Les obligations du courtier-IOBSP (Intermédiaires en Opérations de Banque et en Services de Paiement) en crédit immobilier (fr)

Un article de la Grande Bibliothèque du Droit, le droit partagé.

Auteur : Laurent Denis, avocat
Date : janvier 2019


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Laurent Denis pratique et enseigne le Droit (Université Paris-Est UPEM, Organismes de formation). Il est l’auteur d’articles et d’ouvrages, notamment de « Droit de la distribution bancaire » (2016), « Réussir son crédit immobilier » (2018), et co-auteur de « Courtiers et IOBSP : défenseurs d’intérêts » (2018) et « Panorama de l’IOBSP, 2018 » avec Bruno Rouleau.



Venant de dépasser mille milliards de crédit immobilier, en novembre 2018, le marché français du crédit immobilier aux particuliers présente incontestablement un caractère de masse. Les distributeurs d’opérations de banque (article L. 311-1 du Code monétaire et financier), particulièrement de crédit (article L. 313-1 du Code monétaire et financier mais également, article L. 311-1 6° du Code de la consommation) se rangent à présent en deux familles : les distributeurs directement subordonnés à un établissement de crédit et les distributeurs indépendants des établissements prêteurs. Ceux-ci, Intermédiaires en Opérations de Banque et en Services de Paiement (ou « IOBSP ») forment les Intermédiaires bancaires. Les Courtiers en crédit immobilier en sont l’expression la plus connue. Le peuple des Intermédiaires frôle en France les 60.000 personnes, sans compter leurs salariés, ce qui en fait un secteur économique particulièrement éminent. Il comprend près de 30.000 IOBSP, soit presque 7.000 de plus qu’en 2013 : +32% en cinq années. Une croissance aussi époustouflante que silencieuse. Ces Intermédiaires en Opérations de Banque et en Services de Paiement sont soumis à des obligations spécifiques, distinctes de celles des distributeurs bancaires directs et même, différentes entre les catégories d’IOBSP.



La profession réglementée d’Intermédiaire en Opérations de Banque et en Services de Paiement

Depuis le 15 janvier 2013, l’Intermédiaire bancaire exerce ses activités dans un cadre fixant les conditions d’accès à celles-ci. Plusieurs catégories d’IOBSP coexistent, ayant toutes en commun la présence d’une convention de mandat pour déterminer la distribution des opérations de banque. Les modalités pratiques de ces conditions d’accès varient selon la catégorie d’IOBSP et/ou les produits bancaires distribués.

Distribution, intermédiation et Intermédiaire bancaires

L’intermédiation en opérations de banque matérialise l’une des formes de la distribution bancaire, avec la vente directe au guichet de l’établissement de crédit (la « banque »), par ailleurs producteur ou concepteur du produit bancaire. L’intermédiation bancaire se définit juridiquement comme « l'activité qui consiste à présenter, proposer ou aider à la conclusion des opérations de banque ou des services de paiement ou à effectuer tous travaux et conseils préparatoires à leur réalisation » (article L. 519-1 du Code monétaire et financier, ou CMF). Cette activité est précisée à l’article R. 519-1 du même Code : « est considéré comme présentation, proposition ou aide à la conclusion d’une opération de banque ou à la fourniture d’un service de paiement le fait pour toute personne de solliciter ou de recueillir l’accord du client sur l’opération de banque ou le service de paiement ou d’exposer oralement ou par écrit à un client potentiel les modalités d’une opération de banque ou d’un service de paiement, en vue de sa réalisation ou de sa fourniture. »

L’Intermédiaire bancaire, ou IOBSP, est la personne qui pratique l’intermédiation bancaire, contre rémunération, les deux critères étant cumulatifs.

Ainsi « est intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement toute personne qui exerce, à titre habituel, contre une rémunération ou toute autre forme d'avantage économique, l'intermédiation en opérations de banque et en services de paiement, sans se porter ducroire ou qui fournit un service de conseil au sens de l'article L. 519-1-1 » (article L. 519-1 du Code monétaire et financier).

Catégories d’IOBSP et conditions d’accès et d’exercice de la profession d’IOBSP

La législation distingue entre quatre catégories d’IOBSP ou d’Intermédiaires bancaires :

- les Courtiers-IOBSP : agissent en fonction d’un contrat de mandat passé avec le client, candidat à l’emprunt et de conventions de partenariat passées avec les établissements de crédit prêteurs. C’est la forme répandue des IOBSP en crédit immobilier ;
- les Mandataires exclusifs-IOBSP : pratiquent leurs activités d’après un contrat de mandat donné par un établissement de crédit. Cette forme est fréquente dans la distribution de contrats de crédit spécifiques, notamment de banques européennes auprès du marché français ;
- les Mandataires non exclusifs-IOBSP : opèrent selon plusieurs contrats de mandat passés avec plusieurs établissements de crédit concurrents. Cette catégorie se rencontre chez les Intermédiaires pratiquant le regroupement de crédits (articles L. 314-10 et suivants du Code de la consommation) ;
- les Mandataires d’un IOBSP (ou « M-IOB ») : ces indépendants exercent en vertu d’un contrat de mandat passé avec l’une des trois catégories précédentes d’IOBSP, parfois aux côtés de salariés des IOBSP.

Les Indicateurs d’affaires commercialisent des coordonnées ou diffusent de la documentation commerciale, sans jamais pratiquer l’intermédiation bancaire ; ce ne sont ni des IOBSP, ni des personnes pratiquant l’intermédiation bancaire par dérogation au statut d’IOBSP.

L’accès à la profession d’IOBSP suppose le respect permanent de quatre conditions :

- la compétence (ou capacité) professionnelle : attestée par trois natures de justificatifs alternatifs (d’expérience professionnelle, de diplôme ou de formation professionnelle) ;
- la souscription d’une assurance de responsabilité civile professionnelle ;
- l’honorabilité, traduite par l’absence de condamnations pénales (article L. 500-1 du Code monétaire et financier) ;
- la souscription d’une assurance de garantie financière, dans le seul cas où l’Intermédiaire reçoit des fonds de ses clients, situation très rare en pratique ;
- l’immatriculation au Registre national, dit unique, des Intermédiaires en banque, assurance, finance, tenu par l’ORIAS (www.orias.fr). Cette condition absorbe les trois précédentes, puisque celles-ci sont vérifiées en vue de l’immatriculation effective.

La pratique de l’intermédiation bancaire en l’absence d’immatriculation au Registre national des Intermédiaires est sanctionnée. Outre ces conditions d’accès, les IOBSP respectent des conditions d’exercice de leurs activités. Ce sont les « règles de bonne conduite ».

Obligations précontractuelles des IOBSP

Les « règles de bonne conduite » des IOBSP (articles L. 519-4-1 du Code monétaire et financier, articles R. 519-19 à R. 519-31 de ce même Code) visent à incorporer des normes juridiques à des comportements professionnels. Il s’agit en l’espèce de méthodes commerciales.

Ainsi, les IOBSP « doivent se comporter d'une manière honnête, équitable, transparente et professionnelle en tenant compte des droits et des intérêts des clients, y compris des clients potentiels » (article L. 519-4-1 du CMF).

Ces obligations, qualifiées souvent de « précontractuelles » par référence au contrat principal, souvent au contrat de crédit, sont en réalité les obligations parfaitement contractuelles de l’Intermédiaire bancaire.

Elles comportent un tronc commun d’obligations partagées par tous les IOBSP. Les Courtiers-IOBSP reçoivent des obligations supplémentaires. Une taxinomie de ces obligations (ou de ces devoirs) précontractuell(e)s s’impose, dans le manque de clarté et de méthode des textes.

Obligations précontractuelles générales à tous les IOBSP

Le terme générique « d’obligation d’information », étant confus et imprécis, s’avère inopérant, peu apte à la compréhension, à la diffusion et à l’application du Droit. Toute obligation suppose en effet une information (cf article 1112-1 du Code civil). Le terme est trop générique.

Les obligations communes à tous les IOBSP se présentent ainsi :

- obligation de présentation de l’IOBSP : l’Intermédiaire délivre une série d’informations permettant au consommateur de le situer et de comprendre son rôle dans la chaîne de distribution, notamment de crédit (article R. 519-20 et R. 519-30 du Code monétaire et financier) ;
- obligation de description des caractéristiques essentielles du contrat : l’Intermédiaire communique au consommateur une autre série d’informations permettant d’identifier et de comprendre ces caractéristiques importantes du contrat envisagé, par exemple, du contrat de crédit (articles R. 519-21 al. 1er et R. 519-22 du Code monétaire et financier) ;
- obligation d’explication : l’Intermédiaire s’assure que le contrat envisagé est adéquat au profil du client (article R. 519-21 al. 2 du Code monétaire et financier). Ce travail, pour le crédit, repose essentiellement sur l’analyse de la solvabilité du consommateur, définie comme « la capacité de l'emprunteur à remplir ses obligations définies par le contrat de crédit » (article L. 313-16 du Code de la consommation) ;
- obligation de mise en garde : l’IOBSP estime l’opportunité de la délivrance de cette obligation, en attirant l’attention de l'emprunteur « lorsque, compte tenu de sa situation financière, un contrat de crédit peut induire des risques spécifiques pour lui » (article L. 313-12 du Code de la consommation, par exemple en crédit immobilier). Cette notion n’a guère de rapport avec l’obligation antérieure, de même dénomination, reposant sur la malhabile formulation « des risques de l’endettement né de l’octroi des prêts » (Cour de cassation, Ch. mixte du 29 juin 2007, n° 06-11.673), qui se trouve ainsi déclassée pour tous les prêts souscrits après le 1er octobre 2016.

Ces obligations bénéficient indistinctement à tous les clients, « avertis » ou non.

La preuve de leur délivrance incombe au professionnel, à l’IOBSP. L’IOBSP délivre chacune de ces obligations au moyen d’un support dédié (art. R. 519-23 du CMF). Parfois, la Loi prévoit le support incorporant la délivrance de l’obligation. Dans les autres cas, l’IOBSP développe ses propres outils pour se placer en pleine conformité avec les normes légales.

Obligations précontractuelles spécifiques aux Courtiers-IOBSP

Le Courtier-IOBSP, qui agit donc selon les termes d’un contrat de mandat reçu de son client, candidat à l’emprunt, délivre des obligations supplémentaires. Ces obligations forment une obligation principale : - l’obligation de conseil du Courtier-IOBSP (articles R. 519-28 et R. 519-29 du Code monétaire et financier).

Le conseil consiste très précisément à « exprimer une opinion pour engager à faire ou à ne pas faire » selon le dictionnaire Littré.

Ainsi, principalement, les Courtiers-IOBSP « veillent à proposer de manière claire et précise au client, y compris au client potentiel, les services, opérations ou contrats les plus appropriés parmi ceux qu'ils sont en mesure de présenter. Ils doivent s'abstenir de proposer un service, une opération ou un contrat qui ne serait pas adapté aux besoins du client ou du client potentiel » (article R. 519-28 du CMF).

Surtout, et ceci caractérise fortement le conseil, l'intermédiaire « précise au client, y compris au client potentiel, les raisons qui motivent ses propositions et lui indique comment il a pris en compte les informations qu'il a recueillies auprès de lui » (article R. 519-29 du CMF).

La limitation de cette obligation générale de conseil en crédit aux seuls Courtiers-IOBSP, juridiquement comme économiquement dépourvue de tout fondement sérieux, est pourtant admise comme telle dans notre Droit (Conseil d’Etat, du 24 juin 2013, n° 363 544).

L’IOBSP doit cette obligation à tous ses clients, non seulement particuliers (consommateurs), mais également professionnels.

Les obligations dues par les IOBSP n’exemptent pas les établissements prêteurs de leurs propres obligations, parfois similaires, parfois identiques, parfois spécifiques. L’articulation des obligations et des responsabilités entre établissements de crédit prêteurs et Intermédiaires bancaires apparaît comme l’un des forts enjeux juridiques de la distribution bancaire.

En outre, toutes les catégories d’IOBSP peuvent proposer des services de nature facultative. Ces services optionnels, une fois proposés, se transforment évidemment en obligations à la charge de l’IOBSP.

Il s’agit principalement :

- du service optionnel de conseil en crédit (article L. 519-1-1 du Code monétaire et financier). Ce conseil peut être qualifié d’indépendants, sous certaines conditions ;
- le service d’expertise (ou d’évaluation) du bien immobilier à financer.

Outre les IOBSP, ces services, tel celui de conseil, peuvent également se voir proposés par les distributeurs directs des établissements de crédit prêteurs. Ce n’est, hélas, pas la pratique retenue par ces derniers ; les établissements de crédit prêteurs, les banques, fuient manifestement le conseil en crédit. Leur point de vue est explicite : « le devoir de fournir un conseil, qui entraîne une responsabilité particulière pour le professionnel, ne devrait donc pas figurer comme une obligation », selon l’aveu limpide bien que modérément argumenté, du syndicat des banques françaises (Consultation sur la Directive crédit immobilier, Réponse publique de la Fédération Bancaire Française, Question 6, 31 août 2009).

Pour l’heure, les Courtiers-IOBSP en crédit sont donc les seuls à pouvoir revendiquer l’appellation de « conseillers » en crédit. Conjuguée à la philosophie très différente de la relation avec les clients que pose le droit de la distribution bancaire, ceci n’est sans doute pas étranger à leur forte attractivité et à leur net succès auprès des particuliers, très demandeurs de transformations dans le secteur de la banque de détail.


Synthèse des obligations précontractuelles en crédit immobilier

Les IOBSP sont bien évidemment tenus aux normes issues du Code civil, particulièrement, celles qui régissent le droit des contrats et celui des obligations. Ils sont simultanément soumis aux dispositions juridiques encadrant l’accès et l’exercice de leur profession, principalement hébergées dans le Code monétaire et financier. Enfin, ces obligations sont ajustées ou complétées selon la nature des opérations de banque que ceux-ci pratiquent. En particulier, le droit du crédit immobilier, remodelé par la Directive 2014/17 UE du 4 février 2014, transposée principalement aux articles L. 313-1, R. 313-1 et suivants, du Code de la consommation. Les IOBSP peuvent également cumuler d’autres statuts d’Intermédiaires, avec les obligations spécifiques qui les accompagnent ; certains agissent également comme Intermédiaire en assurance, par exemple. Le tableau de synthèse ci-après procure, sommairement, un exemple de l’association pratique des normes spécifiques au crédit immobilier à celles de l’intermédiation en opérations de banque.

Tableau : Obligations précontractuelles en crédit immobilier (sources :classification et terminologie des obligations précontractuelles en crédit, par www.endroit-avocat.fr, selon les dispositions du Code monétaire et financier et celles du Code de la consommation.)

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