Le harcèlement moral au travail (fr)

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Murielle Cahen, avocat au barreau de Paris

Novembre 2019


Dans le monde du travail, la culture omniprésente du résultat et de la gagne engendre de nombreux effets pervers dont il convient de protéger le salarié.


Nous étudieront ici la notion de harcèlement moral au travail.


Le dictionnaire Robert lui définit le harcèlement comme le fait de « soumettre sans répit à de petites attaques ».


Le dictionnaire Littré définit le verbe « harceler » comme « inquiéter par de petites, mais fréquentes attaques », au travers de ces deux définitions, il est possible de déduire la notion de tourment ainsi que la notion d’attaque caractérisée par leurs fréquences ainsi que leur caractère mesquin.


À travers ces deux définitions, l’on peut s’apercevoir aisément que l’on blâme ici une chose particulière, la répétition de petites attaques.


Plusieurs formes de harcèlement sont susceptibles d’être poursuivies le harcèlement sexuel et le harcèlement moral, ces deux formes de harcèlements peuvent néanmoins se retrouver sous la même incrimination lorsque l’on évoque le harcèlement moral au travail


Nous allons nous intéresser au harcèlement moral au travail dans notre présent article, il convient donc de déterminer le cadre légal relatif au harcèlement moral au travail (I) ainsi que la répression appliquée en cas de harcèlement moral au travail (II)


Le cadre légal du harcèlement moral au travail

Le harcèlement moral dispose d’une double incrimination, une incrimination au sens du Code pénal de 1994 (A) et la seconde incrimination ayant source dans le Code du travail (B).


Le harcèlement moral au travail au sens du Code pénal

La loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale [1] a permis l’introduction de la répression du harcèlement moral affectant les relations de travail dans le Code pénal à l’article L222-33-2 [2] du Code pénal.


La loi du 4 août 2014 [3] est venue pénaliser le harcèlement général dès lors que celui-ci dégrade les conditions de vie ou affectes la santé de la victime au-delà du cadre conjugal article 222-33-2-1 et des relations de travail prévus à l’article 222-33-2.


La loi du 3 août 2018 [4] est venue compléter le dispositif législatif portant sur le harcèlement global en précisant que le fait de partager ou approuver des propos constitutifs du harcèlement permet de considérer que l’auteur du partage ou de l’approbation est coauteur du harcèlement.


Les poursuites pour des faits de harcèlement moral au travail se doit d’être engagé après la réunion de toutes les preuves nécessaire pour convaincre la juridiction répressive de l’existence sans aucune ambiguïté possible d’un harcèlement moral à défaut cela se traduit de la manière suivante lorsque la personne faisant l’objet de la plainte est relaxée faute de preuve celle-ci peut s’engager à son tour sur des poursuites au motif de dénonciation calomnieuse à l’encontre de la personne s’étant plainte de son comportement. [5]

Le harcèlement moral dans le Code du travail

Le harcèlement moral au travail se retrouve ancré dans le Code du travail.


En effet l’article L1152-1 du Code du travail définit le harcèlement moral au travail de la manière suivante : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». [6]


Il est possible d’observer à travers cette définition l’absence d’une liste d’agissement ou fait constitutif de harcèlement moral, ce qui amène à penser que l’essentiel peut être l’objet ou l’effet de ces agissements, dans un arrêt rendu par la Cour de cassation, en chambre criminelle en date du 08 septembre 2015 , un dirigeant a été condamné pour harcèlement moral et la victime était sa directrice adjointe dont il affublé de divers nom sobriquet désobligeant à de nombreuses reprises et adopté des attitudes humiliantes notamment devant les salariés, les clients, mais aussi les fournisseurs de l’entreprise, cela ayant eu des répercussions sur sa santé.


À travers cette décision l’on remarque que l’objet de ces agissements était l’humiliation et l’atteinte à la dignité de l’employée, l’effet se distingue de l’objet, car il a directement effet sur l’état de santé de la victime.


Tout salarié peut être victime, quel que soit son poste, ancienneté ou type de structure tant que le contrat de travail est effectif et existant.


Au sens du code de travail, le harcèlement moral au travail doit donc être des agissements répétés même si l’espace dans le temps entre chaque agissement est espacé.


Les conséquences produites par les agissements sont de porter atteinte aux droits, dignité du salarié et a pour effet l’altération de la santé physique ou psychologique, cela aura donc pour effet la compromission de l’avenir professionnel.


L’employeur dispose d’obligation en matière de harcèlement moral au travail, directement lié à son obligation de sécurité qui est appréciée au niveau du résultat (Cour de cassation chambre sociale 24 juin 2009 n° 07.43.994 ; Cour de cassation chambre sociale, 17 octobre 2012 n° 11-22.553) [7] Il doit en effet prendre les mesures afin de prévenir le harcèlement moral au travail, l’on retrouve cette notion à l’article L1152-4 du code de travail. [8]


Pour aller plus loin l’article L4121-1 [9] du code de travail met à la charge de l’employeur l’obligation de protéger la santé physique et mentale des salariés (https://www.murielle-cahen.com/publications/burn-out.asp), la Cour de cassation en chambre sociale dans un arrêt du 6 décembre 2017, n° 16-110885 [10] a confirmé cette obligation assujettissant l’employeur.


L’employeur n’a pas seulement l’obligation de mettre fin au harcèlement moral au travail, mais il a également l’obligation de tout mettre en œuvre pour que le harcèlement ne se produise pas.

La répression du harcèlement moral au travail

La répression du harcèlement moral dans le cadre revêt deux dimensions la première étant la ou les démarches à suivre pour la victime (A) et la seconde concerne la répression et les sanctions prévues à l’encontre de l’auteur des faits (B).


La marche à suivre pour la victime de harcèlement moral au travail

Il existe plusieurs recours contre le harcèlement moral au travail :


L’alerte au représentant du personnel ou l’inspection du travail, en effet ces institutions aideront dans les démarches, cela permet de prévenir l’employeur en cas de harcèlement moral au travail.


L’inspection du travail si après vérification constate que le harcèlement au travail est bien constitué transmettra le dossier à la justice.


La procédure de médiation, le médiateur est choisi après accord des deux parties, il sera en charge de faire des propositions soumises aux parties afin de mettre un terme au harcèlement.


Le conseil des prud’hommes peut être saisi pour la réparation du préjudice, il faut agir dans un délai de cinq ans après le dernier fait constitutif de harcèlement moral, la procédure veut que l’action soit engagée contre l’employeur même si celui-ci n’est pas l’auteur direct du harcèlement.


La saisie du juge pénal peut venir en complément d’une plainte devant le conseil des Prud’hommes ou après une plainte de la partie harcelée.


La saisie du défenseur de droit est une option possible et il peut être saisi si les faits constitutifs de harcèlement moral au travail sont motivés par une discrimination tels que l’âge, les origines, le sexe.


Les sanctions encourues

Il y a trois sortes de sanctions possibles ici en fonction de la situation dans laquelle, la personne harcelée se trouve en effet on distinguera la sanction disciplinaire, civile et pénale.


La sanction disciplinaire correspond à la sanction donnée directement dans le cadre du travail, cela peut être une mise à pied, rétrogradation, la mutation ou encore le licenciement prononcé par l’employeur ou le chef de service.


La sanction civile se caractérisera par des dommages et intérêts en fonction du nombre de jour d’ITT, la sanction peut aller jusqu’à 1ans d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.


Aspect pénal l’article 222-33-2 [11] puni le harcèlement moral au travail de 2ans de prison et 30 000 € d’amende. Les peines sont doublées dans 3 cas alternatifs : incapacité de travail supérieur à 8jours, si la victime est une personne mineure ou vulnérable ou si un moyen de télécommunication a été utilisé pour commettre les faits.


Un seuil d’aggravation est prévu allant jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende si deux des circonstances aggravantes précédentes sont réunies.


La preuve du harcèlement moral au travail doit être constitué de faits précis et concordant ( Cour de cassation-Chambre sociale- 6 juin 2012 n° 10-27-766 [12].


La motivation de la juridiction répressive se doit d’être extrêmement précise dû fait du nombre élevé d’éléments matériels, la Chambre criminelle de la Cour de cassation est particulièrement exigeante, car ce qui pourrait paraître de la pure évidence nécessite d’être détaillé et expliqué dans la décision de condamnation, sinon la Cour de cassation considérera que la démonstration est insuffisante pour considérer l’infraction constituée. Un témoignage, des mails, SMS ou courrier sont recevables comme mode de preuve, la victime doit apporter la preuve de la réalité des faits, mais pas à prouver que ceux-ci sont constitutifs de harcèlement moral dans le cadre du travail.


L’évolution technologique liée au harcèlement moral pose de nouvelles questions concernant la répression de celui-ci, en effet qu’en est il des nouvelles formes de harcèlement indirectement lié au travail rendu possible par les plateformes numériques ?


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Notes