cadre de demander à leur employeur de le stipuler expressément par avenant à leur contrat de travail.


Cette qualification contractuelle les mettra à l’abri des coups du sort, puisque toute modification éventuelle ne sera concevable qu’après qu’ils y aient consent (Cass. soc. 21 nov. 2012 n° 11-10829).