L'interruption du délai de prescription de la procédure disciplinaire (fr)
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Jérémy DUCLOS, avocat à la Cour
Juin 2021
Dans un arrêt du 27 mai 2021 (n° 19-17.587 [1]), publié au bulletin, la chambre sociale de la Cour de cassation a statué sur les modalités d’interruption du délai de prescription de la procédure disciplinaire en cas de refus par le salarié d’une modification disciplinaire du contrat de travail.
Un salarié s’est vu notifier une mutation disciplinaire par l’employeur (le 2 mai 2013) qui lui a donné un délai (expirant au 10 mai 2013) pour faire connaître sa position, en lui précisant que l’absence de réponse dans ce délai vaudrait refus. Le salarié a exprimé son refus le 18 mai 2013, soit huit jours après la fin du délai fixé par l’employeur.
L’employeur a convoqué le salarié le 16 juillet 2013 à un nouvel entretien préalable en vue d’une nouvelle sanction, fixé au 23 juillet 2013. Il lui a été notifié par courrier du 29 juillet 2013 une rétrogradation disciplinaire, qu’il a expressément acceptée.
Il a toutefois saisi la juridiction prud’homale aux fins d’annulation de la sanction de rétrogradation disciplinaire. L’affaire a été portée en cassation par l’employeur après que la cour d’appel ait annulé la sanction en raison de la prescription du délai pour engager la procédure disciplinaire.
La Cour de cassation devait répondre à la question de savoir si le délai de deux mois, prévu à l’article L. 1332-4 du code du travail, dont dispose l’employeur pour engager des poursuites disciplinaires court à compter de l’expiration du délai qu’il a lui-même fixé pour que le salarié exprime son refus, l’absence de réponse valant refus, ou à compter du refus exprimé par le salarié postérieurement.
Elle s’est prononcée en faveur de la première hypothèse : lorsque l’employeur fixe au salarié une date pour se prononcer, le délai de prescription de deux mois pour le convoquer à un nouvel entretien préalable court à compter de cette date, indépendamment du fait que le salarié exprime son refus postérieurement.
Il s’agit là d’une précision importante de la solution traditionnellement retenue par la Cour de cassation dans cette matière, qu’elle reprend d’ailleurs dans son arrêt : la convocation du salarié par l’employeur à un nouvel entretien préalable en vue d’une autre sanction disciplinaire doit intervenir dans les deux mois à compter du refus du salarié (Cass. Soc., 15 janvier 2013, n° 11-28.109).
Pour calculer le nouveau délai de prescription de deux mois pour enclencher les poursuites disciplinaires, il faut donc retenir que le refus du salarié peut être exprès, mais il peut aussi intervenir tacitement, et provenir, comme dans le cas d’espèce, d’une absence de réponse dans le délai fixé par l’employeur, étant précisé que cette absence de réponse vaut refus.
C’est que l’employeur a la faculté d’imposer au salarié un délai plus court que le délai de deux mois pour faire connaître sa position, à condition qu’il soit raisonnable, en précisant que l’absence de réponse de sa part dans le délai vaudrait refus (Cass. Soc., 1er avril 2003, n° 01-40.389 [2]).
La sanction peut paraître sévère pour l’employeur mais elle a le mérite de clarifier le point de départ du délai de prescription en cas d’enchaînement de refus du salarié, d’abord tacite, puis exprès. Elle peut paraître d’autant plus sévère que l’employeur n’avait commis d’autre erreur que celle-ci dans la procédure disciplinaire.
En effet, dans la mesure où il souhaitait prononcer une sanction disciplinaire emportant la modification du contrat de travail, en l’occurrence une mutation, il avait pris le soin de recueillir le consentement du salarié et non de lui imposer, comme l’exige la Cour de cassation (Cass. Soc., 16 juin 1998, n° 95-45.033 [3]).
Il a également pris l’initiative de convoquer à nouveau le salarié pour lui proposer une autre sanction, la rétrogradation, aux lieu et place de la sanction refusée. Il semble, dans ces conditions, assez étonnant qu’il ait attendu plusieurs semaines après le refus, tant tacite qu’exprès, du salarié pour le convoquer à nouveau.
Au final, si l’employeur entend enfermer la réponse du salarié concernant la modification disciplinaire du contrat de travail dans un certain délai, à l’issue duquel le silence du salarié vaut refus de la mesure, alors il doit être particulièrement vigilant au fait que c’est à partir de la fin du délai fixé que court le nouveau délai de prescription disciplinaire.