Rupture conventionnelle annulée pour vice de consentement

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Dalila Madjid, avocate au barreau de Paris [1]
Juillet 2024

Dans un récent arrêt, la Chambre sociale de la Cour de cassation a clairement affirmé que lorsqu’un contrat de travail est rompu en exécution d’une convention de rupture, mais qui est annulée en raison d’un vice de consentement de l’employeur, la rupture produit les effets d’une démission. (Cass. soc. 19 juin 2024 n°23-10817 [2])

En effet, un vice de consentement a lieu au moment de la conclusion du contrat et porte atteinte à la validité de celui-ci.

Parmi les différents vices de consentement, les hauts magistrats ont retenu l’existence d’un dol. Qui est défini par certains, comme étant un délit civil, en ce qu’il correspond à un comportement malhonnête intentionnellement dommageable, qui doit être sanctionné ; parce qu’ il est contraire à l’obligation de loyauté et au devoir de contracter de bonne foi.

Dans un soucis de rigueur, il convient de se référer aux dispositions de l’article 1137 du Code civil à savoir : « le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie. Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation ». En l’espèce, dans l’affaire en question, il s’agissait d’un salarié qui était engagé en qualité de technicien commercial par une société et qui a exercé en dernier lieu les fonctions de responsable commercial. Il a signé avec son employeur une rupture conventionnelle.

La Cour d’appel a prononcé la nullité de la rupture. Aux motifs que le salarié a vicié la rupture conventionnelle par des manœuvres dolosives et il a, ainsi été condamné au paiements de diverses sommes au titre de l’indemnité spécifique perçue à tort et de l’indemnité compensatrice de préavis. Selon la Cour d’appel, le salarié avait commis une réticence dolosive, du fait du défaut d’information volontaire sur le projet d’entreprise initié dans le même secteur d’activité de son employeur, auquel étaient associés deux anciens salariés.

Le salarié forme un pourvoi en cassation contre la décision des juges du fond. En soutenant d’une part, qu’aucune réticence dolosive ne peut être imputée à une partie sur laquelle ne pesait aucune obligation d’informer son cocontractant.

En effet, selon le salarié, il n’était pas tenu de révéler spontanément à l’employeur son projet de création d’activité concurrente et les actes préparatoires qu’il avait effectué.

Et d’autre part, le salarié soutenait qu’il ne pouvait y avoir une atteinte disproportionnée au principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle. En effet, selon lui, il n’était pas soumis contractuellement à aucune clause de non-concurrence ni d’exclusivité, et qu’il avait pris soin de faire part à son employeur de son « souhait de reconversion ».

Ce qui n’est pas d’avis de la Cour de cassation, qui adopte la même position que les Juges du fond.

A savoir, elle rappelle les dispositions de l’article 1137 du Code civil, selon lesquelles, constitue un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.

Selon les Hauts magistrats, la Cour d’appel avait relevé que l’employeur s’était déterminé au regard du seul souhait de reconversion professionnelle dans le management, invoqué par le salarié.

Qu’elle avait constaté à juste titre que le salarié avait volontairement dissimulé des éléments dont il connaissait le caractère déterminant pour l’employeur, afin d’obtenir le consentement de ce dernier à la rupture conventionnelle.

La Cour de cassation approuve le raisonnement des juges du fond, en ce que le consentement de l’employeur avait été vicié, et ce sans faire peser sur le salarié une obligation d’information contractuelle, ni porter atteinte à sa liberté d’entreprendre.

Par conséquent, la Cour de cassation a retenu la dissimulation intentionnelle du salarié qui caractérise le dol. Par voie de conséquence, la convention de rupture est nulle. Cette nullité produisant les effets d’une démission.

En somme, il ne fait pas de doute que si, au moment des pourparlers pour une rupture conventionnelle, l’employeur était au courant du projet de son salarié de création d’une entreprise concurrente à la sienne auquel étaient associés deux anciens salariés, il n’aurait surement pas accepté une telle rupture du contrat.

Cette information, dissimulée intentionnellement par le salarié, avait un caractère déterminant pour l’employeur.

Les Juges ont sanctionné d’une certaine manière la malhonnêté intellectuelle du salarié, qui va à l’encontre du principe d’une rupture conventionnelle. Qui doit être conclu de manière loyale et de bonne foi, sans aucune manœuvre.

Cette analyse vaut également pour les employeurs, qui ne doivent pas signer une rupture conventionnelle dans un contexte de harcèlement moral. Et qui ne doivent pas non plus exercé de pressions pour inciter le salarié à choisir une rupture conventionnelle.