La contestation d’un licenciement économique de plus en plus encadrée; La tendance de la loi est de restreindre les moyens de contestation qui peuvent être utilisés par le salarié (fr)
France > Droit privé > Droit social > Droit du travail
Auteur : Franc Muller, avocat au barreau de Paris
Décembre 2018
Les moyens de contestation d’un licenciement pour motif économique ont été considérablement réduits par les dernières modifications législatives (loi El Komri, ordonnances Macron…), et les récentes décisions de la Chambre sociale de la Cour de cassation sur ce sujet en sont malheureusement le reflet.
Ces restrictions ont immanquablement pour effet de dissuader les salariés d’agir, et on constate au demeurant une baisse sensible du contentieux en la matière.
1- Alors que la loi ne définissait pas les caractéristiques des difficultés économiques d’une entreprise, qui restaient soumis à l’appréciation du Juge, la loi El Komri [1] (loi n° 2016-1088 du 6 août 2016) a déterminé plusieurs critères justifiant le recours à un tel motif de licenciement.
Ainsi, lorsque l’entreprise connaît une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, en comparaison de sa situation l’année précédente (et dans des proportions déterminées par la loi), les difficultés économiques sont établies (article L 1233-3 du Code du travail).
2- L’ordonnance Macron n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 a en outre limité l’appréciation de la cause économique dans les sociétés appartenant à des groupes internationaux.
Alors que la cause économique du licenciement s’entendait du secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise, y compris lorsque ce périmètre comprenait des entreprises situées à l’étranger, ce qui permettait de déjouer d’éventuelles manœuvres dans le but de sacrifier frauduleusement la filiale française, cette digue a finalement cédé !
La loi nouvelle cantonne en effet cette appréciation exclusivement à l’entreprise, ou aux entreprises du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national (lorsqu’elle appartient à un groupe), sauf en cas de fraude, souvent difficile à prouver.
Il suffit donc dorénavant que la filiale française d’un groupe international connaisse des difficultés, quand bien même les autres filiales de ce groupe œuvrant dans ce secteur d’activité seraient prospères, pour que le licenciement économique soit considéré comme justifié.
L’obligation de reclassement [2] est elle aussi cantonnée à la France, l’ordonnance Macron ayant abrogé l’article du Code du travail permettant au salarié de demander à recevoir des offres de reclassement dans les établissements de l’entreprise ou du groupe situés en dehors du territoire national.
Le manquement de l’employeur à son obligation de reclassement constitue néanmoins, aujourd’hui encore, le moyen le plus efficace pour voir l’action d’un salarié prospèrer devant la juridiction prud’homale.
3- Par ailleurs, lorsque le salarié a fait l’objet d’un licenciement collectif pour motif économique, avec mise en œuvre d’un Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE), celui-ci doit notamment intégrer un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement sur le territoire national des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité (article L 1233-61 du Code du travail).
La jurisprudence considère que dans le cadre de son obligation de reclassement de tout salarié dont le licenciement économique est envisagé, il appartient à l’employeur, même si un plan de sauvegarde de l’emploi a été établi, de rechercher s’il existe des possibilités de reclassement prévues ou non dans ce plan, au sein de l’entreprise, ou, le cas échéant, du groupe, parmi les entreprises dont l’activité, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, et de proposer à chaque salarié dont le licenciement est envisagé des emplois disponibles adaptés à leur situation, de même catégorie ou à défaut de catégorie inférieure, en assurant au besoin l’adaptation des salariés à une évolution de leur emploi (Cass. Soc. 13 juill. 2017 n° 16-20328, Cass. Soc 14 janv. 2004 n° 02-46678).
Cependant, la loi du n°2013-504 du 14 juin 2013 a apporté une restriction supplémentaire aux droits des salariés.
Jusqu’à présent, la Chambre sociale de la Cour de cassation reconnaissait en effet au salarié l’existence d’un droit propre à faire valoir que son licenciement était nul, lorsque la procédure de licenciement collective était nulle, faute pour le plan de sauvegarde de l’emploi [3] de comporter des mesures précises et concrètes pour faciliter le reclassement des salariés (Cass. Soc. 28 nov. 2006 n° 04-49798).
La loi du 14 juin 2013 confie désormais à l’administration le soin de valider ou d’homologuer le plan de sauvegarde de l’emploi (selon que le plan résulte d’un accord collectif majoritaire ou d’un document unilatéral de l’employeur).
De sorte que la Haute juridiction vient de décider que les dispositions d’un plan de sauvegarde de l’emploi, homologué ou validé par l’autorité administrative, échappaient au contrôle du juge judiciaire, qui ne peut méconnaître l’autorité de la chose décidée par l’autorité administrative ayant homologué le contenu du plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l’emploi, et relèvent de la compétence du juge administratif.
Un salarié ne pourra donc plus soulever utilement la nullité du PSE, et par voie de conséquence celle de son licenciement, en raison de l’insuffisance du plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l’emploi (Cass. Soc. 21 nov. 2018 n° 17-16766 [4]).
Il lui restera toutefois la possibilité de soutenir que l’employeur n’a pas satisfait à leur égard son obligation individuelle de reclassement.