La vidéosurveillance au travail : quelles sont les règles pour les caméras en entreprise ? (fr)

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
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Auteur : Thierry Vallat, avocat au Barreau de Paris
Avril 2017


Les environnements de travail sont de plus en plus équipés de dispositifs de videosurveillance. S’ils sont légitimes pour assurer la sécurité des biens et des personnes, de tels outils ne peuvent pas conduire à placer les employés sous surveillance constante et permanente.


Le rapport 2016 de la Cnil paru le 27 mars 2017 nous apprend que le nombre de réclamations liées à la vidéosurveillance par les employeurs a doublé ces deux dernières années puisque 14% des 7 703 plaintes reçues par la Cnil en 2016 étaient liées au travail (37e rapport annuel 2016)


Plus de la moitié des griefs concerne les mauvaises pratiques des employeurs en matière de vidéosurveillance. Or, placer des caméras dans les lieux de pause de l'entreprise, les vestiaires, les toilettes ou aux abords du local syndical n'est pas permis.


L'occasion de faire le point sur la videosurveillance en entreprise.


Quelles règles les employeurs doivent-ils respecter? Quels sont les droits des employés?

Des caméras peuvent être installées sur un lieu de travail à des fins de sécurité des biens et des personnes, à titre dissuasif ou pour identifier les auteurs de vols, de dégradations ou d’agressions


Les caméras peuvent être installées au niveau des entrées et sorties des bâtiments, des issues de secours et des voies de circulation. Elles peuvent aussi filmer les zones où de la marchandise ou des biens de valeur sont entreposés.


Elles ne doivent pas filmer les employés sur leur poste de travail, sauf circonstances particulières (employé manipulant de l’argent par exemple, mais la caméra doit davantage filmer la caisse que le caissier ; entrepôt stockant des biens de valeurs au sein duquel travaillent des manutentionnaires). En effet, sur le lieu de travail comme ailleurs, les employés ont droit au respect de leur vie privée.


Les caméras ne doivent pas non plus filmer les zones de pause ou de repos des employés, ni les toilettes. Si des dégradations sont commises sur les distributeurs alimentaires par exemple, les caméras ne doivent filmer que les distributeurs et pas toute la pièce.


Enfin, elles ne doivent pas filmer les locaux syndicaux ou des représentants du personnel, ni leur accès lorsqu’il ne mène qu’à ces seuls locaux.


Seules les personnes habilitées et dans le cadre de leurs fonctions peuvent visionner les images enregistrées (par exemple : le responsable de la sécurité de l’organisme). Ces personnes doivent être particulièrement formées et sensibilisées aux règles de mise en œuvre d’un système de vidéosurveillance.


La conservation des images ne doit pas excéder un mois. En règle générale, conserver les images quelques jours suffit à effectuer les vérifications nécessaires en cas d’incident, et permet d’enclencher d’éventuelles procédures disciplinaires ou pénales. Si de telles procédures sont engagées, les images sont alors extraites du dispositif (après consignation de cette opération dans un cahier spécifique) et conservées pour la durée de la procédure.


Lorsque c’est techniquement possible, une durée maximale de conservation des images doit être paramétrée dans le système. Elle ne doit pas être fixée en fonction de la seule capacité technique de stockage de l’enregistreur.

Quelles formalités ?

Les formalités à accomplir peuvent varier en fonction des lieux qui sont filmés.

Auprès de la CNIL

Si les caméras filment un lieu non ouvert au public (lieux de stockage, réserves, zones dédiées au personnel comme le fournil d’une boulangerie), le dispositif doit être déclaré à la CNIL. Une déclaration doit être effectuée pour chaque site ou établissement équipé. Un système qui n’aurait pas fait l’objet d’une déclaration à la CNIL ne peut être opposé aux employés. Si l’organisme qui a mis en place des caméras a désigné un Correspondant informatique et libertés (CIL), aucune formalité n’est nécessaire auprès de la CNIL, le CIL devant noter ce dispositif dans son registre.

Auprès de la préfecture

Si les caméras filment un lieu ouvert au public (espaces d’entrée et de sortie du public, zones marchandes, comptoirs, caisses), le dispositif doit être autorisé par le préfet du département (le préfet de police à Paris). Le formulaire peut être retiré auprès des services de la préfecture du département ou téléchargé sur le site du ministère de l’Intérieur.

Il peut également être rempli en ligne sur le site: https://www.televideoprotection.interieur.gouv.fr.

Auprès des instances représentatives du personnel

Les instances représentatives du personnel doivent être informées et consultées avant toute décision d’installer des caméras.

Quels recours ?

Si un dispositif de vidéosurveillance ne respecte pas ces règles, vous pouvez saisir :

• Le service des plaintes de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. La CNIL peut contrôler tous les dispositifs installés sur le territoire national, qu’ils filment les lieux fermés ou ouverts au public.

• Les services de l’Inspection du Travail

• Les services de la préfecture, si les caméras filment des lieux ouverts au public

• Les services de police ou de gendarmerie

• Le procureur de la République

• un avocat


Quelle information ?

Les personnes concernées (employés et visiteurs) doivent être informées, au moyen d’un panneau affiché de façon visible dans les locaux sous vidéosurveillance :

• de l’existence du dispositif,

• du nom de son responsable,

• de la procédure à suivre pour demander l’accès aux enregistrements visuels les concernant.

De plus, chaque employé doit être informé individuellement (au moyen d’un avenant au contrat de travail ou d’une note de service, par exemple.).

Quels sont les textes de référence ?

• La loi n°78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, lorsque les caméras filment des lieux non ouverts au public

• Le code de la sécurité intérieure : Articles L223-1 et suivants (lutte contre le terrorisme) Articles L251-1 et suivants, lorsque les caméras filment des lieux ouverts au public.

• Le code du travail : Article L2323-32 (information/consultation des instances représentatives du personnel) Articles L1221-9 et L1222-4 (information individuelle des salariés) Article L1121-1 (principe de proportionnalité)

• Le code civil : Article 9 (protection de la vie privée)

• Le code pénal : Article 226-1 (enregistrement de l’image d’une personne à son insu dans un lieu privé) Article 226-16 (non déclaration auprès de la CNIL) Article 226-18 (collecte déloyale ou illicite) Article 226-20 (durée de conservation excessive) Article 226-21 (détournement de la finalité du dispositif) Article R625-10 (absence d’information des personnes)


Enfin signalons deux récentes décisions qui illustrent l'approche judiciaire de la vidéosurveillance l'une de la Cour de cassation Chambre sociale du 26 juin 2013 n°12-16.564 et l'autre de la Cour d'appel de Paris du 24 février 2015 ayant condamné la Closerie des Lilas pour une surveillance trop zélée.


(Source: CNIL)