Conflit entre collègues et obligations de l’employeur : L'employeur est tenu à une obligation de sécurité qui lui impose de prendre les mesures pour faire cesser la situation (fr)

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Auteur : Frank Muller, avocat droit du travail, Paris 15 juillet 2017


Les conflits au travail peuvent être extrêmement dévastateurs pour le salarié qui les subit et appellent une réaction immédiate de l’employeur qui ne peut rester inerte face aux plaintes de l’intéressé.


L’obligation de sécurité, énoncée aux articles L 4121-1 et L 4121-2 du code du travail, impose en effet à l’employeur de prendre les mesures nécessaires, y compris préventives, pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.


La Chambre sociale de la Cour de cassation considère en outre que l’employeur informé de faits susceptibles de caractériser un harcèlement moral, doit justifier avoir pris les mesures immédiates propres à le faire cesser.


Dans son dernier état, la jurisprudence met à la charge de l’employeur saisi de tels faits de justifier avoir pris toutes les mesures préventives pour éviter la survenance d’une situation de harcèlement moral dans l’entreprise (Cass. Soc. 1er juin 2016 n° 14-19702).


En cas de manquement à ces obligations, l’employeur encourt une double condamnation, au paiement de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de sécurité, d’une part, et au paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral, d’autre part (Cass. Soc. 19 nov. 2014 n° 13-17729).


Une récente illustration nous rappelle utilement l’application de ces règles dans un contexte où une salariée se plaignait d’endurer une vive souffrance morale à la suite d’agissements répétés d’une collègue de travail.


Cette salariée, qui exerçait en qualité de médecin spécialisé dans une association, était victime d’une mise à l’écart continuelle de la part de sa collègue et de son mépris affiché, ayant entrainé une dégradation de ses conditions de travail et altéré sa santé.


Reprochant à l’employeur un manquement à son obligation de sécurité, elle avait saisi le Conseil de Prud’hommes d’une demande de résiliation de son contrat de travail, puis en cours d’instance, elle avait été déclarée inapte à son poste et licenciée pour inaptitude.


Les juges du fond, lui donnant raison, avaient prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur, après avoir relevé que la relation de travail avait généré chez l’intéressée une vive souffrance morale ayant participé de façon déterminante à la dégradation de son état de santé.


L’employeur n’avait pas pris toutes les mesures utiles pour régler avec impartialité par sa médiation le conflit persistant qui les opposait, et qui aurait permis à la salariée de réintégrer son poste.


Il n’avait pas non plus proposé un changement de bureau, comme le préconisait le médecin du travail, ni une mutation dans un autre centre à proximité.


Il avait en outre laissé sans réponse une lettre de la salariée l’interrogeant sur ses perspectives professionnelles dans l’entreprise.


En conséquence, la Cour de cassation juge à son tour que l’employeur avait commis un manquement à son obligation de sécurité qui rendait impossible la poursuite du contrat de travail (Cass.soc. 22 juin 2017 n° 16-15507).


Cette décision est à rapprocher d’une précédente dans laquelle la Haute juridiction avait également jugé à l’occasion d’un grave conflit opposant un salarié à trois collègues de travail, qui avait dû être hospitalisé en urgence en raison de la mise en danger de sa santé, que l’employeur qui ne justifiait pas avoir pris des mesures suffisantes pour tenter d’apaiser ce conflit, avait manqué à son obligation de sécurité (Cass. Soc. 19 nov. 2015 n° 13-26199).