Photovoltaïque et responsabilité (fr)

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Compte-rendu de la réunion du 3 juillet 2013 de la Commission Immobilier du barreau de Paris, réalisé par Anne-Lise Lonné-Clément, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo — édition privée

Commission ouverte : Immobilier
Co-responsables : Jehan-Denis Barbier et Jean-Marie Moyse, avocats au barreau de Paris

Sous-commission : Marchés de travaux
Co-responsables : Juliette Mel, et Nathalie Peyron, avocats au barreau de Paris

Intervenants : Fabrice Cassin, et Anne-Claire Beauté, avocats au barreau de Paris


Les problématiques posées par le photovoltaïque résident tout d'abord dans la qualification juridique de l'installation photovoltaïque. En effet, en vertu du contrat d'entreprise conclu entre l'exploitant et l'installateur, ce dernier a vocation à voir sa responsabilité engagée tant sur le fondement du droit commun que sur celui du droit spécial de la responsabilité des constructeurs ; d'autres intervenants en amont peuvent également être affectés dans la mesure où l'installateur peut lui-même avoir commandé l'installation photovoltaïque à un fabricant.

Cette chaîne de contrats soulève quelques difficultés en termes de responsabilité, ces difficultés pouvant se poser tant devant le juge judiciaire que devant le juge administratif.

La première difficulté pour savoir si le droit spécial de la responsabilité des constructeurs a vocation à s'appliquer tient à la qualification d'ouvrage de l'installation photovoltaïque au sens des dispositions de l'article 1792 du Code civil.

Le critère économique, souvent retenu par les juges, apparaît comme un premier critère de qualification puisque les primes ne sont versées qu'en cas d'intégration au bâti, ce qui induit la qualification d'ouvrage.

Mais la qualification d'ouvrage apparaît plus délicate lorsque l'installation n'est pas intégrée au bâti mais simplement posée sur un jardin, ou sur une toiture (intégration à la toiture ou posée sur une console), ce qui amène alors à la question de la qualification d'un élément d'équipement au regard du critère dissociable/indissociable. La difficulté de ces questions se trouve accrue lorsque l'on sait que le juge administratif et le juge judiciaire n'ont pas la même compréhension de l'élément d'équipement et des régimes de responsabilité.

Le critère du dépôt du permis de construire, également retenu par les juges, pourrait encore conduire à la qualification d'ouvrage.

L'on saisit alors un risque d'insécurité juridique à appréhender en amont, notamment pour vider la question de la couverture assurantielle.

La seconde difficulté concerne le critère de gravité.

En effet, l'application du droit spécial de la responsabilité suppose de démontrer un vice, un dommage d'une particulière gravité. Si la question ne se pose évidemment pas dans le cas d'un incendie (atteinte à la solidité de l'ouvrage/risque d'atteinte à la sécurité des personnes), elle se pose avec plus d'acuité s'agissant d'un défaut de performance énergétique, qui peut être susceptible de caractériser une impropriété à la destination.

Toutes ces questions restent ouvertes à ce jour.

Quatre éléments conditionnant la mise en service d'une installation photovoltaïque, à savoir : — l'obligation d'achat reposant sur un contrat d'achat ; — le raccordement électrique au réseau public d'électricité ; — les autorisations administratives (permis de construire ou simples déclarations selon le type d'installation) ; — la maîtrise foncière de l'installation.

Pour rappel, le dispositif a été lancé en réponse aux objectifs lancés par le Gouvernement par un arrêté du 15 décembre 2009, qui fixe la programmation pluriannuelle des investissements en électricité, l'objectif étant fixé en 2020 à une production minimale de 5 400 MW s'agissant de l'énergie radiative du soleil.

1. Le contrat d'achat

Le système repose sur un contrat d'obligation d'achat par EDF OA pendant une durée déterminée (15 ans) de l'électricité produite. Il faut savoir que ce n'est pas le propriétaire, autrement dit celui qui a la maîtrise foncière, mais l'exploitant, qui est cocontractant d'EDF et bénéficie ainsi des recettes électriques.

Le premier arrêté tarifaire pour atteindre l'objectif de production de 5 400 MW était l'arrêté du 10 juillet 2006, fixant les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations utilisant l'énergie radiative du soleil telles que visées au 3˚ de l'article 2 du décret n˚ 2000-1196 du 6 décembre 2000. Entre 2008 et 2010, le Gouvernement n'a opéré aucun pilotage administratif (sur la base d'un bilan au quotidien entre le tarif d'achat et le coût de revient des panneaux, qui a largement diminué durant cette période) ; les taux de retour sur investissement étaient donc très intéressants jusqu'au 9 décembre 2010, date de changement du tarif applicable. Face à l'annonce tout au long de l'année 2010, par le Gouvernement, d'un changement de tarif, les installateurs se sont précipités afin de bénéficier du tarif avantageux de 2006.

C'est ainsi que le décret n˚ 2010-1510 du 9 décembre 2010 est venu suspendre l'obligation d'achat (à noter que tous les dossiers qui avaient obtenu l'autorisation et avaient fait l'objet d'une demande de raccordement arrêtée avant le 9 décembre 2010 bénéficient encore du tarif de 2006).

C'est cette précipitation qui a conduit à des installations défectueuses causant des incendies.

Depuis le 9 décembre 2010, les arrêtés s'enchaînent tous les trois mois pour fixer de nouveaux tarifs d'achat. Le tarif actuel est fixé à 12 centimes d'euros ce qui n'est plus tellement attractif ; le rythme des installations s'est donc fortement ralenti, sachant que l'objectif des 5 400 MW sera probablement atteint avant l'échéance de 2020.

S'agissant plus précisément du contrat d'achat, et du régime de l'obligation d'achat, la loi n˚ 2000-108 du 10 février 2000 est très claire depuis le début. Il ressort de son article 10 que l'obligation d'achat relève d'un pouvoir du ministre pour soutenir certaines filières et qu'elle peut donc être suspendue et interrompue à tout moment ; de même, le niveau du tarif est contrôlé ; la loi laisse toute marge d'appréciation sur ce point au ministre. Il n'existe pas de droit à l'obligation d'achat, ni de droit au tarif ; il s'agit d'une aide temporaire au fonctionnement, le temps que cette électricité puisse aller au marché libre. L'objectif est que l'exploitant puisse vendre au prix du marché de l'électricité, une fois les installations amorties.

Les contrats d'achat par EDF OA sont d'ailleurs des contrats administratifs par détermination de la loi, bien que conclus entre deux personnes privées. Comme tout contrat administratif, ils sont soumis au régime exorbitant du droit commun, et sont donc résiliables ou peuvent être remis en cause à tout moment.

Il n'existe donc aucune sécurité juridique pour l'exploitant ; la responsabilité de l'Etat ne peut aucunement être engagée du fait du changement des tarifs. La jurisprudence est d'ailleurs très claire là-dessus.

Le législateur est par ailleurs intervenu le 12 juillet 2010 pour préciser que ce n'est que lors de la signature du contrat d'achat que le tarif est entériné. Les demandes de contrat d'achat auprès d'EDF OA ne valent pas contrat d'achat. Ce n'est qu'au moment de la mise en service de l'installation que la convention de raccordement au réseau est signée de même que le contrat d'achat. Ce n'est qu'à ce moment que l'exploitant est sécurisé sur le tarif, et non au moment de la demande du contrat d'achat.

Enfin, il faut penser à faire coïncider sur le contrat d'achat la durée nécessaire correspondant à la maîtrise foncière ; l'exploitant doit, en effet, s'assurer d'être propriétaire pour pouvoir revendre l'électricité, sans quoi EDF OA refusera de signer le contrat qui ne sera pas éligible au titre du remboursement par la CSPE.


2. Le raccordement électrique au réseau public d'électricité

Le producteur d'électricité doit s'assurer de la capacité de l'installation à injecter l'électricité produite et de la capacité du gestionnaire (ERDF) à accueillir l'électricité produite.

Une convention de raccordement est négociée avec ERDF sous la forme d'une PTF (proposition technique et financière), définissant les contraintes de raccordement.

Si le point d'entrée dans le réseau est déjà saturé, ERDF peut imposer, pour des raisons de sûreté, le temps de la réalisation des travaux nécessaires au raccordement, des obligations d'effacement (c'est-à-dire obligation de ne pas injecter d'électricité durant les périodes de saturation, ce qui implique l'absence d'obligation d'achat par EDF OA, et ce qui peut conduire à l'absence de rentabilité de l'installation).


3. Les autorisations de construire

Selon le type d'installation, il convient d'obtenir un permis de construire ou de procéder à une déclaration préalable.

Il faut alors veiller à intégrer le temps d'obtention du permis de construire, de la réalisation de l'étude d'impact, le cas échéant en cas d'installation au sol ; en cas d'installation sur une toiture, en centre ville, l'avis conforme de l'ABF peut également être requis. Tout cela peut être de nature à allonger les délais et doit donc être pris en compte si l'on veut se positionner sur un tarif.

Se pose la question des contestations par les voisins des permis de construire ou des déclarations de travaux. Le taux de recours est relativement faible, sans comparaison avec les éoliennes (dont le taux de recours est de l'ordre de 45 %).

Les recours exercés concernent essentiellement les installations au sol, et sont exercés en général par les associations de protection de l'environnement, au titre de la protection des espèces protégées ; ils peuvent être fondés sur l'insuffisance de l'étude d'impact.


4. La maîtrise foncière de l'exploitation

Après avoir rappelé que la maîtrise foncière doit être assurée dans des délais compatibles avec l'obligation d'achat, il faut revenir sur les difficultés qui peuvent se poser à deux niveaux s'agissant, d'une part, des relations entre le bailleur et le preneur lorsque l'exploitant est locataire, d'autre part, des relations entre le constructeur et l'exploitant.


4.1. Les relations entre le bailleur et le preneur

Pour sécuriser le foncier, dans le cas d'une intégration de l'installation au bâti, il est souvent conclu un bail emphytéotique avec une division en volume ; s'agissant d'installations au sol, c'est moins souvent le cas, bien que cela puisse parfois revêtir un intérêt, notamment en cas d'ancienne exploitation minière.

La responsabilité susceptible d'être engagée est une responsabilité de droit commun, sauf la possibilité de l'aménager, selon que l'on se trouve au sol, ou en intégré au bâti. Il convient, en effet, de s'interroger sur les origines du terrain et de déterminer, par exemple, les obligations en matière de stabilité du terrain, et celui sur qui reposera la responsabilité des conséquences d'une ancienne activité minière.

Il faut également veiller à l'activité du bailleur. Un contentieux peut se développer lorsque le preneur constate un mauvais rendement de sa centrale et découvre, par exemple, que les panneaux sont empoussiérés à cause de sorties de cheminement dans le toit. Les questions de responsabilité sont ainsi soulevées, lorsque cela n'a pas été organisé conventionnellement. Il est considéré, par principe, que le preneur est un professionnel qui a réalisé les études nécessaires, et qu'il doit en supporter les conséquences.

Il est donc très important d'envisager et d'organiser toutes ces questions lors de la signature du bail.


4.2. Les relations entre le constructeur et l'exploitant (titulaire des droits sur la centrale des droits in fine)

Il convient là encore d'opérer une dichotomie entre ce qui relève de la centrale au sol, et ce qui relève de l'intégré au bâti.

— Dans le cas d'une centrale au sol, il faut considérer qu'il ne s'agit pas d'un ouvrage, ce qui exclut donc l'application des garanties légales des articles 1792 et suivants du Code civil. C'est donc la responsabilité contractuelle de droit commun qui est applicable (C. civ., art. 1147). Cela implique, d'une part, qu'il n'existe pas d'obligation de couverture et d'assurance, d'autre part, qu'il convient d'organiser toute les questions de responsabilité par la voie conventionnelle.

Il appartient donc à l'exploitant de la centrale de prévoir en amont, par exemple, dans le cadre d'un contrat de construction, les OPC (ordonnancement, pilotage et coordination), et que ce sera bien l'installateur qui supportera les garanties du fournisseur. L'objectif pour l'exploitant est en effet d'éviter de supporter les conséquences de la chaîne de contrats, et donc d'avoir comme seul interlocuteur l'entrepreneur, contre lequel il pourra alors engager toutes les actions y compris celles à l'encontre du fournisseur. C'est l'entrepreneur qui supporte alors la garantie des vices cachés.

S'agissant des assurances, dans la mesure où elles ne sont pas obligatoires, le coût en général pratiqué est relativement élevé et incite à renoncer à la souscription d'une assurance, ce qui est très problématique.

— Dans le cas d'une centrale intégrée au bâti, la jurisprudence retient (cf. CA Aix-en-Provence, 13 décembre 2012, n˚ 11/19 131 N° Lexbase : A9207IYN) qu'une telle installation intégrée, dès lors qu'elle assure le clos, le couvert et l'étanchéité, constitue un ouvrage et qu'il s'agit d'un élément d'équipement indissociable couvert par les articles 1792 et suivants, bénéficiant ainsi des garanties légales, et de l'assurance obligatoire.

Dans quelle mesure peut-on considérer qu'une installation photovoltaïque, même au sol, puisse constituer un ouvrage ? La question peut se poser en particulier au regard du critère de la destination, dans la mesure où la destination de l'installation photovoltaïque est de produire de l'énergie et de la vendre.

Par ailleurs, l'installation photovoltaïque étant soumise à permis de construire, cela pourrait constituer un critère supplémentaire pour considérer qu'il s'agit d'un ouvrage, le critère du permis de construire étant retenu par les juges. Mais il faut rappeler qu'initialement, les installations photovoltaïques n'entraient pas dans le champ du permis de construire, et qu'il a fallu l'intervention d'un décret particulier pour les y soumettre, et que l'on peut donc considérer, au contraire, que dès lors que ces installations n'entrent pas, par nature, dans le champ du permis de construire, et qu'elles ne constituent pas une construction au sens du Code de l'urbanisme, le critère du permis de construire ne peut être retenu comme un argument.

Autre interrogation au regard l'article 1792-7 qui exclut les ouvrages exclusivement professionnels de la garantie décennale ; pour ces petits exploitants d'électricité, doivent-ils être considérés comme professionnels au sens de ces dispositions. L'installation photovoltaïque étant une centrale de production électrique, on s'accorde à dire sur ce point qu'il s'agit d'une finalité économique et professionnelle.

Sur la question de savoir si le défaut de performance énergétique est constitutif d'un dommage caractérisant une impropriété à destination, la jurisprudence est établie depuis longtemps ; ainsi, dans un arrêt du 27 septembre 2000, la Cour de cassation a retenu qu'"ayant constaté que l'immeuble était rendu impropre à sa destination par le non-fonctionnement de l'élément d'équipement constitué par les capteurs solaires, compte tenu des risques de surchauffe de l'eau chaude sanitaire collective, et parce que les objectifs d'économies d'énergie, consécutifs à la fourniture d'énergie mixte, promis aux utilisateurs par le promoteur, qui s'était prévalu de la qualification Solaire trois étoiles', n'étaient pas atteints, même si la fourniture d'eau chaude à température désirée pouvait être assurée par l'installation individuelle de chauffage au gaz et retenu exactement que la responsabilité décennale du constructeur était engagée, la cour d'appel a, sans se contredire et sans modifier l'objet du litige, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision" (Cass. civ. 3, 27 septembre 2000, n˚ 98-11.986 N° Lexbase : A9562KIY). Au contraire, la Cour de cassation a retenu qu'"ayant souverainement relevé que l'ouvrage de géothermie n'était pas en lui-même affecté de dommages de nature à compromettre sa solidité ou à le rendre impropre à sa destination, et que l'installation avait toujours fonctionné, mais seulement fait preuve d'un manque de performance certains mois de l'année, la cour d'appel en a exactement déduit que l'article 1792du Code civil n'était pas applicable" (Cass. civ. 3, 12 mai 2004, n˚ 02-20.247, F-D N° Lexbase : A1650DC4). Il s'agit donc d'une appréciation au par cas.

Dans le doute et face à toutes ces questions, peut-être serait-il judicieux de soumettre conventionnellement l'installation à la garantie décennale dans le cadre du contrat conclu avec l'installateur, afin d'éluder le débat et de ne pas se retrouver lié par la qualification du juge et donc à une relative insécurité juridique ; sur le critère de gravité du dommage, évidemment en cas d'incendie, la question ne se pose pas, mais l'impropriété à destination peut très clairement être établie en cas de défaut de performance énergétique, même en cas de respect des normes de l'installation.

En tout état de cause, le problème du coût de l'assurance et de la prise en charge des primes reste entier, tant que la question de l'intégration des normes environnementales par les compagnies d'assurance n'est pas réglée.

Voir aussi

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