Cautionnement: le principal ne suit pas l'accessoire

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Par Louis Thibierge
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
Membre du Centre de Droit Économique
Directeur du Master 2 Recherche Droit Économique
Directeur du DESU Economic Law
Avocat au Barreau de Paris

Le 8 septembre 2022


6 juillet 2022 Cour de cassation Pourvoi n° 20-17.279 [1]

Le cautionnement est une sûreté accessoire, en ce sens que l’engagement de la caution est calqué sur celui du débiteur. Sauf rares exceptions, la caution peut se prévaloir de tout événement qui modifie, réduit ou efface la dette du débiteur.

L’ordonnance du 15 septembre 2021 a renforcé la portée de cette règle de l’accessoire en prévoyant à l’article 2298 nouveau (applicable à compter du 1er janvier 2022) que « La caution peut opposer au créancier toutes les exceptions, personnelles ou inhérentes à la dette, qui appartiennent au débiteur ».

Désormais, il n’y a plus lieu de distinguer selon que l’exception invoquée est personnelle au débiteur (ce qui était le cas du dol) ou inhérente à la dette (ce qui était le cas de la prescription). Parce qu’il est accessoire, le cautionnement suit le sort de la dette principale.

Mais il ne faudrait pas, hâtivement, renverser la règle et penser que le principal doit suivre l’accessoire. En témoigne un récent arrêt (Cass. Com., 6 juillet 2022, n° 20-17279). Les faits de l’espèce ne présentant guère de singularité, on s’attachera essentiellement au droit.

Le créancier ayant commis une faute à l’endroit de la caution, celle-ci était créancière de dommages-intérêts. Le débiteur entendait profiter de l’aubaine. Aussi soutenait-il que « la compensation, exception inhérente à la dette, lorsqu'elle est opposée au créancier par la caution, emporte ainsi extinction de l'obligation principale garantie ».

L’argument était pour le moins audacieux. Il est logiquement repoussé par la Haute juridiction, au motif que « la compensation opérée entre une créance de dommages-intérêts, résultant du comportement fautif du créancier à l'égard de la caution lors de la souscription de son engagement, et celle due par cette dernière, au titre de sa garantie envers ce même créancier, n'éteint pas la dette principale garantie mais, à due concurrence, l'obligation de la seule caution ».

Dont acte : le principal ne suit pas l’accessoire. L’orthodoxie est sauve.