Responsabilités juridiques sur les sites de partage en ligne (fr)

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.


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La déferlante des sites de partage, encore appelés sites collaboratifs ou communautaires sont le résultat d’une évolution technique, le web 2.0. Les modifications induites par cet « internet dernière génération » sont essentiellement caractérisées par l’apparition de nouveaux services qui ont permis au web de devenir interactif. Or, ces sites de partage concentrent aujourd’hui un certain nombre de problématiques juridiques nouvelles, au cœur des débats se trouve la question de la responsabilité juridique sur ces sites.

Les sites de partages

définition

Il s’agit d’un service de communication en ligne, permettant aux utilisateurs d’accéder à des contenus (texte, son, images, vidéos…), mais également d’inter-agir en éditant eux-mêmes des contenus sur le site. Dailymotion, Youtube, Wikipédia sont des exemples parmi les plus connus.

particularités

Les sites de partages sont donc ouverts, en ce sens que les utilisateurs peuvent être éditeurs et c’est bien là la révolution du web 2.0. Les internautes ne sont plus de simples consommateurs passifs du net, mais deviennent des éditeurs proposant du contenu (notion de contenu généré par les utilisateurs). L’édition de contenu sur un site de partage est souvent très simple et ne nécessite pas de connaissances techniques approfondies. Ces sites rencontrent un véritable succès mondial auprès des internautes, dont le nombre de visites quotidiennes atteint des chiffres records. Le géant Google a d’ailleurs lui aussi vu le potentiel de ces sites en terme d’audience, puisqu’il a racheté l’un des plus populaire : Youtube. On ne peut nier qu’une grande partie des contenus édités sur ces sites sont des œuvres piratées c'est-à-dire mise en ligne sans l’autorisation des ayants droits, et que ce sont ces contenus qui assurent l’attractivité de ces services.

cadre juridique

De nombreux acteurs interviennent dans le cadre des sites de partage. C’est de la confusion dans la détermination du rôle que chacun joue, que persiste une certaine instabilité juridique quant aux responsabilités en jeu. La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 dite pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN)[1] est venue apporter un régime de responsabilité spécifique applicable à l'internet.

les fournisseurs d'accès

considérés comme de simples prestataires techniques, bénéficient d’une immunité en matière de responsabilité sur les contenus.

les utilisateurs

Ils sont également dégagés de toute responsabilité, puisque d’une part ils ne sont pas (du moins en théorie) au courant du caractère illicite du contenu, et d’autre part, ils ne téléchargent pas le contenu mais le visionnent continu. En effet, cette technique permet la lecture d’un flux de données à mesure qu’il est diffusé, et le contenu n’est pas stocké sur l’ordinateur de l’utilisateur.

les éditeurs

Ils sont responsables sur le fondement du droit commun, et, en éditant une œuvre, sans avoir obtenu l’accord des ayants droit, se rendent coupable d’un délit de contrefaçon. En pratique la poursuite de ces internautes éditeurs amateurs n’est pas courante, car ces derniers sont trop nombreux, parfois difficiles à identifier, et enfin, ne présentent pas le profil idéal pour les ayants droit qui souhaitent d’importantes indemnités.

les hébergeurs

Les hébergeurs quant à eux, sont définis à travers la LCEN[2] comme « toute personne physique ou morale qui assure, même à titre gratuit, par la mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons, ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ce services ». Ces derniers bénéficient également d’un régime de quasi-irresponsabilité, en effet, ils « ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire de ces services si ils n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où ils en ont eu connaissance, ils ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible. »

La LCEN ne semble pas apporter de solution satisfaisante pour les ayants droit, et les jugent qui comme beaucoup ont constaté une certaine impunité en pratique, face à ces acteurs « irresponsables » aux yeux de la loi, mais qui profitent indirectement très largement de la mise en ligne de ces contenus illégaux, ont adopté une position critiquée.

une jurisprudence controversée

les hébergeurs reconnus responsables comme éditeurs

Dans une série d’arrêts, le juge va s’éloigner des dispositions de la LCEN[3] et va considérer que « la société Dailymotion a effectivement connaissance de ce que le site considéré stocke en vue de la mise à disposition du public des contenus illicites en ce qu’ils sont protégés par le droit d’auteur sans les retirer ou en rendre l’accès impossible (…) [parce que son] succès supposait nécessairement la diffusion d'œuvres connues du public, seules de nature à accroître l'audience et à assurer corrélativement des recettes publicitaires ». Dans un arrêt du 22 juin 2007, le juge arguera qu’« Imposant une structure de présentation de cadres, que la plate-forme met manifestement à la disposition des hébergés et diffusant, à l'occasion de chaque consultation, des publicités dont elle tire manifestement profit, elle a le statut d'éditeur et doit en assumer les responsabilités »[4].

La jurisprudence s’aventure alors bien en dehors des balises de la loi, en retenant un double critère très critiqué pour qualifier les hébergeurs d’éditeurs. Un premier critère tiré du profit de la vente d’espace publicitaire (avec une certaine dimension morale pour le moins innapropriée), et un deuxième critère tiré du choix éditorial opéré.

le retour à la raison des juges

La jurisprudence semble revenue à une interprétation plus fidèle de la LCEN, dans des arrets recents dont S.A Dailymotion c/ M. C. C., Société Nord-Ouest Production et S.A. UGC Images[5], en confirmant la qualité d’hébergeur des sites de partage et non d’éditeur; elle précise d’ailleurs que, celui qui édite est « celui qui détermine les contenus mis à la disposition du public en sorte que, le critère […] réside dans la capacité d’action du service sur les contenus mis en ligne ». Ainsi, « L’exploitation du site par la commercialisation d’espaces publicitaires, dès lors qu’elle n’induit pas une capacité d’action du service sur les contenus mis en ligne, n’est pas davantage de nature à justifier de la qualification d’éditeur du service en cause ». La Cour d'appel a même conclu sèchement que le premier jugement avait méconnu « l’économie de la LCEN en imposant à l’hébergeur, à raison de la nature même de sa fonction, une obligation générale de surveillance et de contrôle des informations stockées à laquelle le législateur a précisément voulu le soustraire ».

les promesses (utopiques) de la loi création et internet

La loi création et internet, essaye de remédier à « l’hémorragie des œuvres culturelles » sur internet. Cependant, lors des débats à l'Assemblée et au Sénat, nombreux sont ceux qui ont constaté que les parlementaires, focalisés sur le téléchargement illégal, ont laissé de coté le streaming, principale technique utilisée pour visionner les contenus sur les sites de partages. De plus, le Conseil constitutionnel vient de porter un coup qui s’avérera certainement fatal à cette loi controversée en censurant le dispositif répressif prévu par la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet (coupure internet).

Voir aussi

« Erreur d’expression : opérateur / inattendu. » n’est pas un nombre.

Liens externes

Notes et reférences