Infections nosocomiales : de l’indifférence des prédispositions pathologiques de la victime.

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Par Louis Thibierge
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
Membre du Centre de Droit Économique
Directeur du Master 2 Recherche Droit Économique
Directeur du DESU Economic Law
Avocat au Barreau de Paris

23 septembre 2022


Par un arrêt rendu hier, la première chambre civile (Cass. Civ. 1re, 6 avril 2022, n° 20-18513 [1] ) juge que les prédispositions pathologiques ne permettent pas d’écarter le caractère nosocomial de l’infection.

Au cas d’espèce, un patient contracte, à l’occasion d’une opération de la cheville, un staphylocoque. Il engage la responsabilité du praticien et de la clinique.

La cour d’appel (Grenoble, 9 juin 2020), met hors de cause les défendeurs, au motif que l’infection ne serait pas nosocomiale. Pour en arriver à cette conclusion, les juges du fond relèvent que la victime présentait un état cutané anormal antérieur à l'intervention caractérisé par la présence de plusieurs lésions, que le germe retrouvé au niveau du site opératoire correspondait à celui trouvé sur sa peau et que, selon l'expert judiciaire, son état de santé préexistant et son tabagisme chronique avaient contribué en totalité aux complications survenues.

La cassation est prononcée au visa de l’article L. 1142-1 du CSP : « En se déterminant ainsi, par des motifs tirés de l'existence de prédispositions pathologiques et du caractère endogène du germe à l'origine de l'infection ne permettant pas d'écarter tout lien entre l'intervention réalisée et la survenue de l'infection, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».

En d’autres termes, les prédispositions pathologiques de la victime et le caractère endogène du germe à l’origine de l’infection ne permettent pas de renverser la présomption posée par le CSP. Rappelons que l’article précité faite peser une sorte de présomption de faute sur les établissements de santé, les contraignant à réparer les conséquences des infections nosocomiales, sauf pour eux à « rapporter la preuve d’une cause étrangère ».

Visiblement, les prédispositions de la victime et le caractère endogène du germe à l’origine de l’infection ne caractérisent pas cette « cause étrangère ».

Le pourvoi soutenait à cet égard que la cause étrangère devait s’apprécier comme la force majeure. L’extériorité pour la clinique (le caractère endogène du germe et les prédispositions de la victime) ne suffisent pas. Encore faudrait-il démontrer que ces facteurs étaient, pour l’établissement de santé, imprévisibles et irrésistibles.