Imprescriptibilité de l’action en radiation judiciaire d’une inscription caduque

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Par Louis Thibierge
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
Membre du Centre de Droit Économique
Directeur du Master 2 Recherche Droit Économique
Directeur du DESU Economic Law
Avocat au Barreau de Paris



Un récent arrêt (Cass. civ. 3e, 16 mars 2022, n° 20-21.337) offre à la Cour de cassation l’occasion de se prononcer sur la prescription de l’action en radiation judiciaire d’une inscription devenue caduque.

Au cas d’espèce, une banque consent, suivant actes notariés des 18 juin et 13 août 2008, deux prêts à une société Kimmolux. Le capital de ces prêts devait être débloqué par tranches successives.

En garantie du remboursement de ces prêts, la société Kimmolux a conféré à la banque des hypothèques sur des immeubles lui appartenant. La troisième tranche des prêts n'ayant pas été débloquée, la société Kimmolux a, le 11 mai 2018, assigné la banque en mainlevée et radiation des inscriptions hypothécaires.

La cour d’appel (Metz, 25 juin 2020) juge l’action irrecevable car prescrite. Selon son raisonnement, l’action a été engagée 8 ans après que Kimmolux réalise que la troisième tranche n’avait pas été tirée et ne pouvait plus l’être. On reconnaît ici le point de départ de la prescription quinquennale de l’article 2224 C. civ., fixé au jour où le titulaire d’un droit a eu ou aurait dû avoir connaissance des faits lui permettant d’agir (quoique la cour d’appel se réfère à L. 110-4 C. com., lequel ne fixe pas de point de départ).

La censure est prononcée au visa de l’article 2443 ancien (si l’on ose dire, puisqu’il faut par-là comprendre la rédaction applicable jusqu’au 1er janvier 2022), en vertu duquel « La radiation doit être ordonnée par les tribunaux, lorsque l'inscription a été faite sans être fondée ni sur la loi, ni sur un titre, ou lorsqu'elle l'a été en vertu d'un titre soit irrégulier, soit éteint ou soldé, ou lorsque les droits de privilège ou d'hypothèque sont effacés par les voies légales ».

On remarquera que le texte ne prévoit aucune prescription pour l’action tendant à faire radier en justice une inscription caduque. La Cour s’engouffre dans la brèche et affirme qu’il « résulte de ce texte que, tant que l'inscription d'une hypothèque subsiste, sa radiation peut toujours être demandée, lorsque l'inscription a été faite sans être fondée ni sur la loi, ni sur un titre, ou lorsqu'elle l'a été en vertu d'un titre soit irrégulier, soit éteint ou soldé, ou lorsque les droits d'hypothèque sont effacés par les voies légales ».

L’adjonction de l’adverbe « toujours » laisse entendre que cette action, à l’instar de celle visant à voir juger non-écrite une clause, est imprescriptible. Tant que demeure cet affront que constitue l’inscription injustifiée, il est loisible au constituant d’en demander en justice la radiation.