Covid-19. Droit de retrait : le point de vue (restrictif) de l’administration (fr)

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Me Marie-Paule RICHARD-DESCAMPS, avocate au barreau des HAUTS-DE-SEINE - NANTERRE



Le ministère du travail dans un "Questions/réponses pour les entreprises et les salariés" mis à jour le 17 mars 2020 (pages 20 et 21) prend position sur le droit de retrait, au coeur de l’actualité, sous le contrôle souverain des juges du fond.

Il importe de rappeler que le droit d'alerte et de retrait est consacré par le code du travail. Le salarié dispose d'un droit d'alerte et de retrait dans toute situation de travail où il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, sans avoir à respecter une quelconque formalité. (notre article le droit d’alerte et de retrait https://consultation.avocat.fr/blog/marie-paule-richard-descamps/article-29957--le-droit-d-alerte-et-de-retrait-des-salaries.html )


Extrait du questions/réponses :

29. Quelles sont les règles générales relatives à l’exercice du droit de retrait ?

a) Dans quelles conditions un salarié peut-il exercer son droit de retrait ?

En vertu des articles L. 4131-1 et suivants du code du travail, un travailleur peut se retirer d’une situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Il doit alerter l’employeur de cette situation. Il s’agit d’un droit individuel et subjectif.

Il convient de souligner que le droit de retrait vise une situation particulière de travail et non une situation générale de pandémie.

Le droit de retrait doit être exercé de telle manière qu’il ne puisse créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent (article L. 4132-1 du code du travail). Cela implique que le retrait ne peut s’effectuer si le risque concerne des personnes extérieures à l’entreprise, notamment des usagers (circulaire DRT n° 93/15 du 26 mars 1993).

Dans le contexte actuel, dans la mesure où l'employeur a mis en oeuvre les dispositions prévues par le code du travail et les recommandations nationales (https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus) visant à protéger la santé et à assurer la sécurité de son personnel, qu'il a informé et préparé son personnel, notamment dans le cadre des institutions représentatives du personnel, le droit individuel de retrait ne peut en principe pas trouver à s'exercer.

L’appréciation des éléments pouvant faire penser que le maintien au poste de travail présente un danger grave et imminent relève, le cas échéant, du juge qui vérifie le caractère raisonnable du motif.

b) Que puis-je faire si l’exercice du droit de retrait est abusif ?

Aucune sanction ou retenue sur salaire ne peut être appliquée du fait de l’exercice légitime du droit de retrait. L’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent.

A contrario, si l’exercice de ce droit est manifestement abusif, une retenue sur salaire pour inexécution du contrat de travail peut être effectuée. L’exercice non fondé de ce droit ne caractérise pas l’existence d’une faute grave, mais peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. Ces dispositions s’exercent le cas échéant sous le contrôle du juge.

c) Qu’est-ce qu’un danger grave et imminent ?

L’appréciation se fait au cas par cas. Peut être considéré comme « grave » tout danger susceptible de produire un accident ou une maladie entraînant la mort ou paraissant devoir entraîner une incapacité permanente ou temporaire prolongée et comme « imminent », tout danger susceptible de se réaliser brutalement dans un délai rapproché.

30. Quel est le rôle du comité social et économique et dans quels cas dois-je l’informer/le consulter ?

Le CSE joue un rôle particulièrement important dans les situations de crises.

Il devra ainsi être associé à la démarche d’actualisation des risques et consulté sur la mise à jour du document unique d’évaluation des risques.

a) Information et consultation du CSE

Le CSE a pour mission de promouvoir la santé, la sécurité et l’amélioration des conditions de travail dans l’entreprise.

Par ailleurs, dans les entreprises de plus de 50 salariés, le CSE est informé et consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, notamment sur la durée du travail ou les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle ainsi que sur tout aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.

C’est le cas pour :

• les modifications importantes de l’organisation du travail ;

• le recours à l’activité partielle ;

• les dérogations aux règles relatives à la durée du travail et aux repos.

Pour ces matières, les décisions de l’employeur doivent être précédées du recueil de l’avis du CSE. Le CSE doit être informé de la tenue de la réunion au cours de laquelle il sera consulté au moins 3 jours à l’avance.

Le recours à la visioconférence est encouragé si nécessaire pour éviter les contacts physiques et si l’urgence l’exige, l’employeur peut prendre des mesures conservatoires d’organisation du travail avant d’avoir effectué la consultation.

b) Réunions à la demande des représentants du personnel

Le comité peut être réuni à la demande motivée de deux de ses membres, sur des sujets relevant de la santé, de la sécurité ou des conditions de travail.

c) Le droit d’alerte du CSE

Si un membre du CSE constate qu'il existe une cause de danger grave et imminent, notamment par l'intermédiaire d'un salarié qui a fait jouer son droit de retrait, il en avise immédiatement l'employeur ou son représentant et consigne cet avis par écrit sur un registre prévu à cet effet.

Il est alors fait application de la procédure prévue aux articles L. 4132-2 et suivants du code du travail.