Covid-19 et procédure collective : des aménagements pour les entreprises en difficulté (fr)
France > Droit privé > Droit des affaires > Entreprises en difficultés > Procédures collectives
Auteurs : Laure Perrin et Amina Ben Ayed, Squire Patton Boggs
le 31 mars 2020
PUBLIÉ DANS RESTRUCTURATIONS - ENTREPRISES EN DIFFICULTE
La loi n°2020-290 du 23 mars 2020 instaurant l’état d’urgence sanitaire pour faire face à l’épidémie de Covid-19 permet au Gouvernement de prendre toutes mesures « adaptant les dispositions du livre VI du code de commerce [relatif aux difficultés des entreprises]… afin de prendre en compte les conséquences de la crise sanitaire pour les entreprises et les exploitations » (Article 11-I-1 (d)).
C’est ainsi que, outre les mesures financières[1] et sociales[2] de soutien des entreprises déjà annoncées, l’ordonnance n°2020-341 du 27 mars 2020 met notamment en place un certain nombre d’adaptations des règles relatives aux difficultés des entreprises dans ce contexte d’urgence sanitaire.
L’ordonnance prévoit les dispositions suivantes pour les procédures en cours sur l’ensemble du territoire de la République, y compris dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin et Wallis et Futuna :
1/ Une modification des dispositions relatives à la fixation dans le temps de l’état de cessation des paiements
L’article 1 de l’ordonnance prévoit notamment que l’appréciation de l’état de cessation des paiements s’effectue au regard de la situation de l’entreprise au 12 mars 2020. Cette disposition ne prive toutefois pas le tribunal de commerce de la possibilité de reporter cette date à une date antérieure, en vertu de l’article L.631-8 du Code de commerce, ou postérieure en cas de fraude aux droits des créanciers sans préjudice des conséquences des nullités de la période suspecte.
Selon le Gouvernement, cette mesure vise à permettre aux entreprises de bénéficier notamment des mesures et procédures de prévention des difficultés, telles que la conciliation et la sauvegarde, pendant la période correspondant à l’état d’urgence sanitaire augmentée de trois mois, même si leur situation s’aggravait après le 12 mars 2020.
Elle permet également aux représentants légaux de la société en difficulté d’éviter des poursuites et sanctions personnelles pour ne pas avoir déclaré durant cette période l’état de cessation de paiement de l’entreprise dans les délais.
Si une telle aggravation se produisait ou si sa situation financière le requiert, le débiteur pourra évidemment toujours demander l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou le bénéfice d’un rétablissement professionnel, avec notamment l’arrêt des poursuites et la possibilité de prise en charge des salaires par les AGS dans les conditions habituelles.
2/ Une prolongation de plein droit des périodes de conciliation (article L.611-6 du code de commerce) pour une durée correspondant à l’état d’urgence sanitaire augmenté de trois mois.
3/Une prolongation des plans de sauvegarde (article L626-12 du code de commerce) et de redressement (L.631-19 du code de commerce) peut être ordonnée par le Président du tribunal de commerce, soit (i) sur requête du commissaire à l’exécution du plan pour une durée correspondant à la durée de l’état d’urgence sanitaire augmentée de trois mois, soit (ii) sur requête du ministère public, pour une durée maximale d’un an. Une prolongation supplémentaire du plan pour une durée maximal d’un an pourra être ordonnée par le tribunal après l’expiration de ces premiers délais sur requête du commissaire à l’exécution du plan ou du ministère public pendant une période de six mois.
Le Gouvernement a précisé « ces prolongations de la durée du plan sont possibles sans devoir respecter la procédure contraignante d’une modification substantielle du plan initialement arrêté par le tribunal, laquelle reste par ailleurs envisageable, et vient en complément des dispositions plus générales prises dans le cadre de l’habilitation relatives aux délais (ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période) ».
4/ L’inapplicabilité du délai de 2 mois prévue par l’article L.631-15 I du Code de commerce pour que le Tribunal statue sur la poursuite des périodes d’observation.
5/ Une modification des modalités de saisine et de comparution devant les juridictions commerciales afin de prendre en compte le télétravail et les mesures de confinement et privilégier les communications par voie dématérialisée.
L’article 2 de l’ordonnance prévoit notamment que « les actes par lesquels le débiteur saisit la juridiction sont remis au greffe par tout moyen », que les prétentions et observations sont effectuées par écrit et communiquées par tout moyen et que les décisions peuvent être prises sans audience. Il en est de même pour les communications des organes de la procédure collective avec le greffe ou le tribunal.
6/ Une prise en charge simplifiée des créances salariales par l’AGS pendant la période correspondant à l’état d’urgence majorée de trois mois, sur transmission par le mandataire à l’AGS des relevés de créances salariales, et ce, sans attendre l’intervention du représentant des salariés et du juge-commissaire.
7/ Une prolongation de délais difficiles à respecter dans le contexte actuel d’une durée équivalente à la période d’urgence sanitaire augmentée de trois mois, tels que notamment :
- les périodes de garantie de l’AGS de certaines créances salariales (Article L.3253-8, 2°, b, c, d, et 5° du Code du travail) ou
- des délais imposés aux administrateurs judiciaires, aux mandataires judiciaires, aux liquidateurs ou aux commissaires à l’exécution du plan d’une durée correspondant à la durée de l’état d’urgence sanitaire augmenté de trois mois, avec toutefois une appréciation au cas par cas, ou encore
- les durées relatives à la période d’observation, au plan, au maintien de l’activité, et à la durée de la procédure de liquidation judiciaire simplifiée.
Si les tribunaux de commerce ont incité les entreprises en difficulté à solliciter des mesures de prévention sous l’égide du tribunal, la situation actuelle et la fermeture des tribunaux rend parfois leur mise en œuvre plus difficile.