Licenciement pour faute grave pendant un accident du travail : l’employeur peut seulement, dans le cas d’une rupture pour faute grave, reprocher au salarié des manquements à l’obligation de loyauté (fr)

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Franc Muller, avocat au barreau de Paris
Février 2019



Le salarié victime d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle fait l’objet d’une protection particulière prévue par la loi, qui empêche en principe l’employeur de le licencier pendant la durée de son arrêt de travail.


Au cours de cette période en effet, le contrat de travail est suspendu et le salarié ne peut être licencié que dans deux hypothèses : lorsqu’il a commis une faute grave [1], ou lorsque l’employeur se trouve dans l’impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie (article L 1226-9 du Code du travail).


S’agissant de cette dernière situation, la Chambre sociale de la Cour de cassation se montre assez exigeante, et considère en particulier que si la cessation définitive de l’activité de l’entreprise constitue une impossibilité de maintenir le contrat de travail (Cass. Soc. 16 mai 2007 n° 05-45728 [2]), l’existence d’une cause économique de licenciement ne caractérise pas, en revanche, cette impossibilité (Cass. Soc. 3 oct. 2018 n° 17-16474 [3]).


En outre, l’examen de la jurisprudence relative au licenciement d’un salarié pour faute grave pendant son arrêt de travail à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, porte essentiellement des faits ou sur le comportement du salarié avant cet arrêt de travail.


Ainsi, le licenciement pour faute grave du chauffeur d’un camion qui s’était renversé sur le bas-côté avec à son bord deux autres salariés, bien que le salarié se remette de ses blessures pendant cet accident du travail, avait été validé.


Les Juges avaient en effet retenu que le défaut de maîtrise du véhicule de l’intéressé, qui roulait à une vitesse excessive, et l’absence de port de la ceinture de sécurité étaient établis, de sorte que son comportement caractérisait une violation de ses obligations résultant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rendait impossible son maintien dans l’entreprise et constituait une faute grave (Cass. Soc. 15 déc. 2016 n° 15-21749 [4]).


La Chambre sociale de la Cour de cassation vient par ailleurs d’apporter une précision importante sur une situation plus rare en pratique concernant le licenciement pour faute grave d’un salarié à raison de faits ayant lieu pendant son arrêt de travail.


Elle énonce à cette occasion que « pendant la période de suspension du contrat de travail consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l’employeur peut seulement, dans le cas d’une rupture pour faute grave, reprocher au salarié des manquements à l’obligation de loyauté » (Cass. Soc. 20 fév. 2019 n° 17-18912).


Un basketteur professionnel était en accident de travail à la suite d’une blessure qu’il s’était faite dans le cadre de son activité professionnelle.


Pendant cet arrêt, l’employeur lui avait demandé de suivre des séances de kinésithérapie prescrites par le médecin traitant de l’équipe et de suivre un protocole de soins.


Ce qu’avait refusé de faire le salarié, qui considérait que pendant la période de suspension du contrat de travail, il était dispensé de fournir sa prestation de travail et ne saurait donc être tenu de poursuivre une collaboration avec l’employeur.


On se souvient cependant que, même pendant la période de suspension, le salarié reste tenu à une obligation de loyauté, qui lui interdit par exemple d’aller travailler pour une entreprise concurrente.


L’employeur l’avait alors licencié pour faute grave, soutenant que le refus de l’intéressé constituait un manquement à son obligation de loyauté, car tant son contrat de travail que la convention collective du basket l’obligeaient à se prêter aux soins nécessaires à sa récupération physique.


L’argument est approuvé par les Magistrats, qui retiennent que l’obligation de soins résultait de la spécificité du métier de sportif professionnel et que le refus du salarié constituait bien un manquement à son obligation de loyauté [5] rendant impossible la poursuite du contrat de travail et autorisant son licenciement pour faute grave.


Il convient donc surtout de retenir de la motivation très étudiée de la Chambre sociale de la Cour de cassation, que ce n’est que lorsqu’un employeur reproche au salarié un manquement à l’obligation de loyauté, pendant son arrêt de travail (consécutif à un accident du travail ou une maladie professionnelle), qu’il est fondé à le licencier pour faute grave.