Vidéosurveillance des salariés : pas de licenciement pour vol valable si les images de vidéosurveillance sont illicites même si le salarié a reconnu les faits devant la police (c. cass. 16-26482) (fr)

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Auteur : Frédéric Chhum, avocat au Barreau de Paris

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Source : Blogavocat
Octobre 2018



1) Rappel des faits : licenciement d’une salariée pour vol découvert par des preuves un système de vidéosurveillance illicite


Engagée le 23 septembre 2004 par la société L'Etoile des routiers en qualité d'employée polyvalent, Mme X... a été licenciée pour faute grave par lettre du 27 octobre 2011.


La Cour d’appel d’Angers a considéré que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné l’employeur à payer à la salariée diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail.


La salariée avait été licenciement pour faute grave du fait de vols.


Elle avait reconnu les faits devant la police mais la salariée contestait la validité du système de vidéosurveillance ayant permis de découvrir cette faute.


La salariée n’avait pas été informée sur l'existence du système de surveillance


La société s’est pourvue en cassation.


Par arrêt du 20 septembre 2018, n°16-26482 (non publié au bulletin), la Cour de cassation rejette le pourvoi de l’employeur.


2) Moyens de l’employeur


L’employeur plaidait que :


  1. Si les preuves obtenues par un système de vidéosurveillance sont illicites lorsqu'il n'est pas démontré que le salarié aurait eu connaissance de la mise en place d'un tel système, la reconnaissance par le salarié devant des officiers de police de ce qu'il a bien commis les actes qui ont ainsi été constatés doit en revanche être retenue pour conclure à la réalité des faits justifiant le licenciement ; qu'en affirmant que les propos tenus par la salariée dans son audition ne pouvaient être retenus dès lors que ladite audition était consécutive à l'exploitation d'un moyen de preuve illicite, quand ils contenaient un aveu extra-judiciaire indépendant des preuves obtenues par les caméras de vidéosurveillance, et qu'il lui incombait donc d'apprécier si la réalité de la faute grave était établie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail et de l'article 1355 du code civil ;
  2. Que si dès lors qu'un aveu extra-judiciaire porte bien sur des points de fait et non sur des points de droit, les juges doivent rechercher si ces faits sont constitutifs d'une faute et apprécier s'ils doivent être qualifiés de faute grave ; qu'en retenant, pour conclure à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, que les éléments de preuve communiqués par l'employeur n'étaient corroborés par aucune autre pièce permettant d'établir la matérialité des faits, sans rechercher si les faits reconnus par la salariée dans son aveu extra-judiciaire ne les corroboraient précisément pas, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail et de l'article 1355 du code civil ;


3) Solution de l’arrêt : le licenciement pour faute grave est sans cause car l'exploitation des images était illicite


La Cour de cassation affirme qu’ « ayant constaté que l'employeur avait déposé plainte pour des faits de vols en se fondant sur les images de la vidéosurveillance et que l'audition de la salariée par les services de gendarmerie était consécutive à cette exploitation des images de vidéosurveillance, illicite en raison de l'absence d'information de la salariée de l'existence du système de surveillance, la cour d'appel, qui a fait ressortir le lien existant entre ces deux éléments de preuve, a légalement justifié sa décision ».


Peu importe que le salarié ait reconnu les faits de vols devant la police, dès lors que l’exploitation des images de vidéosurveillance étaient illicites, le licenciement est considéré sans cause réelle et sérieuse.

Source

Légifrance :

c. cass. 20/09/2018, n° 16-26482 [1]