A moyen âge, défense moyenne, TGI Paris, 27 mars 2014 (fr)

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
France  > Droit privé > Droit civil > Propriété intellectuelle > Droit de l'édition, Contrefaçon  



Auteur : Emmanuel Pierrat

Fr flag.png

Avocat au barreau de Paris
Juin 2014


TGI de Paris, 27 mars 2014


Le Tribunal de Grande Instance de Paris s’est penché, le 27 mars 2014, sur la protection, au bénéfice d’un éditeur de textes du Moyen-Âge et de la Renaissance. En l’occurrence, Droz assignait les Classiques Garnier pour faire juge que la reprise sur internet des textes bruts d’œuvres classiques.


Or, les juges retiennent que cette reproduction a été effectuée « sans commentaires et autres éléments de compréhension fournis par les transcripteurs ». Et de préciser que « la restitution du texte original conduit le savant à émettre des hypothèses et à effectuer » des « choix entre plusieurs méthodes » et suppose la mobilisation de nombreuses connaissances ». « Néanmoins, le savant qui va transcrire un texte ancien dont le manuscrit original a disparu, à partir de copies plus ou moins nombreuses, ne cherche pas à faire œuvre de création mais de restauration et de reconstitution. Il tend à établir une transcription la plus fidèle possible du texte médiéval, en mobilisant ses connaissances dans des domaines divers. Il va effectuer des choix mais ceux-ci ne sont pas fondés sur la volonté d’exprimer sa propre personnalité mais au contraire sur le souci de restituer la pensée et l’expression d’un auteur ancien ».

C’est pourquoi la protection par le droit d’auteur ne peut être accordée à de tels textes.

Rappelons toutefois que là où l’action en contrefaçon échoue, la jurisprudence de ces dernières années a développé des méthodes de plus en plus radicales de désinfection. Comme dans l’affaire « Droz versus Classiques Garnier », l’invocation du droit de la propriété littéraire et artistique se heurte parfois à certains obstacles. Pour être protégée à ce titre, l’œuvre doit en effet répondre à la condition d’originalité. La jurisprudence détecte l’originalité en recherchant « l’empreinte de la personnalité de l’auteur », c’est-à-dire la mise en œuvre de choix qui ne soient pas dictés par le résultat recherché. En clair, une compilation d’informations selon un critère quasi–scientifique et non artistique n’est pas couverte par le droit d’auteur.

Par surcroît, les idées, les concepts, principes, formules et autres méthodes ne bénéficient pas plus de cette protection : la propriété littéraire et artistique s’intéresse aux seules « créations de forme ». Selon les puristes, les idées sont dites « de libre parcours »

En clair, certains produits d’édition peuvent souffrir d’un apparent défaut de protection par la propriété intellectuelle la plus traditionnelle, tout en représentant un investissement suffisamment substantiel pour mériter que le droit s’y intéresse. C’est pourquoi la jurisprudence a progressivement accepté le recours à la notion d’action en concurrence déloyale.

La concurrence déloyale repose sur une interprétation de l’ article 1382 du Code civil, qui pose les bases de la responsabilité civile la plus classique, s’appuyant sur une faute, un préjudice et un lien de causalité entre cette faute et ce préjudice. Les tribunaux ont donc développé la notion de concurrence déloyale et la divisent désormais en deux branches bien distinctes. Ils sanctionnent en premier lieu la confusion : un industriel cherche à tromper ; même grossièrement, le consommateur moyen, dont l’attention ou le Q.I. sont supposés être mis à l’épreuve par la richesse des linéaires et l’abondance des piles, qui le font prendre un livre pour un autre. L’imitation d’une couverture ou d’un titre de collection, par ailleurs relativement anodins mais attirant une clientèle presque captive, relève de ce cas de figure.

Le pillage d’une œuvre non protégée par le droit d’auteur, sans pour autant qu’il y ait risque de confusion dans l’esprit du public, est désigné juridiquement sous le terme de parasistisme. Il s’agit par exemple, de l’emprunt systématique de données ou de l’imitation d’un concept de collection. Le parasitisme peut encore s’exercer par la reprise d’illustrations ou encore par celle d’une banale composition typographique.

Ce qui est réprimé, c’est donc le fait de dispenser sans vergogne d’un investissement en temps, en travail, en argent, en marketing, en promotion, etc. L’économie réalisée permet en effet au concurrent de s’inscrire déloyalement dans le sillage de son prédécesseur.

Il est possible d’agir en contrefaçon et parallèlement en concurrence déloyale, si des agissements litigieux distincts sont décelables. « L’affaire Maxidico » a ainsi donné l’occasion au Tribunal de commerce de Paris d’estimer que, en sus des emprunts de définitions, «en vendant l’édition 1997 du Maxidico au prix de 99 francs affiché sur la première de couverture, les défenderesses ont délibérément voulu tirer un avantage commercial de la contrefaçon du Petit Larousse illustré, qu’elles ont frauduleusement détourné des parts de marché à leur profit, qu’elles se sont ainsi rendues coupables de parasitisme». Il en a été de même, selon le Tribunal de grande instance de Paris, en 1988, pour une absence de référence bibliographique à un livre par ailleurs plagié…

Rappelons également que la loi du 1er juillet 1998 sur les bases de données, aujourd’hui transposée dans le Code de la propriété intellectuelle, permet de mieux agir encore contre le pillage d’informations, là où le droit d’auteur traditionnel faillit.

Voir aussi

« Erreur d’expression : opérateur / inattendu. » n’est pas un nombre.