Rupture d’une promesse d’embauche : nouvelles précisions (fr)

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Par Franc Muller – Avocat droit du travail, Paris
le 14 octobre 2016


Jusqu’à présent, la position de la jurisprudence concernant la rupture d’une promesse d’embauche était parfaitement établie ; elle considérait que lorsqu’un employeur adressait au salarié une promesse d’embauche écrite lui précisant l’emploi proposé et la date d’entrée en fonction, celle-ci valait contrat de travail, de sorte que la rupture de cet engagement s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec les conséquences indemnitaires qui en résultaient au bénéfice du salarié (Cass. Soc. 15 déc. 2010 n° 08-42951).

L’affaire ayant donné lieu à cette décision concernait une société qui avait proposé à un salarié de l’engager au plus tard à compter du 1er octobre 2016, en qualité de directeur adjoint, moyennant une rémunération mensuelle de 7 600 euros sur treize mois, avec l’attribution d’un véhicule de service et la prise en charge de ses frais de déménagement et de logement durant le premier mois de son installation.

rupture promesse d'embauche Rupture d’une promesse d’embauche Cet engagement n’avait toutefois pas été suivi d’exécution, la société ayant indiqué à l’intéressé le 9 août 2016 qu’elle ne donnait pas suite à sa promesse d’embauche.

Elle fut donc condamnée, dès lors que la rupture s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La Chambre sociale de la Cour de cassation vient cependant de nuancer sa position, en justifiant son revirement par l’évolution liée à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.

Il est vrai que ce texte a modifié de façon substantielle les règles relatives à l’offre et à l’acceptation d’un contrat.

Le droit du travail vient ainsi se mettre au diapason du Code civil, étant précisé que le contrat de travail est soumis non seulement aux dispositions du code du travail, mais également à celles du droit commun en ce qui concerne sa formation et son exécution.


La haute juridiction distingue désormais deux situations donnant lieu à des conséquences juridiques différentes : l’offre de contrat de travail, d’une part, et la promesse unilatérale de contrat de travail, d’autre part (Cass. Soc. 21 sept. 2017 n° 16-20104).

Elle énonce en premier lieu que l’acte par lequel un employeur propose un engagement précisant l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation, constitue une offre de contrat de travail, qui peut être librement rétractée tant qu’elle n’est pas parvenue à son destinataire. La rétractation de l’offre avant l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, l’issue d’un délai raisonnable, fait obstacle à la conclusion du contrat de travail et engage la responsabilité extracontractuelle de son auteur.

En l’espèce, un club de rugby avait fait des propositions d’engagement à un joueur professionnel, qu’elle avait finalement retirée avant qu’il ne manifeste son acceptation.

Le joueur soutenait, en vertu de la jurisprudence classique de la Chambre sociale, que la promesse d’embauche, qui précisait la date d’entrée en fonction et l’emploi proposé ainsi que la rémunération, valait contrat de travail et réclamait à l’employeur des indemnités pour rupture injustifiée.

Il s’agissait en réalité pour la Cour régulatrice d’une offre de contrat de travail.

Or, la société qui formule une offre de contrat de travail peut désormais la rétracter avant le délai qu’elle a fixé à son destinataire pour se prononcer, ce qui, dans l’esprit des Hauts magistrats, laisse la possibilité aux parties d’avoir des négociations pré-contractuelles entre le temps de la proposition et celui de l’éventuelle acceptation.


En revanche, la promesse unilatérale de contrat de travail est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat de travail, dont l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction sont déterminés et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire. La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat de travail promis.

En d’autres termes, la promesse unilatérale de contrat de travail, à la différence de l’offre de contrat de travail, est un « pré-contrat » qui n’attend que le consentement du bénéficiaire (le salarié).

La société, de son côté, s’est déjà engagée fermement et irrévocablement sur l’emploi, la rémunération et la date d’entrée.

De sorte que si la société révoquait sa promesse pendant le temps que ce « pré-contrat » accorde au destinataire pour choisir, il n’en demeure pas moins que le contrat de travail est formé lorsque le salarié l’a accepté, et qu’il est donc fondé à obtenir du Juge son exécution forcée.

On entrevoit déjà les difficultés pratiques que ce nouveau régime est susceptible d’occasionner devant les juridictions prud’homales…