COVID 19 - Etat d’urgence et droit du travail : le point sur l’ordonnance « BALAI » du 15 avril 2020 (fr)
France > Droit privé > Droit social > Droit du travail
Auteur : Cabinet d'avocats August Debouzy
Date : le 21 avril 2020
Cette ordonnance complète et modifie plusieurs ordonnances publiées au cours des dernières semaines afin de préciser la réglementation temporaire mise en place en réaction à l’état d’urgence sanitaire.
Retour sur les dispositions phare en droit du travail :
Concernant l’ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière d’activité partielle :
- Précise les modalités d’indemnisation des salariés en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation placés en activité partielle selon que leur rémunération habituelle est inférieure ou égale/supérieure au SMIC.
- Limite le recours à l’activé partielle pour les cadres dirigeants à l’hypothèse d’une fermeture temporaire de l’établissement ou d’une partie de l’établissement. -> Ce dispositif n’est donc pas applicable aux cadres dirigeants en cas de réduction de l’horaire de travail pratiqué dans l’établissement ou partie de l’établissement en deçà de la durée du travail.
- Prévoit que les salariés portés titulaires d’un contrat à durée indéterminée peuvent être placés en activité partielle au cours des périodes sans prestation à une entreprise cliente.
- Prévoit que les salariés des entreprises de travail temporaire placés en activité partielle qui perçoivent une indemnisation inférieure à la rémunération minimale ont droit à une allocation complémentaire égale à la différence entre la rémunération minimale et la somme effectivement perçue au titre de l’indemnisation de l’activité partielle.
- Précise le traitement social de l’indemnité d’activité partielle dont le montant net perçu après application de la CSG ne peut être inférieur au Smic.
- Précise que ces dispositions sont applicables à compter du 12 mars 2020
Concernant l’ordonnance n° 2020-387 du 1er avril 2020 portant mesures d’urgence en matière de formation professionnelle :
- Précise que lorsque le titulaire d’un contrat de professionnalisation devant théoriquement prendre fin entre le 12 mars et le 31 juillet, n’a pas pu achever son cycle de formation en raison du report ou de l’annulation de sessions de formation ou d’examen, le contrat de professionnalisation peut être prolongé par avenant au contrat initial jusqu'à la fin du cycle de formation poursuivi initialement.
- Prévoit des aménagements de la durée des contrats d’apprentissage et de professionnalisation, de la durée des formations et de l’âge maximal des apprentis et des bénéficiaires de contrats de professionnalisations.
Concernant l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période
- Adapte les délais relatifs à la conclusion et à l’extension des accords collectifs conclus jusqu’à un mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire et dont l’objet est de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19.
Ainsi et uniquement pour les accords conclus à cette fin, les délais sont adaptés comme suit :
- Pour les accords de branche :
est ramené à 8 jours au lieu de 15 jours, le délai d’opposition de la part des organisations syndicales représentatives de salariés à compter de la notification de l’accord (L. 2232-6 C. trav.) ; -> Ce délai réduit s’applique aux accords de branche conclus à compter du 12 mars 2020 n’ayant pas fait l’objet d’une notification aux organisations syndicales à la date d’entrée en vigueur de la présente ordonnance, soit le 16 avril 2020 ;
est ramené à 8 jours au lieu d’un mois, le délai d’opposition à la demande d’extension de la part des organisations professionnelles d’employeurs représentatives (L. 2261-19 al. 3 C. trav.) ; -> Ce délai d’opposition réduit s’applique à la procédure d’extension aux accords de branche conclus à compter du 12 mars 2020 et dont l’avis d’extension au JO n’a pas été publiée à la date d’entrée en vigueur de la présente ordonnance, soit le 16 avril 2020 ;
- Pour les accords d’entreprise :
Ceux signés par une ou plusieurs organisations syndicales ayant recueilli entre 30% et 50 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au CSE. Ces organisations syndicales ont un délai de 8 jours au lieu d’un mois à compter de la signature de l’accord pour faire part de leur intention d’organiser la consultation des salariés (L. 2232-12 al. 2 C. trav.) ; Le délai de 8 jours incombant aux organisations syndicales non signataires de l’accord initial une fois que la consultation du personnel a été décidé, pour décider de ratifier ou non l’accord est ramené à 5 jours au lieu de 8 (L. 2232-12 al.3 C. trav.);
Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical mais dotées d’un CSE (entreprises d’au moins 50 salariés), les élus du CSE peuvent faire part de leur volonté de négocier dans un délai de 8 jours au lieu d’un mois à compter leur connaissance de l’intention de l’employeur de négocier (L. 2232-25-1 C. trav.).
Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical (et dont l'effectif habituel est inférieur à onze salariés), l'employeur peut proposer un projet d'accord ou un avenant de révision aux salariés en organisant la consultation du personnel dans un délai minimum de 5 jours à compter de la communication à chaque salarié du projet d'accord (au lieu d’un délai minimum de 15 jours) (L. 2232-21 C. trav.) ;
Ces dispositions exceptionnelles ne s’appliquent qu’aux délais qui n’ont pas commencé à courir à la date d’entrée en vigueur de la présente ordonnance, soit le 16 avril 2020.
Il est précisé que l’article 2 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relatif à la prorogation des délais échus ne s’appliquent pas aux délais visés dans cette ordonnance
Concernant l’ordonnance n° 2020-322 du 25 mars 2020 adaptant temporairement les conditions et modalités d'attribution de l'indemnité complémentaire prévue à l'article L. 1226-1 du code du travail et modifiant, à titre exceptionnel, les dates limites et les modalités de versement des sommes versées au titre de l'intéressement et de la participation :
- Modifie les règles de l’indemnisation complémentaire par l’employeur en cas d’arrêt de travail de ses salariés – et est en cela complété de manière plus substantielle par le décret 2020-434 du 16 avril 2020 (précision quant aux arrêts de travail concernés à partir du 12 mars, indemnisation à hauteur de 90% de la rémunération brute pendant toute la durée de l’arrêt).
- Précise que ces dispositions (i) sont applicables aux arrêts de travail en cours au 12 mars 2020 et à ceux ayant commencé postérieurement à cette date et (ii) cesseront d’être applicables à une date fixée par décret qui ne pourra excéder le 31 décembre 2020
…ET DU NOUVEAU CONCERNANT LES RUPTURES CONVENTIONNELLES
Une autre ordonnance publiée le même jour [1] apporte des éclairages sur la prorogation des délais en matière de rupture conventionnelle.
- précise que l’article 2 de l’ordonnance du 25 mars sur la suspension des délais échus pendant l’état d’urgence sanitaire : « n'est pas applicable aux délais de réflexion, de rétractation ou de renonciation prévus par la loi ou le règlement, ni aux délais prévus pour le remboursement de sommes d'argent en cas d'exercice de ces droits ».
- Elle ne revient en revanche pas sur l’article 3 de cette ordonnance qui précisait que « les mesures administratives d’instruction et d’autorisation dont le terme vient à échéance au cours de cette période sont prorogées de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la fin de cette période ».
-> On peut en déduire qu’il n’y aurait pas de prorogation des délais applicable aux parties à la rupture conventionnelle (réflexion, rétractation..) mais qu’il devrait en revanche y avoir suspension des délais laissés à l’administration pour instruire et homologuer la demande de rupture conventionnelle.
A noter, toutefois, que l’instruction DGT du 7 avril 2020 a réagi sur ce point en précisant, que la suspension ou le report du point de départ de délais n‘est pas une interdiction d’agir dès lors que l’’administration a les éléments pour prendre une décision en toute connaissance de cause. « Ainsi, l’inspecteur du travail doit statuer sur la demande sans attendre la fin de la période de suspension des délais dès lors qu’une demande ne nécessite pas une enquête approfondie (rupture conventionnelle individuelle) »
En tout état de cause il est donc recommandé de solliciter des décisions expresses d’homologation et de ne pas se contenter de décisions implicites.
Référence
- ↑ Ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l’épidémie de covid-19 » (publiée au JO du 16 avril 2020).