Bail d'un local commercial affecté d'un défaut de permis de construire.

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Par Louis Thibierge
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
Membre du Centre de Droit Économique
Directeur du Master 2 Recherche Droit Économique
Directeur du DESU Economic Law
Avocat au Barreau de Paris

14 septembre


Manque à son obligation de délivrance le bailleur louant un local commercial affecté d'un défaut de permis de construire, enseigne la Cour dans un récent arrêt (Cass. Civ. 3e, 1er juin 2022, n° 21-11602 [1]).

Au cas d’espèce, un bailleur consent à une société La Vénitienne un bail sur un local commercial, afin qu’elle y exploite un commerce de pizzas à emporter.

Le preneur découvre que le local loué a été édifié sans permis de construire. Il agit en résolution du bail pour manquement du bailleur à son obligation de délivrance (art. 1719 C. Civ.). Le texte prévoit que « le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'une stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée et d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ».

La cour d’appel avait adopté les arguments du bailleur, qui mettait en exergue que le preneur exploitait le local litigieux, conformément à sa destination de commerce de pizzas à emporter, depuis la signature du bail, et que l'absence de régularité de la situation administrative du local n'a pas d'incidence directe sur l'exploitation quotidienne du fonds de commerce et ne peut légitimer le non-paiement des loyers.

Dit autrement, le défaut de permis de construire n’obéirait pas l’exploitation du fonds. Le manquement contractuel serait sans incidence. La cassation est prononcée au visa de l’article 1719 du Code. La Cour de cassation juge que la cour d’appel, en déboutant le preneur, n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations.

En effet, il était avéré que le défaut permis de construire, non régularisable, était source de troubles d'exploitation consistant en des difficultés pour assurer les lieux, de fortes restrictions quant aux capacités de développement du commerce, ainsi qu'en une limitation drastique de la capacité du preneur à vendre son fonds du fait du risque de perte du local d'exploitation en cas d'injonction administrative de démolir.

En somme, le preneur subissait un trouble, non seulement actuel (difficultés à assurer le local et à le développer), mais également futur (limitation drastique de sa capacité à revendre le fonds).