La rupture du contrat de l'entraîneur de l'équipe féminine d'Arras était abusive, CA. Douai, 31 octobre 2014, n°13-04344 (fr)

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Auteur : Antoine Séméria
Avocat au barreau de Paris
Publié le 10/11/2014 sur le AVOSPORT blog de Me Antoine Séméria



CA. Douai, 31 octobre 2014, n° 13-04344, (N° LXB: A6246MZD)



Mots clés : Contrat de travail, licenciement, faute grave, rupture abusive, football, entraîneur, équipe féminine, association


En 2012, l'Association FOOTBALL CLUB FEMININ ARRAS (FCFA) a embauché un entraîneur pour son équipe féminine évoluant en Nationale 1, suivant contrat de travail à durée déterminée à temps partiel modulé, conclu pour une saison sportive.


Par lettre en date du 17 décembre 2012, l’entraîneur a été convoqué à un entretien préalable au licenciement et mis à pied à titre conservatoire.

Il s'est vu notifier son licenciement pour faute grave le 28 décembre 2012 avant de contester la mesure devant le Conseil de prud'hommes d'Arras.

Par jugement rendu le 21 octobre 2013, le Conseil de prud'hommes a requalifié le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et condamné l'Association FCFA à payer à son salarié des rappels de salaire et des dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat et clause de non-concurrence illicite.

L'Association FCFA a interjeté appel devant la Cour d’appel de Douai en rappelant que le contrat de travail de l’entraîneur avait été rompu du fait, d’une part, de son absence sans justificatif médical lors d'un déplacement de l'équipe à Toulouse et d’autre part de la dégradation des relations entre les parties du fait de résultats décevants.

L’entraîneur considérait quant à lui que la lettre de licenciement était imprécise et que le Club n'apportait aucun élément de nature à démontrer la réalité des horaires de travail pas plus que les difficultés relationnelles invoquées.

La Cour d’appel de Douai, aux termes de son arrêt du 31 octobre 2014, se prononce, notamment, sur les trois questions suivantes :

- le contrat de travail à temps partiel de l’entraîneur doit-il être requalifié en contrat de travail à temps complet ?

- la rupture du contrat de travail est-elle abusive ?

- la clause de non concurrence est-elle licite ?

Sur la requalification du contrat en contrat de travail à temps complet, la Cour relève que l'Association FCFA n’a pas communiqué au salarié de programme annuel indicatif de travail pas plus que ses horaires de travail, de sorte que les modalités d'aménagement du temps de travail adoptées par l'employeur doivent être considérées comme non conformes aux dispositions fixées par la Convention collective du sport.

Ainsi, « dès lors qu'il n'est pas justifié du respect des dispositions conventionnelles relatives au temps partiel modulé et en l'absence d'une quelconque mention dans le contrat de travail relative à la répartition des horaires de travail, le contrat est présumé à temps complet ».

En conséquence, l'Association FCFA est condamnée à payer à son entraîneur un rappel de salaire d'un montant de 3.094,10 € outre 309 € au titre des congés payés y afférents.

Sur la caractère abusif de la rupture du contrat de travail, la Cour constate que les manquements allégués par l’employeur pour justifier la faute grave de son salarié sont dépourvus de précision « en ce qu'il est reproché au salarié le fait de ne pas avoir prévenu d'une absence, sans aucune indication de date, alors que le motif tiré de problèmes relationnels est particulièrement vague, les difficultés évoquées n'étant ni définies ni datées ».

Sur absence de l’entraîneur lors d’un déplacement à Toulouse, la Cour relève que le salarié était effectivement dans l'incapacité de se rendre au travail ce jour là et que rien ne démontrait qu’il se serait abstenu de prévenir son employeur.

L'Association FCFA ne rapportant pas la preuve d'une faute grave, la rupture est jugée abusive par la Cour d’appel et le club condamné à verser à l’entraîneur l’intégralité des salaires restant dus jusqu’au terme du contrat.

Enfin, sur la clause de non-concurrence, la Cour rappelle tout d’abord qu’une telle clause doit être justifiée par les intérêts légitimes de l'entreprise, être limitée dans le temps et l'espace et enfin, comporter une contrepartie pécuniaire.

Or, en l’espèce, la clause de non-concurrence insérée au contrat de l’entraîneur lui interdisait, sous peine du versement d’une indemnité de 10.000 €, « de s'engager directement ou indirectement au service d'un club dont l'équipe première évolue dans le même groupe de championnat que celui de l'Association ARRAS FOOTBALL CLUB FEMININ et ce pendant une durée de deux années à compter de la date de rupture de son contrat ».

Cette clause ne prévoyait ainsi aucune contrepartie pécuniaire au bénéfice du salarié, la rendant de facto illicite.

Le jugement rendu par la Conseil de Prud’hommes d’Arras est confirmé sur le principe de la condamnation mais infirmé sur son quantum, une somme de 10.000 € étant allouée au salarié en réparation du préjudice subi du fait de l'application de la clause de non-concurrence illicite.

L’Association est enfin condamnée à verser à l’entraîneur une somme de 500 € pour non respect de la procédure disciplinaire du fait de l’envoi de la lettre de rupture moins de deux jours ouvrables après l'entretien l’entretien préalable.


Voir aussi

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