La protection du logement des époux constitutif du domicile conjugal (fr)

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Sabine Haddad, avocat au barreau de Paris
Avril 2019




Le mariage oblige les époux à une communauté de vie. Le choix de la résidence se fait d'un commun accord et, en cas de conflit, il appartient au juge de fixer cette résidence en fonction des intérêts de la famille.


Le mariage oblige les époux à une communauté de vie.

Le choix de la résidence se fait d'un commun accord et, en cas de conflit, il appartient au juge de fixer cette résidence en fonction des intérêts de la famille.


L'article 215 du code civil dispose:


Les époux s'obligent mutuellement à une communauté de vie.

La résidence de la famille est au lieu qu'ils choisissent d'un commun accord...


Le régime matrimonial ne changera rien à l'affaire ici, de la même façon que la propriété du logement à l'un des deux ...


Cependant la détermination du logement de la famille est une question de fait laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond.


La résidence secondaire ne rentrera pas dans le domaine de l'article 215 al 3 du code civil.Voir 1ère Civ, 22 mars 1972 Bull. civ. I, n° 93 et 1 ère Civ,19 octobre 1999 Bull. civ. I, n° 284 .


Peut-on vendre le logement familial durant la procédure de divorce ?

La vente du logement de la famille suppose l'accord des deux époux: article 215 alinéa 3 du Code civil

(...)Les époux ne peuvent l'un sans l'autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni. Celui des deux qui n'a pas donné son consentement à l'acte peut en demander l'annulation : l'action en nullité lui est ouverte dans l'année à partir du jour où il a eu connaissance de l'acte, sans pouvoir jamais être intentée plus d'un an après que le régime matrimonial s'est dissous."


Ainsi, l'époux qui souhaitera annuler la vente disposera d'un an pour agir, à compter du jour où il a connaissance de l'acte.


Il peut également obtenir l'annulation d'une promesse de vente.


Autrement dit les actes de disposition ( vente, donation, promesse de vente, échange, apport en société, constitution d'hypothèque conventionnelle ... ) sont proscrits, au même titre qu'un bail locatif sans l'accord des deux époux, ou une résiliation du contrat d'assurance sans accord expres ou tacite.


A cela des textes régissant la vente des biens communs peuvent être argués.


  • Article 1422 du Code civil:


Les époux ne peuvent, l'un sans l'autre, disposer entre vifs, à titre gratuit, des biens de la communauté.


En cas de bail, la location du logement familial ne pourra pas être résiliée par un seul des époux, sans le consentement de son conjoint 2ème Civ, 10/3/2004.


En effet, les époux sont cotitulaires du bail (article 1751 du Code civil).


Ils sont réputés l'avoir signé à deux.


Il y a une cogestion dans ce type d'acte.

En cas de désaccord, la vente du domicile conjugal, peut être réalisée sur le fondement de l'article 217 du Code civil, mais encore faut-il que la vente soit conforme à l'intérêt de la famille.

L'application de l'article 217 du Code civil à défaut de consentement des deux époux

  • Article 217 du Code civil :


Un époux peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le concours ou le consentement de son conjoint serait nécessaire, si celui-ci est hors d'état de manifester sa volonté ou si son refus n'est pas justifié par l'intérêt de la famille.


L'acte passé dans les conditions fixées par l'autorisation de justice est opposable à l'époux dont le concours ou le consentement a fait défaut, sans qu'il en résulte à sa charge aucune obligation personnelle.


Les juges conservent un pouvoir souverain pour apprécier la situation.


La recherche de l'intérêt de la famille

1ère Civ, 30 septembre 2009 (Juris Data n° 2009-049663) a admis l'autorisation de la vente dans des conditions restrictives et limitées.


L'intérêt de la famille sera apprécié dans les termes de l'article 217 du Code civil.


La cour retient « l'attribution, à titre provisoire, de la jouissance du domicile conjugal à l'un des époux par le Juge du divorce ne fait pas obstacle à une autorisation judiciaire de vente du logement familial à la demande de l'autre époux en application de l'article 217 du Code civil. »


Le refus du conjoint ne doit pas nuire à l'intérêt de la famille

En l'espèce, si un mari présente une situation de surendettement importante et la vente du domicile conjugal correspond à l'ultime solution pour apurer, ou du moins ne pas aggraver, l'endettement.


Pour un mari qui a été aussi le seul à exercer une activité professionnelle et a réalisé la vente de ses biens propres avant d'envisager celle du domicile conjugal.


Le fait que l'un des époux ne réside plus dans le logement de famille ne lui fait pas perdre la protection

Le consentement des deux époux, ou l'autorisation judiciaire en cas de désaccord vaudront même si le domicile a été attribué à l'autre époux à titre provisoire par le Juge conciliateur.

Lors du divorce, le juge aux affaires familiales prendra des mesures provisoires et attribuera la jouissance du domicile conjugal à l'un des époux dans son ordonnance de non-conciliation, à titre gratuit ou onéreux.


En effet, les époux ne peuvent pas vendre le logement de famille s'ils n'y consentent pas tous les deux (c. civil art. 215 al. 3).


  • 1ère Civ,26 janvier 2011, pourvoi N° 09-13.138 [1]


a statué dans le cas de la vente parle mari du domicile conjugal dont la jouissance lui avait été attribuée en vertu d'une ordonnance de non-conciliation.


Pour la cour, tant que le mariage n'a pas été dissous, la vente de l'appartement sans le consentement de madame était nulle.

L’acte de vente sans le concours du conjoint est privé de tout effet

La nullité d'une promesse de vente invoquée par l'épouse, dont le consentement n'a pas été donné, prive l'acte de tout effet, y compris dans les rapports du mari avec ses autres cocontractants.


La nullité sera encourue sur le fondement des articles 215 al 3 et 1422 du code civil ( en cas de communauté).


  • cass 1ère Civ,3 mars 2010, pourvoi N° 08-18.947 [2]


La nullité d'une promesse unilatérale de vente invoquée par la femme, dont le consentement n’avait pas été donné, prive l’acte de tout effet, y compris dans les rapports du mari avec ses autres cocontractants,au sens de l’article 215, 3e alinéa, du Code civil.


Cette décision confirme la volonté de la Cour de cassation d'assurer la protection du logement familial au sens de l'article 215 du code civil.


Déjà jugé pour une promesse synallagmatique 1ère Civ, 6 avril 1994.

Les éventualités juridiques envisageables sur le logement de la famille

1°- Le testament du logement de la famille est autorisé.

2°- La protection n’entraine pas l'insaisissabilité du bien.


Un époux qui se porterait seul caution engagerait ses biens propres (le cas échéant le logement familial s'il lui appartient en propre) et ses revenus.


3°- Le juge aux affaires familiales, peut, au moment du prononcé du divorce, maintenir un bien dans l'indivision (article 267 du code civil) en présence d'enfants, pour retarder le moment de la vente de la famille, et leur permettre de se maintenir dans leur environnement


4°-Une attribution préférentielle peut être octroyée à l'autre moyennant soulte...


5°-Les créanciers des époux

Ceux-ci peuvent demander le partage du bien s'il est indivis, l'inscription d'une hypothèque judiciaire ou la vente forcée du logement.


6°-La continuité au décès de l'un des époux


L’article 1751 du Code civil prévoit que, lorsque le logement loué servait effectivement à l’habitation des époux, le conjoint survivant cotitulaire du bail dispose d’un droit exclusif sur celui-ci, sauf s’il y renonce expressément.


Il doit alors donner congé en respectant le délai de préavis légal.