Attention : un professionnel peut cacher un consommateur ! (Cass. Civ. 1re, 31 août 2022, n° 21-11.097)

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Par Louis Thibierge
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
Membre du Centre de Droit Économique
Directeur du Master 2 Recherche Droit Économique
Directeur du DESU Economic Law
Avocat au Barreau de Paris

Le 8 septembre 2022



Voici, en substance, ce que nous enseigne la Cour de cassation dans un arrêt du 31 août dernier (Cass. Civ. 1re, 31 août 2022, n° 21-11.097).

Voici le Docteur X, neurologue de profession.

Il s’inscrit à un colloque de neurologie et réserve, pour assister à ce colloque, une chambre dans un hôtel situé dans cette ville.

Ayant été empêché de se rendre au colloque par suite d’une hospitalisation, il demandait à l’hôtelier le remboursement de la chambre d’hôtel, en se prévalant des dispositions du Code de la consommation.

D’où la question, simple mais cardinale : était-il un consommateur ?

L’article liminaire du Code de la consommation, issu de la loi Hamon, définit le consommateur comme « toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole » (l‘ordonnance du 22 décembre 2021 n’a pas modifié cette définition).

Le Docteur X, professionnel libéral de santé, agissait-il à des fins qui entraient ou n’entraient pas dans le cadre de son activité libérale ?

Pour le tribunal judiciaire de Bordeaux, notre neurologue ne pouvait être considéré comme un consommateur, eu égard au lien directe entre sa participation au colloque et la réservation de sa chambre. D’où un pourvoi en cassation formé par le médecin.

Pourvoi que la première chambre civile accueille, non pas tant au regard de la définition du professionnel.

La Cour rappelle la jurisprudence de la CJUE, au terme de laquelle « la notion de professionnel est une notion fonctionnelle impliquant d'apprécier si le rapport contractuel s'inscrit dans le cadre des activités auxquelles une personne se livre à titre professionnel»(CJUE, 4 octobre 2018, C-105-17).

Or, estime la Haute juridiction, en souscrivant le contrat d'hébergement litigieux, notre neurologue « n'agissait pas à des fins entrant dans le cadre de son activité professionnelle ».

Dit autrement, quand bien même la réservation de la chambre visait à permettre la participation au colloque, le lien avec l’activité professionnelle n’est pas suffisamment direct pour justifier l’application de la qualification de professionnel. Elle ne s’inscrit pas dans le cadre des activités auxquelles le médecin se livre à titre professionnel.

Notre médecin sera donc, au cas d’espèce, traité comme un consommateur.