Le déclenchement d’une procédure devant le juge administratif

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.
France > Droit public > Droit administratif > Contentieux administratif

Par Valentine Léger
Juriste au Centre de documentation du Barreau de Paris

Le 23 mars 2023



I. La procédure contentieuse


La saisie du juge administratif


Pour la plupart des litiges, le juge administratif peut être saisi par lettre simple. La requête doit contenir les noms et coordonnées des parties. L’article R.411-1 du Code de justice administrative[1] prévoit que la requête doit contenir « l’exposé des faits et moyens, ainsi que l’énoncé des conclusions soumises au juge ». En pratique, les juges n’hésitent pas à requalifier juridiquement les demandes contrairement au juge du droit privé. Devant les juridictions administratives, il est aussi possible de déposer sa requête par voie électronique et de suivre son dossier via Télérecours citoyens.

La requête doit porter sur une décision préalable de l’administration et le justiciable doit avoir un intérêt direct et personnel à agir.

Sur certaines matières comme le contentieux fiscal, le contentieux des étrangers ou l’accès aux documents administratifs, un recours administratif, appelé recours administratif préalable obligatoire, est imposé.

« L’exercice d’un recours ne possède pas d’effet suspensif sur l’exécution des décisions contestées ».

Par principe, la procédure est gratuite devant les juridictions administratives et l’avocat n’est obligatoire que lorsqu’une somme d’argent ou un contrat est en jeu.


L’instruction


L’instruction permet au dossier d’être mis en état d’être jugé. Un magistrat rapporteur est chargé de suivre le dossier bien que l’affaire soit étudiée par plusieurs magistrats.

Le demandeur écrit un mémoire introductif d’instance qui reprend les faits, moyens et conclusions et le juge le transmet au défendeur qui répondra également par un mémoire qu’on appelle mémoire en réplique. Une séance orale d’instruction ou une audience d’instruction peut aussi être organisée.

S’il n’y a pas d’ordonnance de clôture, les parties ont jusqu’à 3 jours francs avant l’audience pour adresser leurs écrits.

Enfin, l’affaire est inscrite à une séance de jugement une fois l’instruction terminée.


L’audience


Chaque partie reçoit une convocation à l’audience au minimum 7 jours avant par lettre recommandée avec avis de réception ou sur Télérecours citoyens. Ce sera seulement en cas d’urgence que le délai serait réduit à 2 jours.

Le jour de l’audience, le président donne la parole au rapporteur qui rappelle le contenu de la demande et les prétentions de chacune des parties. C’est aussi le rapporteur qui présente au juge les conclusions qui lui paraissent le plus adapté à la situation des parties. Les parties peuvent ensuite présenter des observations orales sans soulever de nouveaux arguments. Les parties ne sont pas obligées d’être présentes le jour de l’audience.

Dès que l’audience prend fin, l’affaire est mise en délibérée où les juges débattent en dehors des parties et du rapporteur public puisqu’en vertu de l’article L.8 du Code de la justice administrative[2], le délibéré des juges est secret.


Le jugement


En vertu de l’article L.9 du Code de la justice administrative[3], les jugements doivent être motivés. Les décisions sont rendues sous quinze jours après l’audience et le jugement est notifié aux parties par lettre recommandée avec avis de réception ou par Télérecours citoyens.


Les recours


La lettre de notification de jugement indique les recours possibles et les délais s’y accompagnant.

Pour certains litiges, l’appel n’est pas possible mais un recours en cassation devant le Conseil d’État l’est. Dans les autres cas, la Cour administrative d’appel doit être saisie dans un délai de deux mois.


L’arrêt de la procédure avant la fin du procès


Dans cette hypothèse, il s’agit soit d’un non-lieu à statuer, soit d’un désistement. Dans le premier cas, le demandeur obtient satisfaction de l’administration avant l’intervention du jugement et il doit en avertir le greffe dans les plus brefs délais. Dans le second cas, le demandeur renonce à ce qu’il a demandé avant la tenue du procès. Il peut le faire sans se justifier mais doit en avertir le greffe au plus tôt.


II. Les procédures de référé


Le juge des référés statue en cas d’urgence « pour protéger un droit ou une liberté dans le cadre d’un conflit avec l’administration ». Il ne prend que des décisions provisoires. Le délai pour avoir une audience varie de quelques heures à quelques jours. Il existe 3 grandes catégories de procédures de référé.


Les référés d’urgence de droit commun


On en décompte trois dans ce cadre : le référé suspension, le référé liberté et le référé mesures utiles.

Pour le premier, c’est lorsque le juge ordonne la suspension de l'exécution de la décision administrative faisant l'objet d'une requête en annulation ou en réformation ou de certains de ses effets, « lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ».

Pour le référé liberté, le juge ordonne « toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale ».

Pour le référé mesures utiles, le juge « peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ».


Les référés de droit commun non conditionnés par l’urgence


On en dénombre deux ici : le référé constat et le référé instruction.

Pour le premier, le juge peut « désigner un expert pour constater sans délai les faits qui seraient susceptibles de donner lieu à un litige devant la juridiction ».

Pour le second, le juge peut « prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ».


Les référés spéciaux


Il y a le référé provision qui contient le référé contractuel et le référé précontractuel. Ensuite, il y a le référé en matière fiscale qui contient le référé en matière d’impôts directs et de taxes sur le chiffre d’affaires et le référé à l'égard des mesures conservatoires prises par le comptable à défaut de constitution par le contribuable de garanties suffisantes. Puis, il y a le référé en matière de communication audiovisuelle et enfin, la suspension des décisions administratives sur déféré préfectoral qui regroupe le régime général de suspension et le régime spécial de suspension en cas d’atteinte aux libertés publiques.

En ce qui concerne le référé provision, le juge peut décider « d’accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ».


Sources :

Service public, Déroulement d’un procès devant le tribunal administratif, 18 janvier 2023[4]

Code de justice administrative, 11 janvier 2023[5]

Vie publique, Justice administrative : quel est le rôle du juge des référés ?, 16 mai 2022[6]

Vie publique, Comment se déclenche une procédure devant le juge administratif ?, 28 juin 2021[7]

Conseil national des barreaux, Les référés devant les juridictions administratives[8]