La loyauté du salarié lors d’un arrêt-maladie

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Par Valentine Léger
Juriste au Centre de documentation du Barreau de Paris

Le 27 février 2023



Les caractéristiques d’un arrêt-maladie


En France, le salarié en arrêt-maladie est libéré de son obligation de travailler et ce, parce qu’il n’est plus considéré comme étant sous l’autorité de son employeur. La chambre sociale de la Cour de cassation l’a rappelé dans son arrêt du 15 juin 1999 (n°96-44.772)[1] où elle explique que la salariée, « dispensée de son obligation de fournir sa prestation de travail, ne saurait être tenue, durant cette période, de poursuivre une collaboration avec l'employeur ». D’ailleurs, si l’employeur laisse travailler un salarié alors en arrêt-maladie, il pourra être condamné à lui rembourser ses indemnités journalières de sécurité sociale (Soc., 21 novembre 2012, n°11-23.009)[2].

En revanche, le salarié en arrêt-maladie qui détient des éléments matériels nécessaires à la poursuite de l’activité de l’entreprise devra les restituer. La chambre sociale de la Cour de cassation l’autorise à condition que le salarié n’ait pas à fournir une prestation de travail et que la demande soit justifiée par le bon fonctionnement de l’entreprise (Soc., 25 juin 2003, n°01-43.155)[3]. Si ces deux conditions sont effectivement remplies, le refus du salarié pourra entraîner son licenciement (Soc., 6 février 2001, n°98-46.345)[4].


Les actes délictueux et quasi-délictueux commis par le salarié en arrêt-maladie


Dans le même sens, bien que le lien de subordination de l’employeur à l’égard du salarié soit distendu dans le cadre d’un arrêt-maladie du salarié, ce dernier ne doit pas commettre d’actes délictueux ou quasi-délictueux. A titre d’exemple, la chambre sociale de la Cour de cassation, dans son arrêt du 30 novembre 2010 (n°09-40.695)[5], a considéré que le salarié qui a « pendant son congé maladie, prêté à un tiers, sans lui avoir remis au préalable la carte grise, un véhicule appartenant à son employeur, qui lui avait été confié pour l'exercice de ses fonctions, et qui n'était assuré qu'à son seul profit » a commis une faute grave.


Les actes dits « de concurrence » commis par le salarié en arrêt-maladie


Ne sera pas considéré comme déloyal l’exercice d’une activité professionnelle non-concurrente à l’employeur. Pour être reconnue comme déloyale, l’action du salarié doit causer un préjudice à l’entreprise ou à l’employeur et c’est à ce dernier de le prouver (Soc., 12 octobre 2011, n°10-16.649)[6]. Cependant, le licenciement d’un salarié sera justifié s’il exerce une activité pour le compte d’une entreprise concurrente qui donne lieu à rémunération et ce, sans que l’employeur ait à démontrer quoi que ce soit (Soc., 5 juillet 2017, n°16-15.623)[7].


Les activités personnelles exercées par le salarié pendant l’arrêt-maladie


Pendant son arrêt-maladie, le salarié peut exercer toute activité personnelle d’autant que les tribunaux considèrent que les activités de loisir ne peuvent pas constituer des actes de déloyauté. D’ailleurs, les tribunaux retiennent la même chose pour les actes bénévoles et l’entraide domestique.

A titre d’exemple, concernant l’entraide domestique, la chambre sociale de la Cour de cassation, dans son arrêt du 28 novembre 2006, a décidé qu’une salariée qui aide « occasionnellement son mari dans un fonds de commerce qui était exploité par lui seul à la même adresse que leur domicile conjugal et à des heures où le service de restauration en salle était terminé » ne manque « à aucune obligation résultant de son contrat de travail » (Soc., 28 novembre 2006, n°05-41.845)[8].

A titre d’exemple, concernant les activités de loisir, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé, dans son arrêt du 1er février 2023 (n°21-20.526)[9], que « le salarié qui a participé à 14 compétitions de badminton pendant ses arrêts de travail ne commet pas de manquement à son obligation de loyauté, dès lors que cette participation n'a pas aggravé son état de santé ou prolongé ses arrêts de travail, de sorte qu'il n'a causé aucun préjudice à l'employeur »[10].


La dissociation des sanctions rendues par la sécurité sociale de celles rendues par l’employeur


Une limite est tracée entre les obligations relevant du droit de la sécurité sociale de celles relevant du droit du travail. En effet, le salarié qui ne respecte pas « ses obligations à l'égard de la sécurité sociale et tenant aux heures de sortie autorisées » ne peut pas être licencié pour ce motif. Il peut simplement se voir suspendre le versement de ses indemnités journalières de sécurité sociale (Soc., 4 juin 2002, n°00-40.894)[11].

Cependant, l'employeur, qui doute de la réalité de la maladie du salarié, « a la possibilité de faire procéder à une contre-visite médicale qui, si elle n'a pas d'effet sur la régularité de l'absence du salarié, peut l'exonérer du paiement du complément conventionnel. La visite médicale réalisée à l'initiative de l'employeur a pour objet de faire vérifier si l'état de santé du salarié lui interdit effectivement de travailler »[12].


Sources :

DUCLOS Jérémy, Sport pendant un arrêt maladie et obligation de loyauté, 17 février 2023[13]

Lamyline, Droit du travail au quotidien, L’arrêt maladie interdit-il au salarié toute activité ?, février 2023[14]

Lamyline, Droit du travail au quotidien, Comment déterminer la rémunération du salarié pendant l’arrêt maladie ?, octobre 2022[15]

Lamyline, Droit du travail au quotidien, Comment le manque de loyauté pendant une suspension du contrat de travail peut-il être sanctionné ?, mars 2020[16]

VERKINDT Pierre-Yves, Maladie et inaptitude médicale, Répertoire de droit du travail, Dalloz, juin 2012 (actualisation en décembre 2022)[17]