La responsabilité du vendeur professionnel en cas de vice caché : rappel des règles applicables

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
France > Droit civil >  Droit commercial

Guillaume Lasmoles, avocat au barreau de Montpellier[1]
Février 2024


Lorsqu’un acheteur découvre un défaut sur la chose qu’il a acquise, il peut se prévaloir de la garantie des vices cachés prévue par les articles 1641 à 1649 du Code civil.

Cette garantie permet à l’acheteur d’obtenir la résolution ou la réduction du prix de la vente, ainsi que des dommages-intérêts si le vendeur connaissait le vice. Mais qu’en est-il lorsque le vendeur est un professionnel ? Quelles sont les conditions et les modalités de sa responsabilité ? Quels sont les délais pour agir en garantie des vices cachés ? C’est à ces questions qu’à répondu la Cour de cassation le 17 janvier 2024 (Com. 17 janvier 2024, n°21-23909 [2])

La présomption de mauvaise foi du vendeur professionnel

Le premier critère qui conditionne la responsabilité du vendeur en cas de vice caché est sa bonne ou mauvaise foi. En effet, l’article 1645 du Code civil dispose que "si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur".

Ainsi, le vendeur de mauvaise foi doit indemniser l’acheteur de l’intégralité de son préjudice, alors que le vendeur de bonne foi n’est tenu qu’à la restitution du prix ou à la réduction du prix.

La question qui se pose alors est de savoir comment établir la connaissance du vice par le vendeur.

La réponse varie selon que le vendeur est un professionnel ou non. Pour le vendeur non professionnel, il appartient à l’acheteur de rapporter la preuve que le vendeur avait connaissance du vice au moment de la vente.

Cette preuve peut être apportée par tout moyen, mais elle est souvent difficile à rapporter.

Pour le vendeur professionnel, en revanche, la Cour de cassation a instauré une présomption irréfragable de connaissance du vice.

Autrement dit, le vendeur professionnel est toujours présumé connaître les vices de la chose vendue, et il ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité en prouvant qu’il ignorait le vice.

Cette présomption repose sur l’idée que le vendeur professionnel dispose d’une compétence technique et d’une expérience qui lui permettent de détecter les vices de la chose vendue.

Mais qu’entend-on par vendeur professionnel ? Selon la jurisprudence, il s’agit de celui qui se livre de façon habituelle à la vente de biens de même nature que celui qui fait l’objet du litige.

Ainsi, le vendeur professionnel n’est pas nécessairement celui qui exerce une activité commerciale, mais celui qui vend des biens qui relèvent de son domaine d’expertise.

Par exemple, un agriculteur qui vend un tracteur est considéré comme un vendeur professionnel, alors qu’un particulier qui vend sa voiture n’est pas un vendeur professionnel.

La qualification de vendeur professionnel est donc une question de fait qui relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.

Le délai-butoir pour agir en garantie des vices cachés

Le second critère qui conditionne la responsabilité du vendeur en cas de vice caché est le respect du délai pour agir en garantie des vices cachés.

En effet, l’article 1648 alinéa 1 du Code civil dispose que “l’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice”.

Ce délai de deux ans est un délai de prescription, c’est-à-dire un délai au-delà duquel l’action n’est plus recevable. Ce délai commence à courir à partir du moment où l’acheteur découvre le vice, et non pas à partir du moment où il achète la chose.

Ainsi, si l’acheteur découvre le vice plusieurs années après la vente, il peut encore agir en garantie des vices cachés, à condition de le faire dans les deux ans suivant la découverte du vice.

Toutefois, ce délai de deux ans n’est pas le seul délai à prendre en compte.

En effet, il existe également un délai-butoir, qui est le délai maximal pour agir en garantie des vices cachés, quel que soit le moment de la découverte du vice.

Ce délai-butoir est fixé par l’article 2232 du Code civil, qui dispose que “le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit”.

Ainsi, l’action en garantie des vices cachés doit être exercée dans les vingt ans à compter du jour de la vente, même si le vice est découvert après ce délai.

Ce délai-butoir est applicable aux ventes commerciales ou mixtes conclues avant ou après l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, qui a réformé le droit de la prescription.

Que faut-il retenir ?

  • La responsabilité du vendeur en cas de vice caché dépend de sa bonne ou mauvaise foi, qui se détermine selon qu’il est un professionnel ou non.
  • Le vendeur professionnel est présumé connaître les vices de la chose vendue, et il doit indemniser l’acheteur de l’intégralité de son préjudice.
  • Le vendeur professionnel est celui qui se livre de façon habituelle à la vente de biens de même nature que celui qui fait l’objet du litige.
  • L’action en garantie des vices cachés doit être intentée dans les deux ans à compter de la découverte du vice, sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la vente.