L'éditeur est-il solidaire de son auteur ? (fr)

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Auteur : Emmanuel Pierrat,
Avocat au barreau de Paris
le 24 mai 2016


Le Livre noir des médecins stars d’Odile Plichon (Stock) a été condamné le 22 mars 2016 à l’issue d’un procès en diffamation. Or, le jugement souligne que l’éditeur a exprimé des regrets pour avoir offensé les plaignants.

Il arrive ainsi que l’éditeur se désolidarise de son auteur, notamment en ne prenant pas en charge les frais d’un procès.

Les contrats d’édition types comportent d’ailleurs une clause de garantie, en faveur de l’éditeur.

Il est en effet fréquent que les éditeurs soient valablement poursuivis pour des faits dont ils ne s’estiment pas moralement responsables. Il en est ainsi du plagiat commis par leur auteur, d’une diffamation qu’il aurait glissée au sein d’une enquête en apparence sérieuse ou encore d’une action en droit à l’image. Les recours en garantie permettent en théorie de se retourner contre les fautifs.

L’article L. 132-8 du Code de la propriété intellectuelle dispose d’ailleurs que « l’auteur doit garantir à l’éditeur l’exercice paisible et, sauf convention contraire, exclusif du droit cédé. Il est tenu de faire respecter ce droit et de le défendre contre toutes atteintes qui lui seraient portées ».

Et il ne s’agit là que d’une application des textes du Code civil qui organisent classiquement la garantie d’éviction, la garantie des vices cachés, etc. La garantie est donc légale et s’applique, qu’elle soit prévue ou non dans une clause du contrat.

Dans un but plus psycho-pédagogique que juridique, il est souvent utile de rappeler au contrat l’existence de cette garantie légale. Il peut s’agir des difficultés liées à la propriété littéraire et artistique, des grandes lignes du droit de l’information, etc.

Certains alinéas insistent parfois sur l’étendue des conséquences de la clause de garantie. Il est donc mentionné : « A la garantie du principal de toute condamnation éventuelle donnée ici par l’auteur, s’ajoute la garantie de tous intérêts et frais accessoires exposés par l'éditeur, en ce compris tous frais judiciaires, para-judiciaires et honoraires d’avocat ».

La jurisprudence en la matière a, jusqu’il y a peu, appliqué sans rechigner une telle mécanique. C’est ainsi que, le 11 mars 1997, la Cour de cassation s’est penchée sur le conflit opposant un éditeur de documents à une agence photo de renom, à propos du cliché d’une pochette de sang recouverte du label d’un laboratoire et qui avait servi à illustrer la couverture d’un livre sur le scandale du sang contaminé. Les hauts magistrats ont rappelé que « l’agence connaissait l’usage auquel la photographie était destinée et que l'agence qui commercialise des clichés en vue de leur publication est tenue de fournir à ses clients des photographies propres à l’usage auquel elles sont destinées et telles, en particulier, que cet usage ne présente pas un caractère illicite »…

Mais ces mécanismes de garantie n’ont de sens que dans la limite de la solvabilité de ceux qui y souscrivent… A défaut, l’éditeur payera seul les frais des bourdes ou des malveillances de ses auteurs et de ses fournisseurs.

De plus, les juges se sont montrés moins conciliants avec une société d’édition à l’occasion d’un litige relativement complexe - ayant donné lieu à plusieurs décisions de justice parallèles, rendues notamment par le tribunal de grande instance de Paris les 9 novembre et 7 décembre 2005, puis par la Cour d’appel les 28 février 2007 et 23 septembre 2008.

L’éditeur était poursuivi pour avoir reproduit plus d’une centaine de faux dessins attribués à un artiste connu. Le signataire du livre avait assuré la maison d’édition qu’il détenait des certificats d’authenticité, élément qu’il avait confirmé par le biais d’une clause de garantie portée à son contrat.

Or, l’éditeur avait procédé à la mise en vente, alors qu’il avait entretemps reçu une lettre de mise en garde de la part d’une société d’auteurs représentant les intérêts des héritiers du dessinateur. C’est pourquoi les juges ont estimé que l’éditeur ne pouvait voir appliquer en sa faveur la clause de garantie qu’à hauteur de 50 % du montant des dommages-intérêts prononcés à son encontre.