Le sort des animaux dans le cadre des procédures collectives (fr)

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Camille Berthet, juriste
Novembre 2018



Lorsqu’un professionnel ou une entreprise éprouve des difficultés, il est possible de demander l’ouverture d’une procédure collective dès lors que ses conditions sont remplies.


En fonction de la nature et de la gravité des difficultés, il faudra se tourner vers la procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.


Ces trois procédures sont ouvertes « à toute personne exerçant une activité commerciale ou artisanale, à tout agriculteur, à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ainsi qu’à toute personne morale de droit privé » (C. com., art. L.620-2).


On parle plus largement de « débiteur » ou « d’entreprise ».


Le redressement judiciaire est ouvert à tout débiteur en état de cessation des paiements, à savoir à toute personne qui n’est plus capable de faire face à son passif exigible avec son actif disponible (C. com., art. L.631-1).


Cette procédure est destinée « à permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif » (C. com., art. L.631-1).


La procédure de sauvegarde a le même but que le redressement judiciaire, mais ses conditions d’ouverture diffèrent.


Pour y prétendre, le débiteur doit en effet justifier de difficultés qu’il n’est pas en état de surmonter, tout en n’étant pas en état de cessation des paiements.


La liquidation judiciaire est quant à elle ouverte à tout « débiteur […] en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible » (C. com., art. L.640-1).


Elle est « destinée à mettre fin à l’activité de l’entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens » (C. com., art. L.640-1).


En d’autres termes, un liquidateur est nommé pour liquider / vendre la totalité des biens du débiteur.


Le régime de ces procédures collectives a été déterminé avant 2015, et plus précisément avant l’adoption de l’amendement Glavany.


Cette ancienneté toute relative (réforme principale datant de 2014) n’est que peu décelable, sauf à s’intéresser au sort des animaux dans le cadre des procédures collectives.


Depuis 2015, les animaux ne sont plus des biens au sens du Code civil (C. civ., art. 515-14).


Toutefois, le droit des entreprises en difficulté ne semble pas encore avoir intégré cette modification.


C’est pourtant d’une grande importance, il est plus courant que d’aucun pourrait le penser qu’il soit question d’animaux dans le cadre des procédures collectives.


La sauvegarde, le redressement ou la liquidation sont en effet ouverts aux agriculteurs (C. rural et de la pêche maritime, art. L. 351-8), qui peuvent être éleveurs, ainsi qu’à toute personne exerçant une activité commerciale ou personne morale de droit privé.


Prenons l’exemple d’un éleveur canin en état de cessation des paiements, dont le redressement est manifestement impossible : sa liquidation judiciaire est ouverte.


Qu’en est-il de ses chiens dans ce cas ? Doivent-ils être « liquidés » au même titre que les autres biens du débiteur ?


Les dispositions relatives à la liquidation du patrimoine du débiteur distinguent entre les biens immobiliers et les « autres biens du débiteur » (C. com., art. L.642-18 et L.642-19).


Le fait de parler de « biens » pourrait laisser penser que les animaux sont exclus de ses dispositions, et pourtant, tel n’est pas le cas.


Les animaux font en effet partie du patrimoine du débiteur : bien qu’ils ne soient pas des biens, ils restent appropriables.


Si l’on se rappelle que le régime des procédures collectives a été défini avant l’extraction des animaux de la catégorie des biens (cf. supra), tout devient plus clair.


« Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux restent soumis au régime des biens » (C. civ., art. 515-14).


Les animaux doivent-ils être vendus selon les modalités de l’article L. 642-18 du Code de commerce (relatif aux biens immobiliers) ou suivant les modalités de l’article L. 642-19 du même Code (relatif aux « autres biens ») ?


Même s’ils sont des êtres vivants doués de sensibilité, « les animaux que le propriétaire d’un fonds y a placés [pour le service et l’exploitation de ce fonds] sont soumis au régime des immeubles par destination » (C. civ., art. 524).


Par exemple, sont immeubles par destination : « les ruches à miel » (C. civ., art. 524), les poissons des étangs, les pigeons des colombiers (Civ. 2e, 24 mai 1991, n°90-12.912), les lapins des garennes (Civ. 2e, 2 juin 2005, n°04-13.149).


Pour reprendre l’exemple de l’éleveur canin, les chiens seraient ici assimilés à des immeubles par destination.


Si les biens immobiliers doivent être vendus suivant la procédure de saisie immobilière (C. Com., art. L. 642-18), les autres biens sont vendus aux enchères publiques sur ordre du juge-commissaire ou de gré à gré sur autorisation du juge-commissaire, dans les conditions et aux prix qu’il détermine (C. Com., art. L. 642-19).


Aussi la différence n’est que moindre : dans les deux cas, le bien est vendu aux enchères publiques '(C. proc. civ. exé., art. L. 322-5).


Dans le cadre d’une procédure de liquidation, les animaux seront vendus aux enchères (pour un exemple : liquidation judiciaire de l’élevage de Brève [1] ou vente de chiens aux enchères [2]), et le prix récolté sera soumis au concours des créanciers, sauf à ce que les animaux ne soient l’objet d’un privilège.


Une procédure de redressement judiciaire peut se terminer de différentes manières.


Elle peut se terminer par l’adoption d’un plan de redressement ou d’un plan de cession, ou par la conversion de la procédure en liquidation judiciaire.


Dans le cadre d’un plan de cession, les animaux pourront être cédés au repreneur avec le reste de l’activité.


Dans le cadre des procédures collectives, l’animal sera soumis au régime des biens et sera donc traité comme tel. La sensibilité de l’animal n’est que très peu prise en compte : si elle ne l’est pas du tout par le législateur, elle peut l’être dans les faits.


On pense par exemple à la cession de 41 chiens à la Société Protectrice des Animaux dans le cadre de la liquidation judiciaire d’un éleveur (toute l’histoire ici [3]).


Le liquidateur avait fait le choix de prévenir « la SPA pour qu’elle vienne récupérer les chiens de l’élevage ».


Toutefois, rien dans la loi ne force les organes de la procédure à prendre en compte la sensibilité des animaux.