Gestion d’affaires : de la révélation de sa qualité de gérant
France > Droit privé > Droit civil > Droit des contrats spéciaux
Par Louis Thibierge
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
Membre du Centre de Droit Économique
Directeur du Master 2 Recherche Droit Économique
Directeur du DESU Economic Law
Avocat au Barreau de Paris
Un récent arrêt (Cass. civ. 1re, 2 février 2022, n° 20-19728 [1]) offre l’occasion de s’interroger sur l’incidence de la révélation de l’existence d’une gestion d’affaires.
Un effondrement partiel se produit au sein d’un immeuble. Le syndic contacte une société Bel Air Transport, laquelle établit un devis portant sur le déménagement et la mise en garde-meubles de cartons et marchandises.
En mars 2015, le syndic accepte le devis. Bel Air Transport exécute la prestation convenue, puis envoie sa facture au syndic. En janvier 2016, celui-ci conteste être débiteur des sommes réclamées et soutient que la prestation doit être facturée à la société Galactic Stories, seule bénéficiaire des services de garde-meubles.
La société Bel Air Transport assigne en paiement le syndic et la société Galactic Stories. Cette dernière est placée en liquidation judiciaire. Étant un simple chirographaire, il ne restait plus au transporteur d’espoir que dans la condamnation du syndic.
Les juges du fond (Paris, 25 mai 2020) limitent la condamnation du syndic aux sommes dues avant le 26 janvier 2016. Leur raisonnement peut être résumé comme suit. Si, en sollicitant le devis en 2015 et en l’acceptant sans indiquer le nom de Galactic, le syndic a entretenu une confusion, celle-ci s’est dissipée le 26 janvier 2016 lorsque le syndic a indiqué que les prestations devaient être facturées à Galactic.
Dit autrement, si, dans un premier temps, le créancier a pu croire traiter avec son débiteur, il a par la suite appris l’existence de la gestion d’affaires. Partant, les sommes dues au titre du garde-meubles après révélation de la gestion d’affaires devaient être facturées à la société Galactic Stories.
Cette position est censurée par la Cour de cassation. Au visa des articles 1372 et 1375 anciens du Code civil, la première chambre civile juge que « le gérant d'affaires qui contracte avec un tiers dans l'intérêt du maître de l'affaire, mais en son nom personnel, est personnellement tenu de l'exécution des obligations du contrat, même après la révélation de l'identité du maître de l'affaire, laquelle n'a pas pour effet de substituer ce dernier au gérant d'affaires dans l'exécution du contrat conclu, et que le maître dont l'affaire a été bien administrée doit rembourser au gérant toutes les dépenses utiles ou nécessaires qu'il a faites ».
A retenir : même après révélation de l’existence de la gestion d’affaires, le gérant demeure personnellement tenu envers le cocontractant, sans pouvoir se substituer le maître de l’affaire. Il appartient au gérant d’affaires de poursuivre la gestion, de payer les prestations facturées et de se retourner ensuite contre le maître. Au cas d’espèce, le risque d’insolvabilité pèse donc sur le syndic.
L’initiative n’est guère récompensée.