Riposte graduée (fr)

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Le numérique a opéré une révolution dans la consommation de biens culturels tels que la musique ou les films. Les supports sont devenus plus petits et la capacité de stockage plus importante. L’accès aux produits devient aisé avec internet. Cependant, l’émergence d’un marché illégal a enrayé la vente de CD et de DVD et a entrainé une crise importante de ces industries. Les gouvernements ont donc tenté de stopper ce phénomène en créant un système répressif appelé la riposte graduée.

La riposte graduée en France

La Loi DADVSI [1]

La loi DADVSI désigne la loi n°2006-961 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information. Cette loi a été adoptée le 30 juin 2006 et promulguée le 1er aout 2006. Elle vient transposer en France la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 [2]. Ce texte a été le premier à tenter de trouver des solutions pour lutter contre le téléchargement illégal. Dans sa rédaction initiale, elle cherchait à lutter contre les logiciels de peer-to-peer par le biais d’une riposte graduée. Cela consistait en une répression spécifique des échanges via ces logiciels par le biais de contravention.

Le dispositif prévu a été sanctionné par le juge constitutionnel. Dans une décision du 27 juillet 2006 [3] les juges ont considéré que « les personnes qui se livrent, à des fins personnelles, à la reproduction non autorisée ou la communication au public d’objets protégés au titre de ces droits sont placées dans la même situation, qu’elles utilisent un logiciel d’échange peer-to-peer ou d’autres services de communication au public en ligne ».

La répression du téléchargement illégal par le biais des logiciels peer-to-peer ne doit pas se faire par un texte spécifique. L’inverse crée une différence de traitement injustifiée et contrevient au principe d’égalité devant la loi pénale prévue par l’article 6 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen [4] (DDHC).

La loi DADVSI assimile donc le téléchargement illégal à de la contrefaçon, délit passible de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende.

Malgré cette censure une circulaire du garde des sceaux du 3 janvier 2007 [5] (sans aucune valeur contraignante) est venue proposer aux magistrats de distinguer trois niveaux de responsabilité concernant le téléchargement, à savoir des peines dissuasives a l’encontre des éditeurs de logiciel fondées sur la peine prévue pour la contrefaçon (3 ans d’emprisonnement et 300000 euros d’amende), des peines à degrés de sévérité variables fondées sur les caractéristiques de l’œuvre (pour les internautes qui mettent à disposition des œuvres protégées) et enfin des sanctions exclusivement pécuniaires pour ceux qui ne sont coupable que de téléchargement ; le montant étant fonction du nombre de fichiers téléchargés.

La loi DADVSI a plutôt misé sur la répression que sur la prévention pour lutter contre le téléchargement illégal. Les sanctions prévues se sont avérées trop lourdes et ont été très peu appliquées. C’est pour cela que 3 ans plus tard le législateur envisage une nouvelle loi que prévoit une vraie riposte graduée.

La loi HADOPI [6]

La loi HADOPI (Haute autorité pour la diffusion des œuvres sur internet et la protection des droits sur internet) ou Loi création et internet du 12 juin 2009 crée un système de riposte graduée fondé sur la récidive. Les mesures mises en œuvre par la loi sont : - En premier lieu, une recommandation, envoyée à l’abonné par courrier électronique, l’avertissant des sanctions encourues en cas de renouvellement du manquement. - Ensuite, en cas de renouvellement dans un délai de 6 mois, nouvelle recommandation envoyée par lettre recommandée. - Et pour finir, s’il y a un nouveau manquement dans un délai d’un an, possibilité de suspension de l’accès internet, pour une durée variant d’un mois à un an, assortie de l’impossibilité de souscrire un autre contrat pendant la même période. S’il transgresse cette interdiction, l’abonné sanctionné s’expose à une amende de 30 000 euros et à deux ans d’emprisonnement pour atteinte à « l’autorité de la justice pénale ». Pour réduire sa peine l’internaute incriminé devra accepter qu’un mouchard soit placé dans son système informatique. Ces logiciels de sécurisation contrôleront les données entrantes et sortantes de l’ordinateur.

La censure du Conseil Constitutionnel

La loi création et internet du 12 juin 2009, a fait l‘objet d’une censure par le Conseil Constitutionnel, notamment à cause du dispositif de la sanction. Le 19 mai 2009, le conseil est saisi de onze griefs d’inconstitutionnalité. Dans sa décision n°2009-580DC[7] du 10 juin 2009, le conseil considère que : "la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme; […] eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu'à l'importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l'expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d'accéder à ces services" (considérant n°12), "eu égard à la nature de la liberté garantie par l'article 11 de la Déclaration de 1789, le législateur ne pouvait […] confier les pouvoirs (de restreindre ou d'empêcher l'accès à internet) à une autorité administrative dans le but de protéger les droits des titulaires du droit d'auteur et de droits voisins"(considérant n°16), "l'article L. 331-38 opère un renversement de la charge de la preuve et institue une présomption de culpabilité, en méconnaissance des exigences résultant de l'article 9 de la Déclaration de 1789" (considérant n° 18). Il déclare donc comme inconstitutionnel, le fait de confier la coupure de l’accès internet à une autorité administrative indépendante et non au juge judiciaire ce qui rendait le dispositif non conforme aux droits de la défense et au principe du contradictoire. Cependant, le premier volet de la loi est validé sous réserves.

La Loi HADOPI 2[8]

Suite à la censure par le conseil constitutionnel, la loi Hadopi n’avait plus raison d’être puisque aucun système de sanction ne pouvait être promulgué. Il était donc nécessaire de faire une nouvelle loi afin d’ajouter un procédé répressif au texte de Hadopi 1. La loi Hadopi 2 est relative « à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet ». C’est le dispositif répressif (censuré) de Hadopi 1 qui est ici remanié. Le terme de protection pénale laisse donc entendre la nécessité d’un recours au juge. La loi Hadopi 2 prévoit le système suivant : la HADOPI doit transmettre au juge toutes les informations dont elle dispose afin de procéder à la coupure de l’accès internet par le biais d’une procédure accélérée uniquement écrite. Aucune des parties n’est entendue à l’oral. Ce sera alors à la Hadopi de faire appliquer la sanction. En cas de coupure de l’accès internet, le fournisseur d’accès internet ne pourra pas couper le téléphone ni la télévision inclus dans les offres triple play.

Cette procédure accélérée est une exception en droit français. Ce procédé est normalement utilisé pour les procès verbaux de stationnement ou d’excès de vitesse par exemple.

Les deux lois Hadopi ont vraiment instauré le principe de la riposte graduée en France et sont, aujourd’hui, les deux lois qui permettent de lutter contre le téléchargement illégal.

La riposte graduée en Europe

L'exemple du Royaume Uni

Un accord appelé Memorandum of understanding a été signé sous l’égide du gouvernement britannique par les principaux fournisseurs d’accès à internet du Royaume Uni et les maisons de disque. Cet accord permet l’envoi d’emails d’avertissement aux internautes qui téléchargeraient illégalement. Depuis juillet 2008, les premiers envois d’e-mails ont été effectués. Les sanctions telles que le ralentissement du débit ou l’interruption temporaire de l’accès à internet n’ont pas encore été clairement définies.

Le 7 avril 2010, l’Assemblée britannique a voté un texte appelé le Digital Economy Bill[9] qui a pour but de légiférer sur tout ce qui tourne autour du numérique. Contrairement à la France, la riposte graduée envisagée par cette loi se fait en deux temps. Les mesures utilisées pour lutter contre le téléchargement illégal sont : la restriction de la bande passante, la limitation du volume de téléchargement et la suspension du compte internet, en dernier ressort après une enquête poussée.

Au Royaume Uni un rôle très important est laissé aux fournisseurs d’accès internet. Ils ont l’obligation d’appliquer aux abonnés le système de la riposte graduée (three stikes rule) lorsqu’un juge en a donné l’autorisation.

La position du Parlement Européen

Plusieurs dates importantes en la matière :

- Avril 2008, le Parlement Européen a adopté l’amendement n°138, déposé par des eurodéputés en soutient au rapport Bono. Cet amendement dispose qu’ « aucunes restrictions aux droit et libertés fondamentales des utilisateurs finaux ne doit être prise sans décision préalable de l’autorité judiciaire, en application notamment de l’article 11 de la charte des droits fondamentaux sauf en cas de menace à la sécurité juridique où la décision judiciaire peut intervenir postérieurement ». Le parlement est opposé à la riposte graduée dans le principe. Intervenu quelques mois avant le vote de la loi Hadopi en France, le vote de cette résolution (qui n’a pas force de loi) est perçu comme un message directement adressé à la France. Pourtant, dans sa première version, le rapport Bono prévoyait des mesures allant du filtrage des contenus à l’extension des droits sur internet.

- Le 11 septembre 2009 : Commission de la Commission et du Conseil du Parlement Européen et au Comité Economique et Social Européen. Les objectifs de cette commission sont de créer un Observatoire Européen de la contrefaçon et du piratage afin de favoriser la coopération administrative entre tous les Etats membres.

- Le 24 novembre 2009 : adoption du Paquet Télécom. Ce texte est une nouvelle législation visant à améliorer la concurrence et à protéger les droits de consommateurs dans le domaine des télécommunications. Ce texte dispose que l’accès à internet des utilisateurs finaux ne pourra être restreint que si « cela est jugé approprié, proportionné et nécessaire dans le cadre d’une société démocratique et si cette restriction est subordonnée à des garanties procédurales adéquates. Elle devra ainsi faire l’objet d’une procédure préalable, équitable et impartiale, dans le principe de la présomption d’innocence et du droit au respect de la vie privée. »

Le Paquet Télécom est un ensemble de plusieurs textes : une directive (2009/140/CE), une directive (2009/136/CE) et un règlement (CE) N° 1211/2009 instituant l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE)[10]

Voir aussi

« Erreur d’expression : opérateur / inattendu. » n’est pas un nombre.

Liens externes

Références

Notes