Article 40 du Code de procédure pénale pour les nuls (fr)
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Thierry Vallat, Avocat au Barreau de Paris
Juillet 2018
Beaucoup se sont interrogés depuis le déclenchement de l'affaire Alexandre Benalla sur l'article 40 du code de procédure pénale qui oblige les autorités à saisir la justice en cas de crime ou délit dont elles ont pu avoir connaissance.
Ce dernier, chargé de mission à l'Élysée et adjoint au chef de cabinet d'Emmanuel Macron, est visé par une enquête préliminaire, qui vient d'être ouverte par le parquet de Paris, notamment pour "violences par personne chargée d'une mission de service public", "usurpation de fonctions" et "usurpation de signes réservés à l'autorité publique" pour des faits présumés de violence à l'encontre de manifestants en marge du cortège du 1er mai 2018 et filmé alors qu'il était casqué et arborait des signes distinctifs des forces de l'ordre.
D'aucuns se sont donc étonnés que ces faits reprochés et connus du cabinet de la présidence depuis début mai, n'ait pas été portés à la connaissance de la justice plus tôt.
Revient donc sur le devant de scène médiatique cet article 40 du Code de procédure pénale [1] qui avait déjà défrayé la chronique en mars 2017 en plein PénélopeGate avec le rôle d'un "cabinet noir" de l'Elysée visant à espionner ses opposants Ecoutes et Cabinet Noir: ma chronique pour France [2]
Aux termes de l'article 40 du code de procédure pénale, " Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs".
La notion d'autorité constituée n'est pas définie par le code de procédure pénale.
Dans le langage courant, cette notion vise d'une manière générale les magistrats et les hauts fonctionnaires investis d'un pouvoir reconnu.
Le Dictionnaire Littré précise qu'il s'agit des pouvoirs et fonctionnaires établis par une constitution pour gouverner.
Ces autorités furent appelées constituées en 1789, par opposition à l'autorité constituante qui les a établit. Il paraît possible de considérer que le terme « autorités constituées » inclut les représentants des pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires dont les prérogatives et les rapports ont été définis par la constitution du 4 octobre 1958.
En droit, la notion d'autorité constituée assujettie à l'obligation de l'article 40 du code de procédure pénale a été précisée par la jurisprudence qui donne des exemples de personnes morales ou physiques qui peuvent être considérées comme faisant partie des autorités constituées.
Ainsi, l'obligation de dénoncer s'impose non seulement aux fonctionnaires de police, mais à toutes les catégories de fonctionnaires de l'État et des collectivités territoriales.
S'agissant des élus, la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a créé deux nouveaux articles au code général des collectivités territoriales qui imposent à des élus de dénoncer au parquet des infractions dont ils auraient connaissance.
Ainsi l'article L. 2211-2 établit que, conformément à l'article 40 du code de procédure pénale, le maire est tenu de signaler sans délai au procureur de la République les crimes ou les délits dont il acquiert la connaissance dans l'exercice de ses fonctions ; le maire est avisé des suites données conformément aux dispositions de l'article 40-2 du même code.
En outre, le procureur de la République peut porter à la connaissance du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale toutes les mesures ou décisions de justice, civiles ou pénales, dont la communication paraît nécessaire à la mise en oeuvre d'actions de prévention, de suivi et de soutien, engagées ou coordonnées par l'autorité municipale ou intercommunale.
L'article L. 2211-3 indique pour sa part que les maires sont informés sans délai par les responsables locaux de la police ou de la gendarmerie des infractions causant un trouble grave à l'ordre public commises sur le territoire de leur commune, ce dans le respect des dispositions de l'article 11 du code de procédure pénale.
S'agissant des autres catégories d'élus, il n'existe pas de texte équivalant aux textes précités.
Il convient donc de se reporter aux dispositions générales de l'article 40 du code de procédure pénale.
Un élu qui, dans l'exercice de ses fonctions aurait connaissance de la commission d'un crime ou d'un délit serait donc tenu d'en avertir le procureur de la République.
Il importe de préciser que la Cour de cassation a eu l'occasion de préciser que les prescriptions de l'article 40, alinéa 2, du code de procédure pénale ne sont assorties d'aucune sanction pénale.
Si les fonctionnaires et magistrats peuvent faire l'objet de sanctions disciplinaires pour avoir manqué à l'obligation de dénonciation de l'article 40 du code de procédure pénale, il en va différemment des élus.
Il faut également rappeler que, selon l'article 434-1 du code pénal, la non-dénonciation d'un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets constitue un délit qui pourrait, le cas échéant et sous réserve des dispositions de l'article 26 de la Constitution, donner lieu à l'engagement de poursuites.
Rappelons enfin que ce texte ne s'applique qu'en cas de crime ou délit; l'avenir et les suites judiciaires nous diront si tel est bien le cas dans l'affaire Benalla.
Notamment concernant les violences, précisons qu'elles ne sont délictuelles, c'est-à-dire relevant de la compétence du tribunal correctionnel, que si le niveau de gravité est sérieux soit en raison du niveau d’ITT qu’elles ont entraîné pour la victime, soit du fait qu’elles ont été accompagnées d’une ou plusieurs des circonstances aggravantes prévues par le Code pénal.
Sont ainsi automatiquement considérées comme délictuelles les violences ayant causé à la victime une ITT supérieure à 8 jours (Les violences ayant causé une ITT inférieure ou égale à huit jours sont également susceptibles d’être délictuelles lorsqu’elles ont été accompagnées d’une ou plusieurs circonstances aggravantes).