La protection judiciaire des majeurs est-elle soluble dans les contentieux de la protection (fr)

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Date : 5 mai 2020
Auteur : Marie-Hélène ISERN-REAL, Avocat au Barreau de PARIS,ancien membre du cnb, sous commission de la famille : les protections des personnes vulnérables

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La circulaire préparatoire à la réforme du code de l’organisation judiciaire a eu pour objectif de rassurer les magistrats et greffiers sur l’attribution de la fonction de juge des tutelles au juge des contentieux de la protection. Elle garantit aux juges temporaires qui exerçaient les fonctions de juge d’instance qu’ils continueront leur mission[1].

Mais la fusion des tribunaux d’instance avec le tribunal de grande instance, qui organise la création d’un juge « des contentieux de la protection » chargé de la protection judiciaire, est-elle rassurante pour la protection des personnes vulnérables alors qu’il a pour mission de garantir la protection de leurs droits fondamentaux[2]?

Il connait en même temps le contentieux des loyers, celui des contrats à la consommation et le surendettement. Certes, il peut renvoyer à la formation collégiale[3]. Mais le fera-t’il et selon quels critères ?

Il est à craindre que l’attribution de la protection des majeurs  « au juge des contentieux de la protection » constitue une faute structurelle dans l’organisation judiciaire française portant gravement préjudice aux personnes protégées.

Selon le code de l’organisation judiciaire, conformément à la Constitution française, l’ancien juge du tribunal de grande instance est le garant des libertés publiques. Il a compétence générale.

Le droit commun s’applique à tous les justiciables par principe. C’était le postulat appliqué par les magistrats, avocats et mandataires judiciaires qui ont mis en œuvre la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, à la rédaction de laquelle ils avaient collaboré [4].

L’autorité judiciaire est la gardienne des libertés individuelles, selon l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789[5]. Son indépendance est garantie par le Président de la République, selon l’article 64 de la Constitution de 1958 [6].

L’article 66 de la constitution fait de l’Autorité judiciaire la garante des libertés individuelles. Cette garantie va bien au-delà de la compétence du nouveau juge des contentieux de la protection [7].
Le code de l’organisation judiciaire donne compétence générale au tribunal de grande instance désormais qualifié de tribunal judiciaire [8].
Pourquoi le nouveau code de l’organisation judiciaire rattache-t’il la protection des majeurs au juge « des contentieux de la protection » statuant éventuellement dans une « chambre de proximité » ?

Toutes les matières concernant l’état des personnes relèvent d’un juge du tribunal judiciaire au sens des anciennes attributions du tribunal de grande instance 

- le droit de la famille, y compris la tutelle des mineurs, relève du juge aux affaires familiales ;
- la protection des mineurs dans l’assistance éducative relève du juge des enfants ;
- le contrôle des hospitalisations psychiatriques relève du juge de la liberté et de la détention ;
- le jugement des infractions pénales relève du juge d’instruction, du juge correctionnel, du juge de la liberté et de la détention.

Ainsi les relations entre les membres de la famille, les mineurs en danger, les personnes souffrant de troubles psychiatriques et les délinquants voient leur cas examiné par un juge spécialisé de l’ancien tribunal de grande instance.

L’exception discriminatoire 

Dans la réorganisation récente de la justice, le législateur persiste à considérer que le juge de la protection des majeurs est le juge des nécessiteux et des personnes dépendantes au sens du code de l’action sociale et des familles, c’est-à-dire victimes d’un handicap physique ou psychique ou en raison de leur âge. La loi rattache la protection des majeurs à un juge du contentieux [9]. Or, la procédure de protection des majeurs donne au juge des pouvoirs extraordinaires, tout à fait dérogatoires du droit commun dans la gestion de la matière [10].

En particulier :
- il n’y a ni litige ni parties. Les autres personnes que la personne à protéger ou protégée sont un tiers, y compris le requérant s’il n’est pas nommé mandataire ;
- la procédure peut ne pas être contradictoire ;
- des moyens d’investigation sont possibles ;
- le secret professionnel ne tient pas à l’égard du juge ou du procureur de la République qui peuvent être saisis par les professionnels assujettis par un signalement ;
- le recours est fait contre une décision et non pas contre une personne, etc.

La loi de programmation comme le décret d’application ne changent en rien le fonctionnement de la juridiction pour le justiciable. La personne vulnérable, dépendante, souffrante d’un handicap ou des effets de l’âge, lorsqu’elle a besoin d’être protégée, continue à relever de la même juridiction organisée sous une dénomination différente.

De plus, les fonctions de cette chambre de proximité, pourront être assurées par un juge « temporaire » et non par un juge statutaire, à la discrétion du président du tribunal judiciaire. Cette nouvelle organisation judiciaire n’est pas conforme aux objectifs de la protection des droits fondamentaux personnes majeures dont l’état de santé leur permet de « bénéficier » d’une protection juridique ou judiciaire[11]

Le rapport de la mission parlementaire préparatoire à la réforme de la protection des majeurs est pourtant formel sur les objectifs de la protection judiciaire en France ( Rapport de la mission parlementaire du 26 juin 2019 )

L’objet des travaux de la mission a donc été de chercher la meilleure manière de garantir que les majeurs protégés bénéficient des mêmes droits fondamentaux que toute personne tout en adaptant les conditions d’exercice de ces droits pour qu’ils soient pleinement effectifs.
Les mesures de protection consistent précisément à préserver les droits des majeurs, à les accompagner dans l’exercice de ceux-ci et à protéger leur intégrité financière et patrimoniale. Les majeurs protégés disposent donc avant tout d’un «droit à faire valoir leurs droits» même s’ils n’en ont pas la pleine capacité.
Cette conception des droits fondamentaux des majeurs protégés – identiques à ceux des autres citoyens mais spécifiquement garantis – a récemment guidé la jurisprudence du Conseil constitutionnel. À l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité, le 14 septembre 2018, le Conseil constitutionnel a déclaré que l’absence d’obligation légale de prévenir le tuteur ou le curateur lorsqu’un majeur sous protection fait l’objet d’une garde à vue était contraire aux droits de la défense garantis par la Constitution.
En effet, le Conseil constitutionnel a considéré que « dans le cas où il n'a pas demandé à ce que son curateur ou son tuteur soit prévenu, le majeur protégé peut être dans l’incapacité d’exercer ses droits, faute de discernement suffisant ou de possibilité d’exprimer sa volonté en raison de l’altération de ses facultés mentales ou corporelles »
Le majeur protégé ne doit donc être ni privé des droits fondamentaux dont dispose toute personne, ni doté de droits particuliers. En revanche, il fait l’objet de mesures spécifiques visant à garantir le plein exercice de ses droits.

On ne peut être plus juste et plus clair.

Il est vrai que l’avis du Défenseur des droits N° 19-01 du 10 janvier 2019 avait répondu de façon bien vigoureuse aux interrogations de l’Assemblée nationale [12].

Il est regrettable que la réorganisation judiciaire n’ait pas pris en compte ces principes essentiels afin de rendre effectif l’accès au droit des personnes vulnérables leur permettant réellement de faire respecter leurs droits fondamentaux dans le cadre de la même organisation judiciaire que celle dont bénéficient les autres justiciables, tout en maintenant le niveau de protection spécifique que justifie leur état de dépendance.

L’exemple récent de l’attribution éventuelle au juge des libertés et de la détention des contentieux du confinement est caractéristique de la discrimination infligée aux majeurs vulnérables.

- Confondre contentieux et protection constitue une faute structurelle majeure, qui ne permettra pas d’élever au niveau de la protection des droits fondamentaux les décisions juges et les actes des organes de la protection ;
- La loi du 5 mars 2007 a donné à la priorité à la protection de la personne dans le respect de sa liberté, de sa dignité et vers la recherche d’une plus grande autonomie ;
- Le juge de la protection des personnes doit veiller à ce que la loi soit effective et garantir non seulement la protection sociale d’une personne, mais aussi la protection de ses droits fondamentaux dont la protection sociale n’est qu’une des composantes. Cette composante est subordonnée aux droits fondamentaux car elle constitue la compensation financière, chichement accordée, aux personnes qui n’ont pas les moyens d’assurer par elles-mêmes leur propre prise en charge.
- La protection est un devoir des familles et de la collectivité publique[13] ;
- Cette erreur de principe a des conséquences majeures, en ce qu’elle constitue une discrimination institutionnelle à l’égard des personnes vulnérables sans aucune justification.

L’ancien juge d’instance, devenu juge des contentieux de la protection, est aussi le juge des contrats de consommation, des loyers, du surendettement.

- Il est le juge des personnes en difficulté économique, qui ont besoin d’un juge de proximité. Il connait le terrain sur lequel s’exerce sa juridiction.
- Il est un juge technicien des droits particuliers qui relèvent de la protection du logement, des conditions financières de la vie quotidienne pour les contrats de faible intérêt du litige et du surendettement.
- Certes, il applique une législation protectrice, qui traite des litiges entre locataires et bailleurs ou entre créanciers et débiteurs.

Il n’en reste pas moins qu’il statue sur un litige entre des parties dans le cadre de l’exécution d’un contrat.

En sa qualité d’un réel juge de contentieux, il veille à la bonne exécution d’un contrat particulièrement réglementé, dans un souci de garantir de l’exacte application de la loi à la partie la plus faible économiquement. Il faut noter que l’administration, par l’intermédiaire du préfet peut suspendre l’exécution de ses décisions en matière d’expulsion.

Selon l’article 459-2 du code civil[14], le juge de la protection des majeurs est chargé spécifiquement de la protection du logement et des relations de la personne avec les tiers, ainsi que de ses ressources mais dans un sens tout autre que celle des loyers ou du surendettement, car les majeurs protégés ne sont pas obligatoirement faibles économiquement.

Leur protection financière a pour objectif exclusif de faire respecter leurs droits personnels.

Il est le protecteur des droits fondamentaux et notamment de l’article 8 de la convention européenne des droits humains [15].

Ainsi le contentieux des loyers, du crédit et du surendettement n’a aucun rapport avec la protection des majeurs. Le maintenir dans le même concept de « contentieux de la protection » n’a aucun sens ni juridique ni social ni économique.

La protection des majeurs est d’une toute autre nature.

Elle porte une atteinte grave et souvent irréversible aux libertés individuelles et aux droits fondamentaux des personnes, dont l’état de santé s’aggrave la plupart du temps en raison du handicap ou de l’âge.

- Les mesures prises vont bien au-delà de la protection du logement ou du traitement du surendettement, souvent rendus nécessaires en raison de l’incurie administrative résultant de la perte de compétence causée par les aléas de la vie. Incurie dont est parfois responsable le défaut d’accompagnement des personnes par les travailleurs sociaux.

Toutes les personnes justifiant d’une protection judiciaire ne relèvent pas de la prise en charge sociale visant à la protection du logement, ou la réparation de l’incurie administrative.

À ce titre d’ailleurs, les avocats observent que, si les services sociaux avaient une meilleure appréciation de leur mission, le recours au juge des loyers et du surendettement éviterait bien des saisines du juge de la protection des majeurs, et ce n’est pas qu’une question de ressources financières.

- Le juge de la protection des personnes majeures statue sur les principes fondamentaux garantis par l’article 23 de la Charte sociale : respect de la libre volonté, de la dignité, inclusion dans la vie sociale de la personne protégée [16].

Il s’agit des libertés fondamentales qui, en France, relèvent de la compétence générale du juge du tribunal de grande instance, devenu juge judiciaire selon la réorganisation entrée en vigueur le 1er janvier 2020.


- Sans mettre en cause la compétence et le dévouement des anciens juges d’instance ni méconnaître leur charge de travail, il s’agit de juges souvent en début de carrière, qui n’ont pas choisi cette matière si particulière par l’approche humaine et l’expérience de la vie qu’elle nécessite ;

- La privation de l’exercice des droits civils porte une atteinte considérable à l’état des personnes, ce qui justifie la présence du procureur de la République dans la procédure. Or, le procureur ne voit qu’un dossier et n’est présent à l’audience qu’en appel, lorsque son emploi du temps le permet. Elle concerne des personnes malades par définition, à qui une protection particulière doit être proposée, justement en raison de leur état de faiblesse ;

- Il s’agit d’une erreur méthodologique particulièrement grave : la procédure de protection des majeurs, de nature gracieuse ne peut en aucun cas être confiée à un juge qualifié de « juge du contentieux ».

- Cette attribution va à l’encontre de tous les principes de la compensation des déficiences des personnes vulnérables, que ce soit la convention relative aux droits des personnes handicapées[17] comme la charte sociale européenne.

La confier à un juge dénommé « juge du contentieux », prive, par principe, toute personne vulnérable de la garantie constitutionnelle donnée par un juge garant de l’exercice de ses libertés individuelles, comme ceux de tous les autres citoyens.

C’est pourquoi, le rapport de Madame Caron-Déglise demande un changement de dénomination et préconise la création d’un juge spécialisé qui statuerait sur la protection judiciaire, assurerait le contrôle de la protection conventionnelle ainsi que le contrôle des hospitalisations psychiatriques sans consentement.

( Rapport de mission interministérielle par Madame Anne Caron-Déglise, avocate générale à la Cour de cassation du 21 septembre 2018 L’ÉVOLUTION DE LA PROTECTION JURIDIQUE DES PERSONNES Reconnaître, soutenir et protéger les personnes les plus vulnérables)

Il serait dénommé Juge des libertés civiles et de la protection :

« Supprimer la dénomination « juge des tutelles » et la remplacer par celle de « juge des libertés civiles et de la protection », fonction actuellement exercée par le juge d’instance. Cette fonction peut demeurer dans les attributions du juge d’instance si celui-ci demeure un juge statutaire (option 1), ou en être dissociée par la création d’une fonction spécialisée statutaire (option 2) ».

Le rapport du 21 septembre 2018 a particulièrement attiré l’attention sur la particularité de la fonction de juge de la protection des majeurs :

« Un autre scénario, consiste à aller jusqu’au bout de la logique de spécialisation de la fonction de juge des tutelles car ce juge n’est pas un juge civiliste comme les autres.

Sa spécialisation se justifie non seulement par le nombre des affaires traitées (plus de 200 000 demandes d’ouverture ou de révision des mesures outre 250 000 requêtes en cours de mesures sont traitées par an par 190 juges des tutelles) dans un délai contraint au regard des enjeux humains, financiers et personnels mais surtout par la complexité croissante de la fonction, qui nécessite une maîtrise de ses aspects juridiques multiples et de plus en plus complexes, mais aussi de solides connaissances et compétences complémentaires, en matière patrimoniale, médicale, de protection sociale, de relations familiales, de techniques d’entretien, de gestion de cabinet, de construction de réseaux et de management d’équipes qui exigent des relations suivies, cohérentes et constantes pour qu’une véritable politique publique puisse s’installer avec efficacité et respect des personnes. »

De plus, ce juge doit avoir une grande expérience procédurale, car le droit commun doit être adapté aux règles particulières de la protection.

Leur compétence est à rapprocher de celle des avocats qui sont indistinctement spécialistes « en droit de la famille, des personnes et de leur patrimoine ».

Il ne peut en aucun cas être confié à un juge temporaire.

Or, c’est le cas, malgré la protestation de l’association nationale des juges d’instance dès 2016[18] : Sur l’aptitude aux fonctions pouvant être exercées par les magistrats exerçant à titre temporaire, l’ANJI souhaite attirer l’attention du CSM, pour le tribunal d’instance, sur les fonctions suivantes :
- juge des tutelles majeurs, dans la mesure où il s’agit d’un service fonctionnant en cabinet, comme pour le juge d’instruction ou le juge des enfants, au surplus fonction dont l’exercice par un magistrat à temps partiel est rendu difficile pour des raisons de continuité du suivi et de responsabilité.

Dans la mesure où le MATT sera payé en vacations et où ses charges de travail seront déterminées en premier par le président du TGI, la fonction de cabinet de tutelles (qui demande un suivi des dossiers dans la durée et un temps de traitement régulier au TI) sera difficilement conciliable avec la précarité des MATT, dont les fonctions sont susceptibles de changement en cours d’année, par exemple pour les besoins du tribunal correctionnel ou si les vacations sont épuisées.
Dans cette hypothèse, il serait important que soit le CSM refuse l’intégration en qualité de MTT, s’il considère que les dispositions légales ne lui permettent pas de prononcer une restriction quant à l’étendue des fonctions confiées à l’intéressé, soit en cas d’analyse inverse, restreigne les fonctions de telle manière que les présidents de TGI et les magistrats chargés de l’administration de TI ne se trouvent pas confrontés à l’impossibilité d’organiser les services, alors que la chancellerie aurait considéré dans l’évaluation des besoins des juridictions en ETP, tous les MTT, apte à exercer toutes les fonctions prévues par la loi nouvelle.

De l’aveu de la plupart des praticiens, les compétences exigées du juge de la protection des majeurs se rapprochent bien plus de celles du juge aux affaires familiales que de celles du juge des loyers et du surendettement :

- juge des relations familiales, d’autant plus important s’il n’y a pas de famille, pour les personnes isolées afin que soit mis en place un relais social adapté intégrant la satisfaction de ses besoins personnels ;
- juge de l’état des personnes, de leur vie de dépendance. Il doit aussi connaitre le droit médical et notamment le consentement aux soins. Le droit du préjudice corporel lui permettra ainsi de connaître le mécanisme des droits sociaux qui ont une telle importance dans les budgets des personnes dépendantes en raison de leur handicap ;
- il devra aussi connaître le droit des ventes, du partage et de la gestion patrimoniale.
Soumettre la protection judiciaire à un juge prétendument social est une insulte à la fonction constitutionnelle de la justice, qui doit être particulièrement protectrice en raison de la vulnérabilité des personnes et de leur entourage.

Le niveau territorial doit être coordonné 

C’est au département que sont dévolues les attributions des droits sociaux et la prise en charge sociale des personnes âgées. C’est au niveau d’un juge spécialisé du nouveau tribunal judiciaire que pourra être établie la coordination entre la protection sociale et la protection civile.

- Il n’existe aucune justification à maintenir la protection des majeurs à la compétence du futur juge des contentieux de la protection, sous un prétexte de proximité alors que les juridictions de proximité sont supprimées. Une telle formulation n’a aucun sens.

La chambre de proximité ne va pas l’être géographiquement. Changer le mot ne va pas changer la compétence territoriale.

- Le rapport Caron-Déglise prévoit cette « harmonisation des pratiques destinées à assurer une meilleure équité de traitement des situations des personnes :
« S’appuyer au niveau départemental notamment sur les MDPH, les Maïa et les outils de la loi d’adaptation de la société au vieillissement pour :
- renforcer la dynamique de réseau ;
- soutenir le renforcement de l’accompagnement effectif des personnes et de leurs aidants dans l’accès aux droits et de suivi des orientations ;
- élaborer un projet individualisé pour chaque personne, partant de sa demande ou celle de ses soutiens de proximité, prenant en compte sa volonté et ses préférences et les informations médicales et sociales, par exemple des CLIC, des équipes APA, des services sociaux (CCAS, départements), des SSIAD et des SPASAD, des réseaux gérontologiques, des plateformes de soins ;
- créer un espace identifié d’évaluation pluridisciplinaire et multidimensionnel et un service référent de coordination associant le secteur sanitaire et médico-social, ayant une porte d’entrée unique sur un territoire départemental pour faire des propositions concrètes d’aides et de soutien, au moins pour les situations les plus complexes ».

Le rapport parlementaire prévoit aussi un rapprochement avec le secteur social pour éviter une redondance et favoriser l’approche pluridisciplinaire, indispensable en la matière.

Il n’en reste pas moins que la protection des personnes âgées doit rester entre les mains du juge judiciaire, selon une procédure gracieuse, et non pas d’un juge contentieux dont la nature protectrice n’a que le nom.

Il s’agit pour le législateur d’une faute majeure dans l’organisation judiciaire de la France qui doit être rectifiée en urgence.

Cette faute montre surtout à quel point le législateur méprise la souffrance des populations vulnérables et celle de leur entourage.


La personne souffrant d’une dépendance liée à un handicap ou à l’âge est en grande souffrance en raison de la perte de son autonomie.

Son entourage souffre aussi et parfois supporte affectivement et matériellement la compensation de la perte de qualification de son parent et doit assumer, brutalement parfois, la prise en charge de ses besoins ainsi révélée. Il se trouve que la distance, la nature des relations rend impossible cette prise en charge. La justice est là pour suppléer, non pas simplement sur le plan de l’indemnisation sociale, mais sur le plan du respect de la dignité et de la liberté de choix de la personne.

La lourdeur des processus administratifs aggrave l’assujettissement. Combien d’avocats ont entendu : «  je ne peux pas être administratrice des biens de mon mari, j’ai assez à faire avec l’accompagnement médical et l’organisation de sa vie quotidienne. »

Dans certains territoires, il arrive parfois que l’indigence de la proposition médicale, des travailleurs sociaux, insuffisants en nombre et en compétence, renvoie vers une protection judiciaire débordée.

Ainsi, la justice devient le déversoir des difficultés du secteur médical et social.

Elle doit jouer son rôle de protecteur des droits fondamentaux et ne peut rajouter une nouvelle souffrance à celle déjà subie par une gestion dogmatique et trompeuse de la protection des personnes.

Combien de personnes âgées ont-elles dit à leur avocat : « je suis humiliée de comparaître devant un juge, moi qui ai mené toute une vie de droiture. » Combien de personnes atteintes d’un trouble physique ou psychiatrique n’ont-elles pas protesté avec vigueur contre l’atteinte à leur liberté.

Avec cette dénomination erronée, comment expliquer à une personne qu’elle « bénéficie » d’une protection, que la curatelle ou la tutelle est « pour » elle et non pas « contre » elle ?

Que s’il y a un litige, le juge le tranchera exclusivement en fonction de ses propres intérêts et non pas en faveur d’autrui, proche ou professionnel ?

Renvoyer ces personnes devant un juge « des contentieux » constitue à leur égard une faute majeure qui ne permet pas au juge qui en est chargé de se positionner en protecteur de leurs droits fondamentaux.



Références

  1. SJ-19-122-DSJ-CAB 08.04.2019
  2. Art. L. 213-4-2.-Le juge des contentieux de la protection exerce les fonctions de juge des tutelles des majeurs. 
« Il connaît : 
« 1° De la sauvegarde de justice, de la curatelle, de la tutelle des majeurs et de la mesure d'accompagnement judiciaire ; 
« 2° Des actions relatives à l'exercice du mandat de protection future ; 
« 3° Des demandes formées par un époux, lorsque son conjoint est hors d'état de manifester sa volonté, aux fins d'être autorisé à passer seul un acte pour lequel le concours ou le consentement de ce dernier serait nécessaire, ou aux fins d'être habilité à le représenter ; 
« 4° De la constatation de la présomption d'absence ; 
« 5° Des demandes de désignation d'une personne habilitée et des actions relatives à l'habilitation familiale prévue à la section 6 du chapitre II du titre XI du livre Ier du code civil. Il connait aussi : « Art. L. 213-4-3.-Le juge des contentieux de la protection connaît des actions tendant à l'expulsion des personnes qui occupent aux fins d'habitation des immeubles bâtis sans droit ni titre. « Art. L. 213-4-4.-Le juge des contentieux de la protection connaît des actions dont un contrat de louage d'immeubles à usage d'habitation ou un contrat portant sur l'occupation d'un logement est l'objet, la cause ou l'occasion ainsi que des actions relatives à l'application de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement. « Art. L. 213-4-5.-Le juge des contentieux de la protection connaît des actions relatives à l'application du chapitre II du titre Ier du livre III du code de la consommation.
« Art. L. 213-4-6.-Le juge des contentieux de la protection connaît des actions relatives à l'inscription et à la radiation sur le fichier national recensant les informations sur les incidents de paiement caractérisés liés aux crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels prévu à l'article L. 751-1 du code de la consommation. 
« Art. L. 213-4-7.-Le juge des contentieux de la protection connaît des mesures de traitement des situations de surendettement des particuliers et de la procédure de rétablissement personnel.
  3. « Art. L. 213-4-8.-Le juge des contentieux de la protection peut renvoyer à la formation collégiale du tribunal judiciaire, qui statue comme juge des contentieux de la protection. 
« La formation collégiale comprend le juge qui a ordonné le renvoi. » ;
  4. Article L211-3 du code de l’organisation judiciaire : Le tribunal de grande instance connaît de toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n'est pas attribuée, en raison de leur nature ou du montant de la demande, à une autre juridiction.
  5. Article 16 Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution.
  6. Article 64 Le Président de la République est garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire. Il est assisté par le Conseil supérieur de la magistrature. Une loi organique porte statut des magistrats. Les magistrats du siège sont inamovibles.
  7. Article 66 Nul ne peut être arbitrairement détenu. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi.
  8. Nouveau code de l’organisation judiciaire applicable au 1er janvier 2020 Créé par LOI n°2019-222 du 23 mars 2019 - art. 95 Décret n° 2019-912 du 30 août 2019 modifiant le code de l’organisation judiciaire et pris en application des articles 95 et 103 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice « Art. R. 211-3-26. – Le tribunal judiciaire a compétence exclusive dans les matières déterminées par les lois et règlements, au nombre desquelles figurent les matières suivantes : « 1° État des personnes : mariage, filiation, adoption, déclaration d’absence ; »
  9. Définition par Serge BRAUDO – Dictionnaire du droit privé En procédure civile le mot (contentieux) désigne toute procédure destinées à faire juger par un tribunal de la recevabilité et du bien-fondé des prétentions opposant une ou plusieurs personnes à une ou plusieurs autres. Le contraire de "matière contentieuse "est "matière gracieuse". Le nouveau Code de procédure civile édicte des " règles propres à la matière gracieuse " (Articles 25 et s.)
    . Article 25 du code de procédure civile Le juge statue en matière gracieuse lorsqu'en l'absence de litige il est saisi d'une demande dont la loi exige, en raison de la nature de l'affaire ou de la qualité du requérant, qu'elle soit soumise à son contrôle.
  10. Article 26 Le juge peut fonder sa décision sur tous les faits relatifs au cas qui lui est soumis, y compris ceux qui n'auraient pas été allégués
    Article 27Le juge procède, même d'office, à toutes les investigations utiles
    Il a la faculté d'entendre sans formalités les personnes qui peuvent l'éclairer ainsi que celles dont les intérêts risquent d'être affectés par sa décision. 'Article 28Le juge peut se prononcer sans débat.
    Article 29Un tiers peut être autorisé par le juge à consulter le dossier de l'affaire et à s'en faire délivrer copie, s'il justifie d'un intérêt légitime.
  11. Article 425 du code civil Toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté peut bénéficier d'une mesure de protection juridique prévue au présent chapitre. S'il n'en est disposé autrement, la mesure est destinée à la protection tant de la personne que des intérêts patrimoniaux de celle-ci. Elle peut toutefois être limitée expressément à l'une de ces deux missions. Article 425 du code civil Toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté peut bénéficier d'une mesure de protection juridique prévue au présent chapitre. S'il n'en est disposé autrement, la mesure est destinée à la protection tant de la personne que des intérêts patrimoniaux de celle-ci. Elle peut toutefois être limitée expressément à l'une de ces deux missions.
  12. Réf. : juridique.defenseurdesdroits.fr
  13. Article 415 du code civil Les personnes majeures reçoivent la protection de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire selon les modalités prévues au présent titre. Cette protection est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne. Elle a pour finalité l'intérêt de la personne protégée. Elle favorise, dans la mesure du possible, l'autonomie de celle-ci. Elle est un devoir des familles et de la collectivité publique.
  14. Article 459-2 du code civil La personne protégée choisit le lieu de sa résidence. Elle entretient librement des relations personnelles avec tout tiers, parent ou non. Elle a le droit d'être visitée et, le cas échéant, hébergée par ceux-ci. En cas de difficulté, le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué statue.
  15. Article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales  Droit au respect de la vie privée et familiale :
    Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
  16. Article 23 Droit des personnes âgées à une protection sociale
    En vue d’assurer l’exercice effectif du droit des personnes âgées à une protection sociale, les Parties s’engagent à prendre ou à promouvoir, soit directement soit en coopération avec les organisations publiques ou privées, des mesures appropriées tendant notamment :
    – à permettre aux personnes âgées de demeurer le plus longtemps possible des membres à part entière de la société, moyennant :
    a. des ressources suffisantes pour leur permettre de mener une existence décente et de participer activement à la vie publique, sociale et culturelle ;
    b. la diffusion des informations concernant les services et les facilités existant en faveur des personnes âgées et les possibilités pour celles-ci d’y recourir ;
    – à permettre aux personnes âgées de choisir librement leur mode de vie et de mener une existence indépendante dans leur environnement habituel aussi longtemps qu’elles le souhaitent et que cela est possible, moyennant : a. la mise à disposition de logements appropriés à leurs besoins et à leur état de santé ou d’aides adéquates en vue de l’aménagement du logement ;
    b. les soins de santé et les services que nécessiterait leur état ;
    – à garantir aux personnes âgées vivant en institution l’assistance appropriée dans le respect de la vie privée, et la participation à la détermination des conditions de vie dans l’institution.
  17. Ref. un.org Convention relative aux droits des personnes handicapées : articles 5 Égalité et non-discrimination ; 12 Reconnaissance de la personnalité juridique et 13 Accès aux juridictions
  18. Tours, le 6 janvier 2017 Objet : dispositions issues de la réforme de la loi organique n°2016-1090 du 8 août 2016 portant sur le statut des magistrats à titre temporaire (MTT) Vous avez bien voulu demander à l’ANJI une contribution dans le cadre de l’examen auquel vous allez procéder dès janvier 2017, des propositions de nominations de MTT, outre le renouvellement des mandats des actuels MTT, et les propositions de nominations de candidats aux fonctions de juge de proximité (JP) ayant effectué leur stage probatoire dans la période transitoire.