La garde des enfants mineurs : que se passe t-il en cas de désaccord (fr)

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Auteur: Patrick Lingibé, avocat, ancien bâtonnier de Guyane, membre du Bureau de la Conférence des Bâtonniers, ancien membre du Conseil National des Barreaux, spécialiste en droit public, médiateur Professionnel EPMN, membre du réseau international d’avocats GESICA

Mars 2019


Garde des enfants : quels choix pour le juge ?

À titre liminaire, il convient d’aborder une petite distinction entre un divorce et une séparation.


En effet, s’agissant d’un divorce, c’est l’ordonnance de non conciliation, puis le jugement de divorce, qui désignent le parent avec lequel les enfants vont vivre.


En revanche, s’agissant d’une séparation d’un couple non marié, le juge tranchera lors d’une audience et après avoir entendu l’argumentaire des deux parties.


En cas de désaccord, trois choix s’offrent au juge.


Tout d’abord, il peut fixer la résidence habituelle de l’enfant chez l’un des parents.


Dans cette hypothèse, l’autre parent se voit attribuer un droit de visite et d’hébergement.


L’autre choix possible pour le juge est de décider d’une résidence en alternance (ou garde alternée).


Enfin, mais c’est très rare, le juge peut confier les enfants à un tiers (membre de la famille, établissement d’éducation etc.).


En présence de plusieurs enfants, l’article 371-5 du Code civil dispose que les frères et sœurs ne doivent pas être séparés.


Toutefois, certaines situations peuvent conduire à une séparation des frères et sœurs.


Bien évidemment, cette séparation des frères et sœurs doit être guidée par l’intérêt des enfants.


Ainsi, en cas de déménagement d’un des deux parents à l’étranger, une fratrie peut être séparée si certains enfants ont des repères matériels et affectifs avec la France (Cass. Civ., 19 novembre 2009, n° 09-68179 [1]) :


« Mais attendu qu’après avoir énoncé que l’intérêt des enfants exige d’examiner leur éloignement en veillant notamment à la sauvegarde de leur équilibre, l’arrêt relève d’abord, que les enfants âgés de 6 et 9 ans ont tous leurs repères matériels et affectifs en France où ils sont entourés de leur famille, grands-parents paternels, maternels et oncles ; ensuite, que M. Y..., qui s’implique particulièrement dans l’éducation de ses fils, administre la preuve de sa disponibilité à les assumer pleinement ; enfin, que si la perspective de séparer la fratrie est effectivement à déplorer, le besoin des deux enfants, Hugo et Thibault, à leur stade de développement de se construire sur des bases stables et sécurisantes constituées par leur repères familiaux, psychologiques, affectifs, sociaux et culturels actuels, justifie que leur résidence habituelle soit fixée chez leur père ; que la cour d’appel a ainsi souverainement estimé qu’il était de l’intérêt supérieur des enfants de rester en France avec celui-ci ; que le moyen n’est pas fondé ; ».


  • Article 371-5 du code civil :


« L’enfant ne doit pas être séparé de ses frères et sœurs, sauf si cela n’est pas possible ou si son intérêt commande une autre solution. S’il y a lieu, le juge statue sur les relations personnelles entre les frères et sœurs. »


Garde des enfants quels sont les critères de la décision du juge ?

Avant toute chose, en cas de désaccord, le juge doit tenter de concilier les parents à travers une médiation. Les parents restent libres d’accepter ou non la médiation.


Ce n’est seulement qu’en dernier recours que le juge doit trancher et prendre une décision dans l’intérêt des enfants.


Pour prendre sa décision, le juge peut s’appuyer sur plusieurs éléments.


Il peut d’abord prendre en compte les accords précédents conclus entre les parents.


Il peut aussi s’appuyer sur les expertises et les enquêtes sociales qu’il aura ordonnées.


L’attitude des parents peut également être un indicateur important.


En effet, si le père empêche la mère de voir ses enfants, le juge peut en tirer les conséquences et fixer la résidence de l’enfant chez la mère.


Enfin, en vertu de l’article 388-1 du code civil, le juge peut décider d’entendre les enfants.


Pour être entendu, l’enfant doit être doté d’une maturité suffisante pour exprimer son opinion personnelle.


La loi ne fixe pas d’âge minimum. Les parents ont aussi la faculté de demander l’audition de leurs enfants par le juge.


Toutefois, le juge peut refuser cette demande s’il l’estime inutile ou contraire à l’intérêt de l’enfant (Cass. Civ., 16 décembre 2015, n° 15-10.442 [2]) :


« Mais attendu qu’après avoir exactement rappelé qu’aux termes de l’article 338-4 du code de procédure civile, lorsque la demande d’audition de l’enfant est formée par les parties, elle peut être refusée si le juge ne l’estime pas nécessaire à la solution du litige ou si elle lui paraît contraire à l’intérêt de l’enfant mineur, la cour d’appel a souverainement estimé qu’elle disposait d’éléments suffisants pour statuer et qu’A., âgée de seulement 7 ans, devait être préservée autant que possible du conflit parental dont elle avait déjà subi les conséquences lors de la rentrée scolaire 2012 à l’occasion du départ à Vence imposé par son père avant que le juge aux affaires familiales n’ordonne son retour en région parisienne ; qu’elle a ainsi, répondant aux conclusions prétendument omises, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, légalement justifié sa décision ; »


  • Article 388-1 du code civil.


« Dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet. Cette audition est de droit lorsque le mineur en fait la demande. Lorsque le mineur refuse d’être entendu, le juge apprécie le bien-fondé de ce refus. Il peut être entendu seul, avec un avocat ou une personne de son choix. Si ce choix n’apparaît pas conforme à l’intérêt du mineur, le juge peut procéder à la désignation d’une autre personne. L’audition du mineur ne lui confère pas la qualité de partie à la procédure. Le juge s’assure que le mineur a été informé de son droit à être entendu et à être assisté par un avocat. »


Dans tous les cas, si l’audience a lieu, le juge peut ensuite s’appuyer sur les sentiments dégagés par les enfants durant cette audition pour prendre sa décision.


Les modalités de la résidence en alternance.

Dans l’intérêt de l’enfant, le juge peut décider d’organiser la garde par le biais d’une résidence en alternance. Il peut la décider d’office, même lorsque les parents ne la souhaitent pas.


La résidence en alternance peut aussi être un système transitoire.


En effet, le juge peut en fixer la durée et, au terme de celle-ci, statuer définitivement sur la résidence habituelle de l’enfant.


La résidence en alternance se caractérise par l’absence de résidence habituelle et de droit de visite et d’hébergement.


Appelé aussi garde alternée, l’enfant séjourne alternativement chez son père ou chez sa mère.


La garde alternée peut être égalitaire (avec une alternance sur une semaine par exemple) ou inégalitaire selon un rythme déterminé à l’avance.


Elle peut aussi être égalitaire sur l’année mais avec une inégale répartition du temps selon les mois.


L’idée ici étant d’adapter la garde alternée en fonction, par exemple, des emplois du temps des parents.


Les modalités de la résidence habituelle et l’exercice du droit de visite et d’hébergement.

Lorsque la résidence en alternance ne semble pas souhaitable, le juge peut fixer la résidence habituelle de l’enfant chez l’un des parents.


L’autre parent se voit alors attribuer un droit de visite et d’hébergement.


Des motifs graves, tels que l’alcoolisme, la violence ou le désintérêt, peuvent être à l’origine de la suppression de ce droit.


Le rythme du droit de visite et d’hébergement ne découle pas de loi mais d’une pratique des tribunaux.


Généralement, il s’exerce lors des premières, troisièmes et cinquièmes fins de semaine de chaque mois.


Pour les petites et les grandes vacances, le droit de visite et d’hébergement joue sur la moitié de celles-ci.


Parfois, différentes mesures peuvent être ordonnées dans le cadre de l’intérêt de l’enfant.


Par exemple, le juge peut exiger la présence d’une personne tierce lorsque l’enfant est confié à l’autre parent, notamment en cas de risque de confrontation violente entre les parents.


Le juge peut aussi définir un endroit neutre (ou « point de rencontre ») pour l’exercice du droit de visite et d’hébergement.


Attention au refus d’un parent de remettre l’enfant à l’autre parent.

Il faut indiquer que l’article 227-5 du code pénal sanctionne l’abstention volontaire d’un parent de remettre l’enfant à l’autre parent, conformément à ce qui est prévu dans l’ordonnance de non conciliation ou le jugement de divorce.


Les peines encourues peuvent aller jusqu’à un an de prison et 15.000 euros d’amende.


Le parent concerné devrait réfléchir avant de s’abstenir de représenter à l’autre parent.


  • Article 227-5 du code pénal  :


« Le fait de refuser indûment de représenter un enfant mineur à la personne qui a le droit de le réclamer est puni d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende. »