L’imprévision ne dispense pas d’exécuter !

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Par Louis Thibierge
Agrégé des Facultés de Droit
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille
Membre du Centre de Droit Économique
Directeur du Master 2 Recherche Droit Économique
Directeur du DESU Economic Law
Avocat au Barreau de Paris
14 septembre 2022


CA Paris, pôle 1 ch. 2, 2 juin 2022, n° 21/19284

L’article 1195 du Code civil, siège de la théorie de l’imprévision, n’est pas un deus ex machina permettant au débiteur de cesser d’honorer ses obligations.

Tel est l’enseignement d’un récent arrêt de la cour d’appel de Paris.

Au cas d’espèce, un preneur à bail commercial excipait de l’imprévision (mais aussi de la force majeure, de la perte de la chose louée, etc.) pour prétendre ne pas payer certains loyers à son bailleur.

Sur le terrain de l’article 1195 du Code civil, la cour d’appel relève trois points.

D’une part, le texte était inapplicable ratione temporis, le bail ayant été conclu avant le 1er octobre 2016. Où l’on voit que, contrairement à d’autres textes (on songe notamment à la loi Pinel), les juges se montrent réticents à appliquer la loi nouvelle aux baux en cours (sur cette tendance, L. Thibierge, « A la recherche de l’imprévision », BRDA 15 juin 2022).

D’autre part, à supposer - quod non - le texte applicable, « les dispositions de ce texte permettent à une partie de demander une renégociation du contrat à son cocontractant, mais ne la dispensent pas de l’exécution de ses obligations durant la renégociation ». Au contraire : le texte précise que le débiteur continue d’exécuter ses obligations durant la renégociation, afin d’éviter tout chantage à l’adaptation du contrat.

Dernier point : pour la cour d’appel, la demande de décharge des loyers formulée par le preneur ne peut prospérer en référé. Invoquer la théorie de l’imprévision ne permet pas au débiteur de se soustraire, fût-ce à titre temporaire, à ses obligations.

Pour reprendre les mots de la cour parisienne : « la demande excède les pouvoirs du juge des référés et que, dans l’attente d’une éventuelle saisine du juge du fond, l’intimée ne peut se dispenser du paiement des loyers contractuellement dus sur le fondement de ces dispositions ».

Dont acte : l’imprévision ne permet ni de cesser unilatéralement d’exécuter ses obligations ni, par principe, d’en être déchargé à titre provisoire par le juges des référés.