Infractions au code de la route et licenciement disciplinaire
France > Droit privé > Droit social > Droit du travail
Jérémy Duclos, avocat au barreau de Versailles [1]
Octobre 2023
Dans un arrêt rendu le 4 octobre 2023 (n° 21-25.421[2]), publié au bulletin, la chambre sociale de la Cour de cassation s’est interrogée sur le bien-fondé du licenciement disciplinaire prononcé en raison des infractions au code de la route commises lorsque le salarié n’est pas à la disposition de l’employeur.
Un salarié engagé en qualité de mécanicien a été licencié en raison des infractions au code de la route commises lorsqu’il conduisait son véhicule de fonction sur le trajet de son lieu de travail. Il a saisi la juridiction prud’homale d’une contestation de la rupture de son contrat de travail.
La cour d’appel a jugé que le licenciement du salarié était dépourvu de cause réelle et sérieuse comme étant fondé sur des faits relevant de la vie personnelle du salarié.
L’employeur forme un pourvoi en cassation au motif que la commission d'infractions au code de la route, commise par un salarié tandis qu'il conduit un véhicule de fonction sur le trajet de son lieu de travail, se rattache à sa vie professionnelle, même si son temps de travail effectif n'a pas encore débuté.
La Cour de cassation devait répondre à la question de savoir si les infractions au code de la route commises par le salarié durant les temps de trajet durant lesquels il n’était pas à la disposition de l’employeur constituent un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.
Pour ce faire, la Cour de cassation rappelle le principe admis dans cette matière depuis un certain temps et résultant de l’article L. 1121-1[3] du code du travail :
« un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier un licenciement disciplinaire que s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail » (Cass. Soc., 3 mai 2011, n° 09-67.464 [4] ; Cass. Soc., 23 juin 2021, n° 19-21.651 [5]).
La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’employeur en pointant ce qu’avait constaté la cour d’appel : les infractions au code de la route avaient été commises durant les temps de trajet durant lesquels le salarié n'était pas à la disposition de l'employeur.
Elle remarque en outre que l'outil de travail mis à sa disposition n'avait subi aucun dommage et que le comportement de l'intéressé n'avait pas eu d'incidence sur les obligations découlant de son contrat de travail en tant que mécanicien.
Dès lors, elle en conclut que les infractions au code de la route ne pouvaient être regardées comme une méconnaissance par l’intéressé de ses obligations découlant de son contrat, ni comme se rattachant à sa vie professionnelle, de sorte que ces faits de la vie personnelle ne pouvaient justifier un licenciement disciplinaire.
Par le passé, la Cour de cassation avait déjà jugé que le fait pour un salarié qui utilise un véhicule dans l'exercice de ses fonctions de commettre, dans le cadre de sa vie personnelle, une infraction entraînant la suspension ou le retrait de son permis de conduire ne saurait être regardé comme une méconnaissance par l'intéressé de ses obligations découlant de son contrat de travail (Cass. Soc., 3 mai 2011, n° 09-67.464 [6]).
L’arrêt de rejet rendu a le mérite de clarifier le régime de la protection du salarié pour les faits relevant de sa vie personnelle à l’hypothèse précise des temps de trajet avec le véhicule mis à disposition par l’employeur.
Dans la mesure où le salarié n’est pas à la disposition de l’employeur pendant ces temps de trajet, il n’est pas possible d’en tirer la conséquence que les infractions au code de la route commises par le salarié constituent un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail et conférant, consécutivement, à l’employeur le plein exercice de son pouvoir disciplinaire.