Divorce et liquidation du patrimoine des époux : une valse en trois temps (fr)

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Auteur: Juliette Daudé, avocate au Barreau de Paris
Novembre 2018



Le législateur a décidé, lors de la réforme du divorce de 2004, de dissocier la question du divorce de celle de la liquidation du patrimoine des époux. Cette solution 
complique quelque peu l’articulation de ces deux problématiques et il n’est pas rare que les époux se demandent, perplexes : « Mais quand liquide-t-on ? Avant, pendant ou 
après le divorce ? »


En réalité, trois cas de figures se présentent :


L’hypothèse idyllique.

Il est trois situations dans lesquelles l’homme révèle son vrai visage : lors d’une guerre, d’une succession et lors d’un divorce.


Il est parfois préférable de ne pas pousser l’âme humaine dans ses retranchements les plus vils et de choisir d’éviter tout contentieux pour arriver à un accord.


La nouvelle procédure de divorce par consentement mutuel, incitant les avocats à gérer de mains de maître les négociations qui ne seront pas soumises au contrôle du Juge, permet ce choix.


Ainsi, il apparaît que, bien souvent, et dans l’hypothèse où les époux acceptent de mettre de côté une mauvaise foi parfois bien compréhensible humainement, il est préférable de trouver un accord qui satisfera globalement les parties, au prix de certaines concessions.


Lorsqu’il existe un patrimoine immobilier, qu’il soit complexe ou non, il est préférable de réunir avocats et époux, afin de trouver une solution quant au sort des biens.


Il faudra alors décider si les époux vendent tel bien, si l’un des deux rachète les parts de l’autre ou s’ils restent en d’indivision sur ce bien.


Un notaire rédigera ensuite l’acte adéquat et les époux pourront signer rapidement leur convention de divorce par consentement mutuel.


L’avantage est que chacun récupère ses billes dans un temps relativement court, et peut donc commencer une nouvelle vie sans être tributaire des aléas et de la longueur judiciaires.


L’hypothèse qui fait sens.

Malheureusement, les négociations parfois échouent (ou sont tout simplement impossibles pour cause d’animosité trop vive empêchant toute communication entre futur ex-époux).


La seule solution devient la saisine du Juge aux affaires familiales.


Dans ce cas, la procédure de divorce est ainsi faite que la première audience fixera des mesures provisoires entre époux, dans le cadre d’une ordonnance de non conciliation.


Seront alors décidés :

  • L’attribution de la jouissance du domicile conjugal le temps de la procédure de divorce (qui dit jouissance ne dit pas propriété : le Juge n’attribue donc pas définitivement le bien à ce stade),
  • Le lieu de résidence des enfants,
  • Le montant de la pension alimentaire au titre du devoir de secours,
  • Le montant à la contribution et l’éducation des enfants,
  • La répartition des crédits entre les époux, etc…


Cette ordonnance permet de fixer un cadre valable pendant toute la procédure de divorce, mais ne tranche nullement les questions relatives à la liquidation du patrimoine (telle que l’attribution du bien, le calcul des récompenses, des indemnités d’occupation, etc).


Toutefois, il est d’ores et déjà possible, dans le cadre de cette première audience, de demander à ce qu’un notaire soit désigné pour dresser un projet liquidatif du patrimoine des époux.


Cela peut être très utile en cas de patrimoine complexe ou lorsqu’il apparaît clairement que l’un des époux refusera de se présenter spontanément chez un notaire pour entamer des discussions.


De la sorte, l’ordonnance de non conciliation désigne un notaire expert.


Les époux se rendront chez ce notaire, lequel fera le bilan de l’actif et du passif des époux, écoutera les prétentions de chacun et, selon ces prétentions et les possibilités légales, rédigera un rapport.


Ainsi, lorsque les époux passeront à la seconde phase du divorce et saisiront le Juge via une assignation en divorce, ils pourront demander au Juge de statuer sur ledit rapport.


Soit (retour de l’hypothèse optimiste) pour demander au Juge du divorce d’homologuer le rapport du Notaire pour que leur liquidation se fasse selon ses préconisations.


Soit pour émettre des critiques sur ce rapport, et demander au Juge de trancher des points bien précis de liquidation.


Ainsi, le jugement qui divorcera les époux, se prononcera aussi sur la liquidation de leur divorce.


Cette solution « groupée » semble fort logique.


L’hypothèse « patience et longueur de temps… ».

Le législateur a toutefois permis au Juge du divorce de ne pas se prononcer sur la liquidation : lorsqu’aucun rapport notarié ne lui est soumis au stade de l’assignation en divorce (soit lors de la seconde phase de la procédure), ou lorsque les époux sont dans l’incapacité de produire un document démontrant qu’ils ont tenté une médiation sur la liquidation.


Ainsi, cela signifie que si les époux n’ont pas demandé au Juge lors de la première audience de désigner un notaire et s’ils n’ont pas réussi à entamer une seule discussion sur ce sujet : le Juge du divorce refusera de trancher les questions relatives la liquidation.


La situation sera donc la suivante : les époux se retrouveront avec un jugement de divorce après environ quatre années de procédure, mais ils auront toujours un patrimoine en commun (patrimoine qui est, le plus souvent, « gelé » puisque dans ces conditions personne ne peut en disposer librement).


Les parties devront alors demander au Juge du divorce de désigner, dans le cadre du jugement de divorce, un Notaire pour qu’il soit établi un rapport sur la liquidation de leur patrimoine (dans les mêmes conditions que celui désigné au stade de l’ordonnance de non conciliation).


Or, si ce rapport ne leur convient pas (ou ne convient pas à un seul des deux ex époux), il leur faudra à nouveau saisir le Juge pour que les questions liquidatives soient tranchées sur la base du rapport contesté.


C’est ainsi que l’on entend parfois parler de ces sanglantes procédures de divorce qui ont duré une dizaine d’années…