Droit des biens (fr)

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Le droit des biens est l'ensemble des règles juridiques qui régissent les rapports entre les personnes et les biens. On y trouve essentiellement les droits réels, qui sont les droits de propriété et ses démembrements (usufruit, emphytéose). Il y a également certains droits personnels lorsque ces droits sont relatifs à la jouissance d'un bien, comme par exemple le droit de gage.

On ne peut pas considérer toutes les choses comme étant des biens. Le juriste a donc retenu deux critères fondamentaux pour faire entrer une chose dans la catégorie des biens à savoir, son utilité et son appropriation. On a donc une vue matérialiste des biens, renvoyant indéniablement à l'idée de richesse et de maîtrise de la chose considérée.

De toutes les distinctions juridiques, la plus importante est celle entre les personnes et les biens. Le Code civil s’est construit autour de cette distinction puisqu’il comporte 3 livres : des personnes, des biens et différentes modifications de la propriété, des différentes manières dont les personnes acquiert la propriété des biens (+ livre IV des sûretés postérieur).

Contenu de la distinction : les personnes sont des sujets de droit (titulaires de droits et obligations), alors que les biens font l’objet de droits, i.e. ils sont susceptibles d’appropriation par les sujets de droit. Les personnes sont titulaires d’un patrimoine à l’intérieur duquel se trouvent les biens qu’ils se sont appropriés.


Section 1 – la théorie du patrimoine

Cette théorie est l’œuvre de deux auteurs du 19ème siècle : Charles Aubry et Charles Rau. Ils définissaient le patrimoine comme l’ensemble des droits et des obligations appartenant à une personne et ayant une valeur pécuniaire.


A. Un ensemble composé d’un passif et d’un actif

Le patrimoine étant un ensemble, un tout, on dit qu’il est une universalité juridique. A l’intérieur, on y trouve un actif et un passif.

L'actif est composé de tous les biens évaluables en argent que la personne détient. Parmi ces biens qu’on appelle aussi « droits patrimoniaux », on distingue 3 catégories : les droits personnels, les droits réels, et les droits intellectuels.

Le passif est constitué de l’ensemble des dettes de l’intéressé ou plus exactement par l’ensemble de ses obligations évaluables en argent. Selon l'article 2284 du Code civil : « quiconque s’est personnellement obligé est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers présents et à venir » et l'CCfr2285:article 2285 Cc dispose quant à lui que : « les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers ».

On déduit de ces articles deux choses :

  • Chaque créancier d’une personne a un droit de gage général sur le patrimoine de son débiteur. S’il n’obtient pas le paiement, il peut saisir n’importe lequel des biens figurant à l’actif de son patrimoine et se payer sur le prix de la vente de celui-ci.
  • Le créancier peut saisir non seulement les biens qui existaient dans le patrimoine de son débiteur à la date à laquelle la dette est née mais aussi ceux qui sont entrés dans son patrimoine par la suite (principe de la subrogation réelle : si un bien sort du patrimoine et que sa valeur est utilisée pour acquérir un autre bien, ce nouveau bien peut faire l’objet du paiement du créancier).

B. Un ensemble lié à la personne

1) Toute personne a un patrimoine.

Du jour de sa naissance jusqu’à sa mort, toute personne est titulaires d’un patrimoine puisque le patrimoine est un contenant qui peut être vide ou plein. Lorsqu’il est vide, il se réduit alors à la simple aptitude à acquérir des droits et des obligations. Lorsqu’il est plein, il peut être composé de plus ou moins d’actif ou de passif, son solde peut même être négatif.


2) Toute personne n’a qu’un seul patrimoine.

Cette règle a deux conséquences : une personne ne peut pas céder à une autre son patrimoine (il est incessible) ; une personne ne peut pas décider de fragmenter son patrimoine en plusieurs (il est indivisible).

  • il est incessible : en tant que contenant, le patrimoine est incessible entre vifs et intransmissible pour cause de mort. Seuls les éléments qui le composent peuvent être cédés ou transmis. En cas de cession (vente, donation, apport, échange) entre vifs, celui qui acquiert un bien issu du patrimoine est appelé « l’ayant cause à titre particulier » du cédant. En cas de transmission pour cause de mort, il est appelé « l’ayant cause à titre universel » du de cujus (le défunt = de cujus). En pratique, plusieurs mois sont nécessaires pour liquider la succession, le patrimoine du de cujus est censé disparaître dès l’instant du décès et, dès cette date les biens qui le composent entrent dans le patrimoine des héritiers (fiction juridique). Ainsi, la convention de partage a un effet déclaratif puisque les biens sont déjà la possession des ayants droit.
  • il est indivisible : en principe, une personne ne peut décider de fragmenter son patrimoine en plusieurs. S’inspirant de la pratique allemande, certains auteurs du début du 20ème siècle tels que le Pr. Saleilles et le Pr. Josserand ont suggéré que les personnes puissent se créer un patrimoine d’affectation correspondant à son activité professionnelle. Le rapport Attali reprend cette idée. La théorie des patrimoines d’affectation n’a cependant pas encore été accueillie en droit positif. Il en résulte qu’un commerçant n’a pas un patrimoine civil qui serait réservé à ses créanciers privés et un patrimoine commercial qui serait réservé à ses créanciers professionnels.

Par application de l’article 2284 du Code civil, c’est donc tous ses biens présents et à venir qui peuvent être saisis par ses créanciers professionnels si son activité professionnelle périclite. Par exception, depuis la loi Dutreil du 1er août 2003, le professionnel peut rendre insaisissable sa résidence principale en faisant une déclaration devant un notaire. Le caractère insaisissable ne sera opposable qu’aux créanciers professionnels dont la créance est née après cette déclaration. Dans l’hypothèse où le chef d’entreprise a créé une SCI à laquelle il a apporté sa résidence principale, il ne peut en revanche pas déclarer les parts de la SCI insaisissable[1]

Pour mettre l’ensemble de son patrimoine à l’abri, il suffit au professionnel de créer une société à laquelle il affectera, contre la remise de parts sociales, certains de ses biens (apports en nature ou en numéraire). La société est une personne morale dotée d’un patrimoine distinct de celui de l’entrepreneur. Dans les formes sociales les plus utilisées (la société à responsabilité limitée et la société anonyme), ce patrimoine va en principe constituer une barrière efficace entre les créanciers de la société et les associés.

Il existe quatre exceptions à ce principe :

  • en matière successorale, les articles 787 et suiv. du Code civil permettent à un héritier d’accepter la succession seulement à concurrence de l’actif net. Il se trouve alors temporairement à la tête de deux patrimoines qui ne se confondent pas : le patrimoine du défunt et son patrimoine propre. Une acceptation à concurrence de l’actif net (ou « sous bénéfice d’inventaire ») est une précaution utile si l’héritier a des raisons de penser que le défunt laisse plus de passif que d’actif. Cela empêche les créanciers du défunt de venir saisir les biens dans le patrimoine personnel de l’héritier.
  • en droit des sociétés, une loi du 11 juillet 1985[2] a créé l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL)) qui permet à un entrepreneur de créer une société seul. Grâce à l’écran constitué par la personne morale, ses créanciers personnels ne peuvent pas saisir les biens de l’entreprise et vice-versa. La situation est ambiguë puisque la personne se trouve en pratique à la tête de deux patrimoines même si le principe juridique de l’indivisibilité est respecté.
  • en droit des contrats, une loi du 19 février 2007[3] a institué la fiducie[4], c'est à dire une convention par laquelle une personne qu’on appelle le constituant transfère une partie de ses biens présents ou futurs à une autre personne, le fiduciaire, à charge pour lui d’agir dans un but déterminé au profit d’un ou de plusieurs bénéficiaires. L’article 2016 du Code civil précise que le bénéficiaire peut éventuellement être soit le constituant soit le fiduciaire, de sorte qu’il ne s’agit pas nécessairement d’une opération intéressant trois personnes différentes. La transmission des biens concernés par la fiducie est opérée pour une durée déterminée[5]. Pendant toute sa durée, les biens ainsi transmis ne se mélangent pas aux autres biens du patrimoine du fiduciaire. Le fiduciaire se trouve donc à la tête de deux patrimoines. Il existe une cloison étanche entre les deux patrimoines de sorte que les créanciers dont la créance est née à l’occasion de la gestion du patrimoine fiduciaire ne peuvent saisir que les biens qui se trouvent dans le patrimoine fiduciaire. A l’inverse, les autres créanciers du fiduciaire ne peuvent pas saisir les biens du patrimoine fiduciaire. Dans l’hypothèse où une même personne a conclu plusieurs contrats de fiducie avec des constituants différents, il se trouve à la tête d’autant de patrimoines fiduciaires qu’il y a de contrats de fiducie.

3) Tout patrimoine appartient à une personne

Il n’y a pas de patrimoine sans titulaire, le titulaire pouvant être soit une personne physique soit une personne morale.


C. Un ensemble dont sont exclus les éléments purement personnels

Les droits extrapatrimoniaux n’entrent pas dans la constitution du patrimoine.

Il s'agit de droits qui ne sont pas évaluables en argent, qui sont incessibles entre vifs, intransmissibles pour cause de mort et insaisissables par les créanciers comme les droits politiques (droit de vote, droit d’éligibilité, etc.), droits familiaux et droits de la personnalité (honneur, respect de la vie privée, etc.).

La violation de certains droits de la personnalité (atteinte à l’honneur, atteinte à l’image, atteinte à la vie privée, etc.) peuvent donner lieu à l’allocation de dommages et intérêts qui, eux, vont s’intégrer dans le patrimoine.

Lorsqu’une personne décède, ses héritiers vont pouvoir exercer en justice tous les droits et actions que le défunt aurait pu exercer de son vivant. Cela s’explique par le fait que le patrimoine du défunt dans lequel figure à l’état latent ces éventuelles actions en justice a été transmis à l’héritier. Le droit au respect de la vie privée faisant partie des droits extrapatrimoniaux, la Cour de cassation estime que les héritiers ne peuvent pas agir en justice en cas d’atteinte portée à la vie privée du défunt.

C’est ainsi que l’action en réparation de Danielle Mitterrand contre l’ancien médecin de son mari (qui avait révélé sa maladie, atteinte à la vie privée) tendant à obtenir dommages & intérêts au civil a été déclarée irrecevable[6] alors que le médecin a été condamné au pénal pour rupture du secret professionnel.

Section 2 - les biens composant le patrimoine

Le mot « bien » a deux sens :

  • Un sens matériel : les choses qu’on peut toucher et qui sont susceptibles d’appropriation (elles sont dans le commerce juridique)
  • Un sens juridique : les biens regroupent l’ensemble des droits patrimoniaux, i.e. les droits qui ont une valeur pécuniaire, qu’ils s’agissent des droits réels, personnels ou intellectuels.

A. La classification des biens au sens matériel

1) Distinction entre les biens meubles et les biens immeubles

Pendant longtemps, les biens meubles étaient considérés comme ayant peu de valeur (d’où l’adage res mobilis, res vilis).

Aujourd’hui, il est fréquent que la part la plus importante du patrimoine d’une personne soit constituée de biens meubles tels que des valeurs mobilières, un fonds de commerce ou encore un office ministériel (notaire, avoué, etc.). Selon l’article 516 du Code civil, tous les biens sont meubles ou immeubles. Tel est le cas notamment des animaux qui sont, selon les cas, soit des meubles soit des immeubles par destination (les animaux d’une ferme). Certains auteurs souhaitent une modification de l’article 516 Cc afin que soit créée une 3ème catégorie de biens : celle des organismes vivants[7]

Une telle solution a été adoptée en droit suisse depuis le 1er avril 2003[8]. Désormais l’article 641a du Code civil suisse dispose que les animaux ne sont pas choses. De plus, les animaux domestiques à certaines règles particulières :

- ils ne peuvent pas être saisis.

- lorsqu’un animal est blessé, le juge suisse pourra tenir compte dans l’évaluation des dommages et intérêts de la valeur affective que l’animal avait pour son détenteur..

- en cas de séparation d’un couple possédant un animal, le juge suisse attribuera l’animal à la personne qui représente la meilleure solution pour l’animal.

- lorsqu’un testament comprend une disposition pour cause de mort en faveur d’un animal, cette disposition sera réputée être une charge imposant à la personne qui gérera effectivement les biens de prendre soin de l’animal.

2) Les intérêts de cette distinction

La distinction est importante dans la mesure où le régime juridique applicable n’est pas le même pour les meubles et pour les immeubles. Il existe 6 différences :

- en cas de litige portant sur un immeuble, le tribunal territorialement compétent est celui du lieu de situation de l’immeuble et non pas celui du domicile du défendeur comme en matière mobilière.

- la cession des immeubles est soumise à une publicité faite au bureau de la conservation des hypothèques (BCH). Le BCH n’acceptant d’enregistrer que les actes authentiques, cette cession doit être constatée par un notaire dans un acte authentique.

L’enregistrement des actes authentiques se fait désormais par voie électronique grâce au système informatisé Télé@ctes développé par le notariat. La vente d’un immeuble reste cependant un contrat consensuel (et non solennel en dépit des actes faits, c’est juste pour la publicité). Entre les parties, la vente est en effet considérée comme réalisée dès lors qu’il y a rencontre entre l’offre et l’acceptation. L’article 1589 du Code civil s’applique à la vente immobilière (« la promesse de vente vaut vente »).

Dans l’hypothèse où, après la signature d’un compromis de vente, l’une des parties refuse de réitérer son consentement devant le notaire, l’autre peut saisir le Tribunal de grande instance afin qu’il constate l’existence de la vente. C’est alors le jugement du TGI qui sera publié au BCH, publicité qui aura pour effet de rendre la vente opposable aux tiers. La cession des meubles n’est en principe soumise à aucune formalité. Par exception, une publicité est nécessaire pour certains meubles utilisés dans le transport (aéronefs, navires, VTR), il s’agit là d’une mesure de police administrative permettant de savoir qui est propriétaire en cas d’infraction.

- Article 1674 du Code civil : la vente d’un immeuble peut faire l’objet d’une action en rescision pour cause de lésion lorsque le prix obtenu est inférieur de plus de 7/12 de la valeur du bien. Ainsi si la valeur d’un appartement est de 120 000 euros, il y aura lésion permettant une remise en cause de la vente si le prix obtenu est inférieur à 50 000 euros. En cas de lésion, l’article 1681 du Code civil dispose que l’acquéreur a le choix : restituer la chose en récupérant le prix (action rédhibitoire) ou conserver la chose en versant un supplément (action estimatoire) afin que le prix effectif de la vente soit égal à 9/10 de la valeur réelle. La vente d’un meuble ne peut être remise en cause pour lésion sauf cas exceptionnel où le vendeur est un incapable (cf. art. 1304, 510-3, 491-2 code civil).

NB : parfois, le propriétaire d’un immeuble crée, pour des raisons fiscales, une société civile immobilière (SCI) à laquelle il apporte son immeuble. Les règles de la lésion ne s’appliquent pas en cas de vente des parts de la SCI à un prix inférieur de plus de 7/12 à leur valeur réelle. Ce sont des valeurs mobilières donc des biens meubles.

NB2 : la rescision pour lésion ne s’applique pas pour la vente d’un immeuble en viager. Ainsi, si l’usufruitier meurt peu de temps après la vente viagère, ses héritiers ne pourront pas s’opposer à la transmission de l’usus et du fructus au nu-propriétaire (arrêt Req. 6 mai 1946). Ce n’est que si le décès survient dans les 20 jours qui suivent la vente que les héritiers pourront invoquer l’article 1975 du Code civil qui prévoit que dans ce cas, la vente en viager ne produit pas ses effets. Cependant, la Cour de cassation a admis[9] une action en nullité de la vente en viager dans l’hypothèse où l’acquéreur, lui-même médecin et proche du vendeur savait que ce dernier était condamné à court terme (certaines professions ne peuvent jouir de certains droits, ex : le médecin ne peut hériter d’un patient). Dans cette affaire, la vente a été annulée non pas sur le fondement de la lésion mais en raison de l’absence d’aléa. En effet, la vente en viager fait partie des contrats aléatoires si bien que si l’aléa n’existe pas au moment de sa conclusion, le contrat peut être annulé.

- les effets de la possession ne sont pas les mêmes en matière mobilière et en matière immobilière. En matière mobilière, le possesseur de bonne foi acquiert immédiatement la propriété de la chose (article 2279 du Code civil). En matière immobilière, il ne l’acquiert qu’au bout d’un certain temps (10-30 ans, prescription acquisitive, usucapion, cf. plus loin).

- la saisie d’un immeuble est soumise à des règles bien plus complexes que pour un meuble.

- lorsqu’un immeuble change de propriétaire, l’État perçoit via le notaire des droits de mutation. De tels droits ne s’appliquent en principe pas en cas de vente d’un bien meuble (exception pour les fonds de commerce, etc.). Pour payer moins de droits de mutation, il est d’usage lors de la vente d’un immeuble de faire apparaître de manière séparée la vente de certains bien meubles se rattachant à cet immeuble. Le Fisc l’autorise uniquement si les biens qualifiés de meubles par les parties ont réellement le statut juridique de « meubles » (ex : une cuisine intégrée).

3) Les critères de la distinction

a. Les immeubles

L’article 517 du Code civil affirme qu’il existe 3 catégories d’immeubles : les immeubles par nature, par destination et par l’objet auquel ils s’appliquent. Les critères de distinction sont définis à l’article 578 et suivants du Code civil et ils sont d’ordre public, c’est pourquoi la Cour de cassation a affirmé que la qualification retenue par les parties dans leurs contrats est sans incidence sur la qualification juridique des biens objets du contrat[10].

  • les immeubles par nature : il s’agit du sol et de tout ce qui y est fixé, i.e. les végétaux (arbres, fruits des arbres, récoltes) et les constructions d’origine humaine (barrage, pylône électrique, etc.). Le critère est donc l’attache au sol. Dans un arrêt du 10 juin 1974, la Cour de cassation a affirmé qu’un bien est un immeuble par nature dès lors que le dispositif de liaison, d’ancrage ou de fondation, révèle qui ne repose pas simplement sur le sol en y étant maintenu par son seul poids même s’il s’agit d’une construction légère temporaire[11]. Ex : des serres dont la charpente métallique était fixée au moyen d’écrous sur un socle en béton constituaient des immeubles par nature (Com. 9 juin 2004). En revanche, un mobil home, une baraque de chantier, une piscine hors-sol restent des biens meubles. Lorsque l’attache au sol se trouve rompue, le bien change de qualification et devient meuble (solution affirmée à propos des fresques d’une église qui avaient été détachées de leur support[12]).
  • les immeubles par destination : il s’agit de biens, a priori meubles, que l’on va, par une fiction de l’esprit, rattacher à la catégorie des immeubles. Selon les articles 524 et 525 du Code civil : il existe 2 catégories d’immeubles par destination. La première (524) concerne les biens que le propriétaire affecte exclusivement au service et à l’exploitation d’un immeuble par nature. La jurisprudence exige que le bien en question soit véritablement indispensable au service et à l’exploitation de l’immeuble par nature. Ex : les clés d’un immeuble, le mobilier d’un hôtel, les tracteurs et les animaux d’un domaine agricole, les tonneaux et les pressoirs d’un domaine viticole, un ascenseur, une chaudière, les machines-outils d’une usine, etc.

La seconde catégorie comprend des biens a priori meubles que le propriétaire a attachés à un immeuble par nature à perpétuelle demeure, i.e. selon l’art. 525 du Code civil, il y a « attache à perpétuelle demeure » dans deux cas : quand le bien est scellé au plâtre, à la chaux ou au ciment à l’immeuble ; quand le bien, même sans être scellé, ne peut être détaché de l’immeuble sous détérioration soit pour lui-même soit pour le support sur lequel il est fixé. Le même article règle le cas particulier de 2 types de biens : les glaces et les tableaux qui sont « attachés à perpétuelle demeure » lorsque le parquet sur lequel elles sont attachés fait corps à la boiserie ; les statues qui sont « attachées à perpétuelle demeure » dès lors qu’elles sont placées dans une niche destinée à les recevoir même sans y être scellées.

En pratique, les litiges quant à la qualification du bien en meuble ou en immeuble surviennent essentiellement en cas de vente d’un immeuble par nature. L’acheteur est censé avoir acquis non seulement l’immeuble par nature mais aussi tous les immeubles par destination qui y sont attachés. Le litige surviendra lorsque le vendeur entend conserver certains biens qu’il considère comme des meubles.

Arrêt CA Poitiers 23 avril 1968 (JCP69 II n°15857) : des plaques de cheminée scellées aux murs ainsi que de lourds vases en fonte posés sur la fontaine du parc d’un château constituent des immeubles par destination. : : 1ère civ. 9 février 1982 (Gazette Pal 1982, Panorama p351) : les éléments d’une cuisine intégrée dont l’enlèvement ne nécessite que de simples travaux de replâtrage ne sont pas des immeubles par destination.

NB : pour qu’un bien meuble puisse être qualifié d’immeuble par destination, il est nécessaire que la même personne soit propriétaire à la fois de ce meuble et de l’immeuble au service duquel il est affecté ou attaché à perpétuelle demeure. Ex : si le propriétaire d’une usine loue en crédit-bail des machines-outils, celles-ci bien qu’affectées à l’usine ne sont pas des immeubles par destination.

NB2 : un immeuble par destination peut redevenir un meuble si les deux conditions suivantes sont remplies : la même personne qui est propriétaire des deux doit avoir l’intention de transformer l’immeuble par destination en simple meuble ; cette intention doit être corroborée soit par la séparation effective entre l’immeuble par nature et l’immeuble par destination soit par la vente de l’un et de l’autre à deux personnes différentes. Ex : la Cour de cassation considère qu’une installation frigorifique rattachée à un fonds de commerce redevient meuble si le propriétaire vend le fonds à un acquéreur, l’installation frigorifique à un autre[13].

- les immeubles par l’objet auquel ils s’appliquent : ce sont les plus difficiles à cerner car ils font partie des biens compris non pas dans un sens matériel mais dans un sens juridique puisqu’il s’agit de droits patrimoniaux. Selon l'article 526 du [[Code civil (fr)|], sont des immeubles par l’objet auquel ils s’appliquent : l’usufruit lorsqu’il porte sur un immeuble, les servitudes (de puisage, de passage, etc.) et les actions en revendication portant sur des immeubles (ex : l’action exercée par le véritable propriétaire contre le possesseur pour obtenir restitution de la chose).

b. les meubles

Il résulte de l'article 527 du Code civil qu’il existe 2 catégories de meubles : les meubles par nature et les meubles par détermination de la loi. À ces catégories, il convient d’en ajouter une troisième dégagée par la jurisprudence : celle des meubles par anticipation.

- les meubles par nature : ils sont définis par l'article 528 du Code civil, ce sont les choses susceptibles de se déplacer seules (animaux, robots) ou de se déplacer par l’effet d’une force étrangère (choses inanimées). Tous les meubles par nature destinés à l’usage et à la décoration des maisons sont qualifiés par le code civil de « meubles meublant » (article 534 du Code civil) : lits, tables, armoires, horloges… Cette qualification est importante notamment en matière successorale. En effet, pour le calcul des droits de succession, l’administration fiscale admet une évaluation au forfait applicable à l’ensemble des meubles meublant : la valeur des meubles meublant est égale à 5% de la valeur de l’immeuble par nature où ils se trouvent.

- les meubles par anticipation : la jurisprudence a dégagé cette catégorie de meubles en raisonnant par analogie à partir des articles 524 et 525 du Code civil qui définissent les immeubles par destination. Les meubles par anticipation sont des biens, a priori meubles par nature, que l’on va, par une fiction de l’esprit, rattacher à la catégorie des meubles car leur propriétaire s’est engagé dans un contrat à les détacher du sol à brève échéance. Le but poursuivi est de faciliter les formalités de cession en soumettant la vente au régime des ventes mobilières plutôt qu’à celui, plus contraignant, des ventes immobilières. Ex : les récoltes vendues sur pied (2ème civ. 2 juin 1993), les arbres vendus à abattre (Com. 24/11/1981), les pierres d’un carrière vendues au mètre cube avant leur extraction, les matériaux d’une maison destinée à être démolie, voire d’un château destiné à être démonté pierre par pierre pour être remonté ailleurs (vente mobilière).

- les meubles par détermination de la loi : définis à l'article 529 du Code civil, ce sont les plus difficiles à cerner puisqu’il s’agit de biens compris non pas au sens matériel mais juridique dans la mesure où il s’agit de biens patrimoniaux portant sur des meubles. Sont ainsi des meubles par détermination de la loi : les droits réels lorsqu’ils portent sur des meubles (usufruit, gage, droit d’usage, etc.), les droits personnels (droits de créance) et l’ensemble des actions en justice portant sur des meubles. NB : pour la doctrine, le droit de propriété se confond avec l’objet auquel il est rattaché et n’est donc pas un meuble par détermination de la loi.

4) Les autres distinctions

  • les choses appropriées et les choses non appropriées

Les choses appropriées sont celles sur lesquelles une personne exerce un droit de propriété. Ce sont évidemment les choses les plus nombreuses, le propriétaire pouvant être soit une personne physique ou morale (de droit privé ou public).

Les choses non appropriées sont les plus rares, 2 sortes :

- les choses communes : selon l’article 714 du Code civil, ce sont les choses qui n’appartiennent à personne et donc l’usage est commun à tous les hommes : l’air, l’eau des rivières, l’eau de mer, etc. Elle ne sont pas susceptibles d’appropriation et ne constituent donc pas des biens matériels puisque les biens regroupent uniquement les choses appropriées ou susceptibles de l’être.

- les choses sans maître (res nullius) : ce sont les choses qui ont peut-être été appropriées un jour ou qui le seront peut-être plus tard mais qui, à un moment donné, n’appartiennent à personne : le gibier, le poisson (non élevé en élevage), les coquillages (pas d’élevage), etc. Elles comprennent aussi les choses abandonnées (res derelictae)[14].

  • les choses consomptibles et non consomptibles

Les choses consomptibles sont celles qui se consomment dès que l’on s’en sert, y compris si cet usage est conforme à la destination de la chose. Ex : les denrées alimentaires, les combustibles (essence, gaz), les cigarettes, etc. Les choses non consomptibles sont celles susceptibles d’un usage prolongé même si cet usage diminue peu à peu la valeur de la chose : une voiture, une maison, etc.

La distinction présente de nombreux intérêts : en cas d’usufruit portant sur une chose non consomptible, l’usufruitier a seulement l’obligation, à la fin de l’usufruit, de restituer la chose dans l’état où elle se trouve compte tenu de l’usage normal qu’il a pu en faire. En revanche, quand l’usufruit porte sur une chose consomptible, il doit restituer des biens de même nature et de même valeur que ceux reçus en usufruit à la fin de l’usufruit, on parle alors de « quasi-usufruit ».

  • les choses fongibles et non fongibles

Les choses fongibles sont celles qui peuvent être remplacées indifféremment par d’autres choses semblables car elles ne sont pas envisagées dans leur individualité. Pour les désigner, on parle aussi de choses de genre . Ex : un billet de banque, tous les biens de consommation produits en série lorsqu’ils sont neufs, etc. Les choses non fongibles sont celles qui sont envisagées dans leur individualité et ont leurs propres caractéristiques, synonymes de corps certains. Ex : telle maison, tel tableau de maître, telle voiture d’occasion, etc.

La distinction présente de nombreux intérêts : par exemple, lorsqu’une chose non fongible est vendue, le transfert de la propriété a lieu dès l’échange des consentements indépendamment de la remise effective de la chose (solo consensu). En revanche, lorsque la vente porte sur une chose fongible, le transfert de la propriété s’opère seulement à partir du moment où la chose a été individualisée (marquage de bétail, désignation de tel silo à grains, marquage vendu M. X sur un ordinateur emballé, etc.). Cette individualisation a pour effet de transformer la chose fongible en une chose non fongible.

B. La classification des biens au sens juridique

Les biens regroupent l’ensemble des droits patrimoniaux c'est à dire les droits qui ont une valeur pécuniaire, qui sont cessibles, transmissibles, saisissables. La doctrine majoritaire estime qu’il existe 2 catégories de droits patrimoniaux : les droits personnels et les droits réels. Néanmoins, certains auteurs tels que le professeur Terré ajoutent une 3ème catégorie, celle des droits intellectuels.

1) Les droits réels

Le droit réel est un droit qui est directement exercé par une personne sur une chose sans l’entremise d’une autre personne. Deux catégories : principaux et accessoires.

a. Les droits réels principaux

Les droits réels principaux permettent à leur titulaire d’agir sur la chose.

Le plus important est le droit de propriété. C’est le droit le plus complet qu’une personne peut avoir sur une chose. Il comprend : le droit d’user ou non de la chose (usus(fr)), le droit d’en tirer des fruits (fructus) et le droit d’en disposer (abusus). Le droit de propriété peut faire l’objet de démembrement qui confère à leur titulaire une partie seulement des prérogatives du droit de propriété. Les droits réels qui correspondent au démembrement du droit de propriété constituent également des droits réels principaux. Tel est le cas :

- de l’usufruit (usus et fructus), le nu-propriétaire ayant l’abusus ;

- du droit d’usage et d’habitation qui donne à son titulaire le seul droit d’utiliser la chose. Par exemple, l'article 764 du Code civil reconnaît au conjoint survivant un droit d’usage et d’habitation viager sur le logement familial, droit qu’il peut opposer aux personnes qui hériteront de ce logement ;

- des servitudes qui permettent au propriétaire d’un fonds (terrain, propriété, immeuble par nature) d’user de certaines prérogatives sur un fonds voisin (puisage, passage, etc.)

Un autre droit réel principal est l'emphytéose qui est un droit de bail d’une durée comprise entre 18 et 99 ans. Du fait de cette durée, l’emphytéose est considérée comme un droit réel alors que les baux ordinaires (durée libre si meublé, 3 ans si vide, 9 ans pour les baux commerciaux) sont considérés comme créant un droit personnel entre le locataire et le bailleur.

Dans un arrêt du 14 novembre 2002[15], la Cour de cassation a précisé que ne pouvait pas être qualifié de bail emphytéotique (indépendamment de la qualification retenue par les parties), le bail contenant une clause de résiliation de plein droit en cas de non paiement du loyer. La Cour de cassation estime que ce type de clauses crée une précarité incompatible avec la constitution d’un droit réel. Les incidences sont financièrement lourdes pour le bailleur puisque les grosses réparations sont à la charge du propriétaire dans un bail de droit commun alors qu’elles sont à la charge du preneur dans un bail emphytéotique.

b. Les droits réels accessoires

Ces droits réels sont qualifiés d’accessoires car ils n’ont pas d’existence propre mais ne se conçoivent que comme accessoire d’une dette qu’ils viennent garantir. Or, les principaux droits réels accessoires sont des sûretés réelles qui sont de 3 types : hypothèque lorsque le bien qui garantit la dette est un immeuble, gage quand le bien qui vient garantir la dette est un meuble, nantissement lorsque le bien qui vient garantir la dette est un fonds de commerce.

Le créancier qui détient un droit réel accessoire sur l’un des biens de son débiteur ne peut pas utiliser le bien en question (pas de dépossession) mais se trouve dans une situation confortable en cas de non paiement. Il dispose en effet d’un droit de suite et d’un droit de préférence.

Le droit de suite permet au créancier impayé de saisir la chose sur laquelle porte son droit quelle que soit la personne qui la détient (même si elle a été revendue à un tiers). L’acheteur d’un véhicule terrestre à moteur (VTM) qui a acquis son véhicule, un véhicule gagé, d’un 1er acquéreur risque de voir la banque saisir le véhicule si le vendeur cesse de rembourser son prêt. C’est pourquoi avant tout achat d’un véhicule d’occasion, il est indispensable de se procurer en préfecture un certificat de non gage. L’existence d’un droit de suite peut paralyser la vente d’un immeuble lorsque celui-ci est grevé d’une hypothèque. La plupart des crédits immobiliers étant souscrits pour une durée de 15 à 25 ans, la situation est fréquente.

Afin de ne pas décourager l’acquéreur, les articles 2275 et suivants du Code civil ont mis en place une procédure dite de « purge » des hypothèques. Cette procédure sera diligentée par le notaire chargé de la vente. Elle consiste à offrir au créancier dont l’hypothèque est inscrite au BCH le droit d’être payé directement sur le prix de vente avant que ce prix ne soit remis par le notaire au vendeur. En cas d’acceptation, le droit de suite disparaît puisque le créancier se voit désintéressé et l’hypothèque s’éteint alors. En cas de refus, l’immeuble sera vendu aux enchères publiques sachant que le créancier hypothécaire s’engage à faire une offre égale au prix offert par l’acheteur initial + 10%. Si les enchères ne montent pas, le créancier devient propriétaire de l’immeuble. En pratique, le créancier hypothécaire n’aura intérêt à refuser la purge de l’hypothèque que si le prix offert par l’acheteur initial ne correspond manifestement pas à la valeur du bien et ne suffit pas à régler les sommes qui lui sont encore dues par le vendeur.

Le droit de préférence permet, lui, au créancier de se faire payer en premier sur le prix de vente de la chose par rapport aux autres créanciers chirographaires. Ceux-ci seront payés « au marc le franc » si le prix de vente laisse apparaître un solde après que le créancier privilégié ait été payé.

Droit de suite et droit de préférence existent non seulement pour les droits réels accessoires mais aussi pour les droits réels principaux tels que le droit de propriété. Dans quels cas est-ce que le propriétaire d’un bien va invoquer son droit de suite ou son droit de préférence ? Le droit de suite peut être invoqué par le propriétaire d’une chose lorsque celle-ci se retrouve entre les mains d’un tiers suite à une vente « a non domino » (faite par une personne qui n’est pas la propriétaire de la chose). C’est ce droit de suite qui justifie l’action en revendication à laquelle pourra être fait obstacle par le mécanisme de l’usucapion (prescription acquisitive).

Le droit de préférence est souvent utilisé à travers la pratique de la clause de réserve de propriété. Dans la plupart des ventes à tempérament figure une clause de réserve de propriété aux termes de laquelle la propriété n’est pas transférée immédiatement mais seulement une fois l’intégralité du prix payé. Grâce au droit de préférence, le vendeur sera prioritaire par rapport aux créanciers de l’acquéreur et pourra obtenir la restitution de la chose dont il a conservé la propriété si le prix n’est pas payé.

2) Les droits personnels

Le droit personnel est le droit qu’a une personne, le créancier, d’exiger d’une autre personne, le débiteur, l’exécution d’une prestation. On parle également de « droits de créance ». Le créancier est le sujet actif du droit, le débiteur est le sujet passif du droit et la prestation est l’objet du droit.

Selon l’article 1101 du Code civil, la prestation peut consister en une obligation de donner, de faire ou de ne pas faire. On parle d’obligation de donner lorsque le débiteur s’engage à transférer au créancier un droit réel sur une chose lui appartenant. On parle d’obligation de faire lorsque le débiteur s’engage à un fait positif, à une action ; et d’obligation de ne pas faire lorsque le débiteur s’engage à une abstention (ex : obligation de non concurrence dans le contrat de travail, secret professionnel, etc.). En pratique, les obligations les plus courantes sont celles de donner et de faire.

3) Les droits intellectuels

Les droits intellectuels sont des droits mixtes qui se situent entre les droits patrimoniaux et les droits extrapatrimoniaux. Ils existent dans différents domaines :

Dans le domaine littéraire et artistique : peinture, musique, architecture, etc. L’auteur de l’œuvre a le droit de l’exploiter financièrement. Selon l’article L122-1 du Code de la propriété intellectuelle, il est le seul à pouvoir jouir du droit de reproduction et du droit de représentation. Il peut exploiter lui-même ce droit en percevant directement les bénéfices générés ou il peut céder ce droit moyennant la perception soit d’une somme fixe soit d’une somme proportionnelle au bénéfice retiré par la personne qui exploitera l’œuvre (soit un mélange des deux). Le droit de l’auteur est temporaire, il dure toute sa vie puis se trouve transmis à ses héritiers qui peuvent continuer à l’exploiter pendant les 70 ans qui suivent le décès de l’auteur.

La protection accordée aux auteurs d’œuvres littéraires et artistiques a été étendue à des domaines voisins par le Code de la propriété intellectuelle (CPI). Elle bénéficie par exemple aux concepteurs de logiciels, aux producteurs de bases de données, aux réalisateurs de films, spots publicitaires, etc. L’auteur de l’œuvre ou ses héritiers ont alors en principe le droit de l’exploiter pendant les 50 années qui suivent sa création.

Les droits intellectuels sont, par certains aspects, des droits mixtes en ce sens qu’à côté de leur dimension patrimoniale coexiste une dimension extrapatrimoniale. Ceci est particulièrement vrai pour les droits intellectuels liés à une œuvre de l’esprit. En effet, à côté de son droit pécuniaire, l’auteur a un droit moral sur son œuvre lui permettant, par exemple, de s’opposer à ce que celle-ci soit utilisée dans un contexte qui lui déplaît. Selon l’article L121-1 du Code de la propriété intellectuelle, ce droit moralest perpétuel, inaliénable et imprescriptible.

Deux illustrations jurisprudentielles :

Dans un arrêt du 10 juillet 2002[16], la Cour de cassation a estimé que le droit moral de l’auteur lui permettait de s’opposer à ce que ses œuvres soient mises dans une compilation à côté des chansons d’autres chanteurs (JCP2003 II n°10000). Cette solution a été réaffirmée la chambre sociale de la Cour de cassation le 8 février 2006[17].

Dans un arrêt du 28 janvier 2003[18], la Cour de cassation a estimé que ce droit moral permettait à l'auteur de la chanson « on va s’aimer » de s’opposer à la reprise de sa chanson par la chaîne de restaurants Flunch avec les paroles « on va fluncher ». Flunch avait pourtant acheté à la maison de disques de l’auteur le droit d’exploiter l’œuvre.

Le droit moral est également transmissible aux héritiers de l’auteur de l’œuvre décédé. Dans un arrêt du 31 mars 2004 (D2004 p.2028), la Cour d'appel de Paris avait ainsi permis à Pierre Hugo d’invoquer le droit moral de Victor Hugo sur son œuvre « Les Misérables » pour s’opposer à la publication par les éditions Plon d’un roman présenté comme étant la suite des Misérables. La Cour de cassation a toutefois cassé cet arrêt le 30 janvier 2007[19]

NB : Avec le développement de l'internet, d’importantes atteintes aux droits d’auteurs sont apparues à travers la pratique du pair-à-pair (peer-to-peer ou p2p) consistant à télécharger et à diffuser (pair-à-pair) toute sortes de fichiers comme des fichiers musicaux, des films... Cette pratique a toujours été interdite par le droit qui considère que l’auteur de ces échanges se rend coupable du délit de contrefaçon punissable par 3 ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende (article L335-2 du Code de la propriété intellectuelle). Dans les débats parlementaires qui ont précédé l’adoption de la loi du 1er août 2006 relative à ces droits intellectuels dans la société de l'information[20], il fut question de dépénaliser la pratique du peer-to-peer (simple contravention) mais cela n’a pas été suivi. Donc cela reste un délit. Finalement, la loi continue à pénaliser le téléchargement et édicte même des infractions nouvelles comme, par exemple, le fait de faire « sauter » le système de sécurité anti-copie sur un support est désormais un délit punissable par 3750 euros. Si le peer-to-peer est interdit, en revanche, l’exception de copie privée prévue par les articles L122-5 et L213-1 du Code de la propriété intellectuelle permet de reproduire pour son cercle de famille ou des amis un CD ou un DVD régulièrement acheté.

Le problème s’est posé de savoir si en mettant des systèmes anti-copie sur les supports, le distributeur devait indemniser l’acheteur pour atteinte au droit à la copie privée. Plusieurs décisions des juges du fond ont été en ce sens. Cependant, la Cour de cassation a affirmé dans un arrêt du 28 février 2006[21] que l’utilisation d’une mesure de protection technique empêchant la copie d’un DVD n’ouvrait pas droit à réparation pour atteinte au droit à la copie privée de l’acheteur. Dans la mesure où l’acheteur commet lui-même une infraction punissable par 3750 euros d’amende s’il fait sauter ce système, le droit à la copie privée va de fait disparaître pour les œuvres dotées d’un système de protectionc[22].

Dans le domaine des créations scientifiques ou techniques, l’inventeur peut exploiter financièrement son œuvre et la protéger grâce à un brevet. Quelles sont les inventions brevetables ? Selon l’article L611-10 al.1 du Code de la propriété intellectuelle, sont brevetables les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d’application industrielle. En 2005, l’institut national de la propriété industrielle (INPI) a délivré 17 275 brevets nationaux[23] et l’Office Européen des brevets a délivré 53 259 brevets européens.

Le titulaire d’un brevet peut exploiter lui-même son invention ou céder son droit d’exploitation à un industriel. Ce droit d’exploitation existe pendant 20 ans à partir du dépôt du brevet (après, il tombe dans le domaine public, cas des médicaments génériques).

Dans le domaine des créations de l’art appliqué à l’industrie constitué par les dessins et modèles, l’article L513-1 du Code de la propriété intellectuelle accorde à l’auteur du dessin ou modèle qui a fait l’objet d’un dépôt à l’INPI un droit exclusif d’exploitation pendant 5 ans (avant 2001, c’était 25 ans). En 2001, il y a eu 11 314 demandes de protection de dessins et modèles déposés à l’INPI. Ce droit peut être prorogé par périodes successives de 5 ans jusqu’à un maximum de 25 ans en tout (plus de protection après).

Dans le domaine commercial, le Code de la propriété intellectuelle accorde une protection aux entreprises qui ont fait inscrire à l’INPI des signes distinctifs tels que les marques, les logos, et même des signes sonores. En 2001, l’INPI a enregistré 149 757 demandes d’enregistrement de signes distinctifs commerciaux. La protection est ici perpétuelle sous condition d’un renouvellement périodique de l’inscription à l’INPI.

Dans le domaine des clientèles commerciales et civiles, le commerçant ou la personne qui exerce une activité professionnelle en tant que profession libérale ou en tant qu’officier public disposent du droit de céder, moyennant finance, sa clientèle. Pendant longtemps, la jurisprudence estimait que seule la clientèle commerciale ou artisanale pouvait être cédée et refusait toute cession de clientèle civile en affirmant que celle-ci était « hors du commerce juridique ». Opérant un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation a admis cette cession le 7 novembre 2000[24].

Voir aussi

« Erreur d’expression : opérateur / inattendu. » n’est pas un nombre.


Notes et références

  1. cf. article Autem, Delphine, « l’insaisissabilité de la résidence principale de l’entrepreneur individuel » in Répertoire du Notariat Defrénois 2004, n°5, p.327-350
  2. Loi n°85-697 du 11 juillet 1985 relative à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée et à l'exploitation agricole à responsabilité limitée, JORF du 12 juillet 1985 page 7862
  3. Loi n°2007-211 du 19 février 2007 instituant la fiducie, JORF n°44 du 21 février 2007 page 3052 texte n° 3
  4. art. 2011 et suiv. du Code civil
  5. 33 ans maximum, article 2018 du Code civil
  6. Civ. 1ère 14 décembre 1999, N° de pourvoi: 97-15756 , Dalloz 2000 J p. 372
  7. Antoine, Suzanne, « L'animal et le droit des biens », Dalloz 2003, chr., p.2651, cahier 39
    Voir aussi, Antoine, Suzanne, « Rapport sur le régime juridique de l'animal, remis par Madame Suzanne Antoine au ministre français de la justice le 10 mai 2005 », Paris: 2005, Ministère de la justice, La documentation française, 50 pages
  8. Introduit par le chapitre I de la Loi Fédérale du 4 octobre 2002 (Animaux), en vigueur depuis le 1er avril 2003 (Code civil, Code des obligations, Code pénal, Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (Animaux) Modification du 4 octobre 2002 RO 2003 463 466; FF 2002 3885 5418).
  9. 3ème Civ. 2 février 2000, Bulletin 2000 III N° 26 p. 18, N° de pourvoi: 98-10714
  10. 3ème civ. 26 juin 1991, D.93 J p.93, Bulletin 1991 III N° 197 p. 115, N° de pourvoi: 89-18638
  11. Cass com. 10 juin 1974, Bulletin des arrêts Cour de Cassation Chambre commerciale N. 183 P. 146, N° de pourvoi: 73-10696
  12. Ass. Plén. 15 avril 1988, Bulletin 1988 A.P. N° 4 p. 5, N° de pourvoi: 85-10262 85-11198]
  13. 1ère civ. 4 juin 1962
  14. Cf Proutière-Maulion, Gwenaëlle, « l’évolution de la nature juridique des poissons de mer », Dalloz 2000, p.647
  15. Civ. 3, 14 novembre 2002, Bulletin 2002 III N° 223 p. 191, N° de pourvoi: 01-13904
  16. Cass. Soc. 10 juillet 2002, Bulletin 2002 V N° 245 p. 239, N° de pourvoi: 99-44224
  17. Cass. Soc. 8 février 2006, Bulletin 2006 V N° 64 p. 57, Dalloz 2006 p. 579, N° de pourvoi: 04-45203
  18. Cass. Civ1, 28 janvier 2003, N° de pourvoi: 00-20014, Bulletin 2003 I N° 28 p. 23, JCP 2003 IV n° 1494,
  19. Cass Civ. 1, 30 janvier 2007, N° de pourvoi: 04-1554304-15.543, Bulletin 2007 I N° 47 p. 41 (avec un savoureux effort d'anonymisation de la part de legifrance: « Les misérables de Victor Y... »)
  20. Loi n°2006-961 du 1 août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, JORF n° 178 du 3 août 2006 page 11529, texte n° 1
  21. Cass. Civ 1, 28 février 2006, N° de pourvoi: 05-15824, Bulletin 2006 I N° 126 p. 115
  22. Voir, Daleau, Jeanne (coord.), « Le nouveau droit d’auteur au lendemain de la loi du 1 er août2006 », Recueil Dalloz, 14 septembre 2006, n°31, p. 2154-2200
  23. Depuis le 15 janvier 2003, la demande de dépôt d’un brevet peut être faite en ligne sur le site de l'INPI
  24. Cass. Civ. 1, 7 novembre 2000, N° de pourvoi: 98-17731, Bulletin 2000 I N° 283 p. 183