Copropriété : de la qualité à agir en nullité du mandat du syndic

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Par Louis Thibierge
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
Membre du Centre de Droit Économique
Directeur du Master 2 Recherche Droit Économique
Directeur du DESU Economic Law
Avocat au Barreau de Paris



Un arrêt rendu (Cass. Civ. 3e, 9 février 2022, n° 21-11197 [1]) offre à la Cour de cassation l’occasion de répondre à une question à notre connaissance inédite : celle de la date à laquelle apprécier la qualité à agir en nullité du mandat d’un syndic de copropriété.

Un copropriétaire agit en nullité du mandat au motif que le syndic n’avait pas, comme prescrit par l’art. 18 de la loi du 10 juillet 1965, ouvert dans les trois mois de sa désignation, un compte bancaire séparé. La nullité du mandat est encourue de plein droit.

Qui peut la solliciter ? Le seul fait que la nullité soit « de plein droit » ne permet pas de répondre à cette question. Il faut se garder de confondre « de plein droit », qui signifie « automatiquement », et « de nullité absolue », ce qui emporterait que tout intéressé soit apte à agir.

Si, bien souvent, intérêt et qualité à agir se confondent, il est des cas où la loi réserve à certaines personnes, parmi celles intéressées, la possibilité d’agir. Il en va ainsi du divorce : quand bien même des tiers pourraient exciper d’un intérêt à ce que le couple se sépare, l’action leur est fermée.

Il en va de même de l’action en nullité du mandat du syndic, réservée aux copropriétaires. Pour la Cour, « La demande de constatation de la nullité de plein droit du mandat du syndic (…) ne peut être formulée que par un copropriétaire ».

De cette assertion s’infère une alternative : soit le demandeur est copropriétaire, et il a qualité à agir ; soit il n’est pas copropriétaire et n’a pas qualité à agir.

Le droit est parfois rétif au manichéisme. La qualité de copropriétaire est fluctuante. Au matin, on ne l’est pas encore ; après acquisition, on le devient ; au soir, une fois le bien vendu, on ne l’est plus.

A quel moment faut-il se placer pour déterminer qui a qualité à agir ?

Pour la cour d’appel (Limoges, 26 novembre 2020), la situation s’apprécie au jour de l’entrée en copropriété. Le demandeur n’était devenu copropriétaire qu’en février 2013. Or, le syndic avait régularisé la situation en ouvrant un compte séparé en juillet 2012. Partant, l’action était irrecevable.

Cassation au visa de la loi de 1965 et des articles 31 et 32 CPC : « En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que Mme [M] avait acquis la qualité de copropriétaire au jour de l'introduction de la demande, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».

La Cour semble assortir de rétroactivité la qualité de copropriétaire. Dès lors qu’au jour de l’introduction de la demande, on est copropriétaire, on a qualité à agir en nullité du mandat du syndic, alors même que la situation aurait été régularisée.

La solution n’est pas dénuée de toute logique : priver le nouveau copropriétaire de la possibilité d’agir revient à considérer que c’est son auteur qui a seul qualité à agir, alors même qu’il est sorti de la copropriété.